"On a bon espoir de racheter La Clef" : la lutte pour sauver le dernier cinéma associatif de Paris continue

Près de sept mois après son expulsion du Quartier latin, La Clef Revival espère toujours reprendre ses projections au 34 rue Daubenton. Le collectif compte sur de nombreux dons et soutiens pour tenter de racheter les lieux.

La citation de Jean-Luc Godard, décédé le mardi 13 septembre à l’âge de 91 ans, reste bien visible sur la devanture de La Clef : "Ce qui me console, de toutes façons, c’est de savoir qu’il y a toujours quelque part, dans le monde, à n’importe quelle heure (...) un petit bruit monotone mais intransigeant dans sa monotonie, et ce bruit, c’est celui d’un projecteur en train de projeter un film. Notre devoir est que ce bruit ne s’arrête jamais."

"Il avait beaucoup soutenu notre projet, explique Héléna, une membre du collectif La Clef Revival qui travaille par ailleurs dans le monde du cinéma et de la photographie. On lui avait notamment proposé une carte blanche en octobre 2020, il avait sélectionné sept films. Il nous envoyait aussi des petits mots."

Pour continuer à faire vivre le "petit bruit monotone" des projecteurs, le collectif organise une série d’événements cette semaine. Poèmes, courts-métrages, musique… Après la diffusion de Dans la Ville blanche d’Alain Tanner mardi à la Péniche Cinéma (XIXe arrondissement), La Clef Revival propose une soirée autour des droits à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) jeudi à l’Archipel (Xe arrondissement), un ciné-concert en plein air vendredi aux arènes de Montmartre (XVIIIe arrondissement), et enfin une séance au squat DOC (XIXe arrondissement) samedi.

"Ça nous fait chaud au cœur de revenir avec une semaine de programmation intense, ça nous rappelle des moments vécus à La Clef. Ce lien avec les spectateurices nous manquait, avant c’était au jour le jour", raconte Héléna. L’idée est de célébrer le troisième anniversaire de l’occupation du 34 rue Daubenton : le collectif a en effet été expulsé le 1er mars dernier, après avoir squatté et autogéré les lieux depuis septembre 2019 (en projetant notamment des films sur les murs du Quartier latin en plein confinement en 2020).

"On veut transformer le cinéma en bien commun"

L’histoire de La Clef, elle, remonte à 1973. Alors que le CSE de la Caisse d’épargne d’Île-de-France, propriétaire du cinéma, a mis en vente le lieu en 2015, l’établissement a fini par fermer en 2018 avec le départ de l’exploitant. Et tandis que le Groupe SOS avait signé en novembre 2020 un compromis en vue d’un rachat pour plus de 4 millions d’euros, ce géant de l’économie sociale a depuis finalement renoncé au projet. Une annonce faite le jour même de l’expulsion du collectif, en évoquant "l’absence d’un climat apaisé". Les occupants alertaient alors sur les "logiques entrepreneuriales" du groupe.

Plus de six mois après l’expulsion, le bâtiment reste vide et le bien est toujours à vendre. Pour tenter de le racheter, le collectif compte sur un fonds de dotation pour "sortir le bâtiment du marché de l’immobilier de manière pérenne", "assurer à l’association gestionnaire une pleine liberté d’action" et "garantir une gestion désintéressée et durable des lieux". La Clef Revival, qui vise 1,5 million d'euros de prêt, peut notamment compter sur une campagne de dons, qui dépasse à ce stade 150 000 euros grâce à plus de 2200 contributions.

Le collectif met en avant une liste rassemblant une quarantaine de donateurs et donatrices du monde du cinéma, parmi lesquels Leos Carax, Olivier Assayas, Céline Sciamma ou encore Yann Gonzales. La Clef Revival poursuit aussi un plan de mécénat, qui vise à collecter deux millions d’euros. Le producteur Pascal Breton est le premier mécène confirmé.

"On continue de discuter avec la propriétaire et différentes instances. On a bon espoir de racheter La Clef… On veut transformer le cinéma en bien commun, pour qu’il appartienne aux personnes qui s’en occupent et qui y viennent. Le but est de sortir de la logique de spéculation immobilière", souligne Héléna.

"Ce projet est né à La Clef mais il va bien au-delà. On veut une plus grande accessibilité au cinéma, avec un principe de prix libre", explique-t-elle. Héléna met aussi en avant la programmation : "Tout le monde peut y participer. On peut diffuser des films anciens et rares qui ne sont plus du tout projetés, mais aussi des œuvres de cinéastes que le grand public connaît mais qui n’ont plus accès aux salles aujourd’hui, et enfin des films de jeunes cinéastes qui galèrent en dehors des festivals."

Le collectif, dans lequel on compte aujourd’hui une quarantaine de membres actifs, a rassemblé plus de 20 000 adhérents en trois ans, avec plus de 500 séances organisées. Et pendant la mobilisation qui a précédé l'expulsion, le cinéma a attiré 9 000 spectateurs et plus d'une centaine d'invités, selon La Clef Revival.

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