Cette semaine, deux policiers de la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) se sont donnés la mort. Julien et Josselin avaient 27 ans et 25 ans. Un de leur collègue témoigne.
"C'était quelqu'un de jovial, de blagueur qui adorait son boulot, tous ceux qui le connaissaient peuvent vous le dire." Matthieu* était le collègue de Julien, 27 ans, un gardien de la paix qui s'est suicidé dimanche à son domicile parisien. Tous deux travaillaient au sein de la même unité à la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). Une direction chargée de la circulation, des gardes statiques et du maintien de l’ordre sur Paris, déjà endeuillée en mars par le suicide d'un fonctionnaire.Julien a été retrouvé mort son arme de service à ses pieds. "Pour moi, ce n’est pas anodin. Dès qu’il y a usage de son arme, c'est symbolique. On peut toujours dire qu'il avait des problèmes personnels mais comme nous tous, il était sursollicité." L’annonce du décès a été faite par téléphone à ses collègues de permanence dimanche. "Un choc." Depuis, dans le service, c'est l'abattement. "C'est très compliqué. On en parle entre nous parce qu’on a besoin de vider notre sac mais c’est tout. On navigue à vue et la hiérarchie est également très impactée."
Dès lundi, une psychologue est intervenue pour réaliser des séances d'échange en groupe. Mais de l’aveu de Matthieu, tout le monde n’a pas pu la voir par manque de temps. Et depuis, la liste noire s’est encore allongée...
Jeudi, un autre de leur collègue s’est suicidé, Josselin. Le gardien de la paix âgé de 25 ans était affecté à l'UEIR (Unité éducation et information routière) de la DOPC et s'est donné la mort avec son arme à son domicile de Villejuif.
Trois suicides en un mois, la situation est jugée très sérieuse par la hiérarchie. "Nous vivons cela très difficilement car il n'y a pas eu de détection de signaux. On n'a rien vu", explique Jean-Paul Jallot, le sous-directeur de la gestion opérationnelle de la DOPC. "Dès que l'on sent que l'un des fonctionnaires est dans une situation de désarroi, on l'adresse à l'unité de prévention et de soutien qui va juger s'il faut poursuivre en allant voir un psychologue. Ces trois personnes étaient dans des situations très différentes avec pour certains des problématiques conjugales mais nous n'avions pas eu de signes avant-coureurs."On est abasourdis. Josselin, je le croisais souvent. C'est la catastrophe, c'est l'hécatombe…
Maintenant, va pas falloir mettre un pansement sur la plaie.
D'après nos informations, l'un de ces policiers était passé par cette unité mais tout était "rentré dans l'ordre". "Une enquête environnementale va être à présent réalisée. Il va s'agir d'examiner le cas de ces personnes, de leur comportement au travail et de savoir si la hiérarchie avait la possibilité de détecter des signaux, mêmes faibles," poursuit Jean-Paul Jallot.
"Des drames comme ça, ça laisse des traces à vie"
Des signaux pas toujours faciles à analyser car certains préfèrent taire leurs problèmes plutôt que de se mettre en porte-à-faux vis à vis de leur hiérarchie ou d’être placardisé. "Le truc qui nous manque et qui existait quand je suis arrivé, c'est l'esprit de famille. Une attention plus forte portée à tous les effectifs. Il y a une vraie omerta à dire quand ça ne va pas," raconte Matthieu.Pour lui, les difficultés sont pourtant nombreuses. "On arrive sur Paris, tout juste sortis d'école, pour beaucoup loin de nos proches et on rencontre tous les mêmes problémes : le logement trop cher, les salaires trop bas et des fiches de paie qui ont parfois plusieurs mois de retard." Au sein de la DOPC, certains ont également des cycles de travail très soutenus puisqu'affectés aux missions de maintien de l'ordre notamment le week-end avec les manifestations de gilets jaunes (ça n'était pas le cas de Josselin et de Julien).
Des missions ingrates, peu attractives, aux dires de nombreux policiers."La DOPC, c'est un peu le passage obligé, reconnait explique Jean-Paul Jallot, le sous-directeur de la gestion opérationnelle de la DOPC. Mais après 18 mois à 2 ans passés par là, ces policiers peuvent évoluer vers la Dspap ou de la police judiciaire,"
Julien lui, préparait le concours pour devenir officier de police judiciaire. Il avait selon Matthieu plein de projets. "Comme quoi, même celui qui vient au travail en souriant peut aller mal. Des drames comme cela, ça laisse des traces à vie. "
* prénom d'emprunt