Le livreur Cédric Chouviat était décédé lors de son interpellation en janvier 2020. Trois policiers seront jugés à Paris pour avoir eu un comportement "non adapté, négligent et imprudent".
Le procès doit se tenir devant le tribunal correctionnel de Paris. Dans l'ordonnance de renvoi, révélée par Mediapart et consultée par l'AFP, les magistrats instructeurs ont conclu que les forces de l'ordre avaient eu un "comportement non adapté, négligent et imprudent" menant à l'asphyxie de ce père de famille, décédé à l'âge de 42 ans.
Une quatrième policière, qui avait été placée au cours de l'enquête sous le statut plus favorable de témoin assistée, échappe à un procès.
Plaquage au sol provoquant un malaise
Les faits remontent au 3 janvier 2020. Cédric Chouviat, livreur à scooter, est plaqué au sol à Paris, avec son casque de moto sur la tête lors d'un contrôle policier, provoquant un malaise. Hospitalisé dans un état critique, il est déclaré mort le 5 janvier.
Six mois après son décès, l'affaire était devenue emblématique des violences policières après des révélations issues de l'expertise judiciaire : lors de sa mise au sol et de son menottage par les policiers, Cédric Chouviat a dit neuf fois "j'étouffe" en treize secondes, avant de faire un malaise.
Ses supplications rappelaient la mort de George Floyd, un Afro-Américain étouffé en mai 2020 par un policier blanc à Minneapolis, drame qui avait déclenché une immense vague de manifestations aux Etats-Unis.
"Débats importants sur le fonctionnement des institutions policières"
Le renvoi des trois fonctionnaires est "une étape importante, pour la famille de Cédric" Chouviat, a estimé Arié Alimi, avocat de la famille.
"Ça l'est également pour le traitement judiciaire des violences policières. L'audience sera le lieu et le temps de débats importants sur le fonctionnement des institutions policière et judiciaire", a-t-il avancé.
Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, autres conseils de la famille, ont aussi salué une "étape cruciale" mais regretté "le choix de la qualification" d'homicide involontaire "qui dénature et occulte" le caractère "volontaire", selon eux, "des violences".
Les magistrats instructeurs ont retenu des poursuites pour homicide involontaire, mais ils ont souligné avoir pris en compte les considérations des parties civiles, qui demandaient un procès pour "violences volontaires ayant entraîné la mort".
Dans leur ordonnance rendue le 17 décembre, ils ont indiqué s'être interrogés : les policiers auraient-ils agi dans un "état d'esprit" véhément, après avoir essuyé des injures de la part de M. Chouviat ?
Les policiers ont assuré avoir interprété les battements du livreur plaqué au sol comme "une résistance à l'interpellation", plutôt que comme des signes de détresse.
"Plusieurs actions manifestement inappropriées"
Or cette perception n'est pas "incohérente avec le positionnement" agité de la victime avant son interpellation, notent les juges d'instruction.
Les policiers ont maintenu ne pas avoir "entendu les mots prononcés" par le livreur.
Les magistrats instructeurs ont conclu que le dossier "ne permettait pas d'établir" une "intention de porter atteinte" à M. Chouviat, mais l'objectif de "parvenir à son menottage et son interpellation".
Sauf que "plusieurs actions manifestement inappropriées ont vu leurs effets se conjuguer" : un policier a maintenu avec son bras la tête de M. Chouviat au niveau du cou pendant une "durée exagérément longue", tandis que les deux autres l'ont menotté sans "prendre en compte la souffrance prévisible" de M. Chouviat.
Me Pauline Ragot, qui représente le chef de bord et un autre policier mis en cause, a indiqué à l'AFP avoir fait appel de l'ordonnance.