Hôtel 4 étoiles, bureaux, centre de santé… Le chantier du futur gratte-ciel a débuté dans le XVe arrondissement, alors que le projet suscite toujours des critiques de la part des élus écologistes et de droite.
De grands silos sont déjà visibles depuis la rue. Après un chantier préparatoire lancé en décembre, la construction de la tour Triangle, située dans l’enceinte du parc des expositions de la porte de Versailles, est lancée. Le gratte-ciel, avec ses 42 étages et une hauteur de 180 mètres, doit notamment accueillir un hôtel de 130 chambres, des commerces, un centre de santé, un espace culturel, une crèche, un centre de conférence et des "espaces de co-working" de 2000m2. Au total, le bâtiment doit abriter plus de 91 000 m2 de surface.
Lancé en 2008, le projet a été validé en 2015 sous la mandature d'Anne Hidalgo (PS), avec un coût estimé à 660 millions d'euros. Impact sur le paysage et l'environnement, conséquences du chantier pour le quartier, doutes autour de la rentabilité économique… La construction de l’édifice suscite toujours une certaine opposition.
"J’habite du côté de l’autre entrée du parc des expositions, où il y a déjà beaucoup de trafic et de camions pour les salons, donc ça ne fera qu’ajouter à la pollution et au bruit ambiant… Je plains plus ceux qui habitent à côté du chantier", déplore une habitante du XVe arrondissement.
J’adore l’art moderne : qu’on fasse quelque chose de joli, que beaucoup n’aiment pas, moi ça me plaît plutôt
Un riverain
"Ça ne va pas changer grand-chose, estime au contraire un riverain. On est dans un arrondissement de bourgeois, et ce n’est pas l’arrondissement parisien le plus gêné par les travaux. Allez faire un tour au boulevard de Sébastopol, c’est souvent moins drôle. Et j’adore l’art moderne : qu’on fasse quelque chose de joli, que beaucoup n’aiment pas, moi ça me plaît plutôt."
De son côté, Philippe Goujon, le maire LR du XVe, s’oppose toujours au projet. "La tour enlaidira tout le paysage urbain parisien avec des tonnes de verre, de béton et d’acier, ce qui n’est d’ailleurs pas très écologique, juge-t-il. Le chantier va être extrêmement impactant pour le quartier pendant quatre ans, avec une noria de camions et de bétonneuses. Des camions qui vont obstruer la circulation, et gêner les riverains."
A noter par ailleurs que le parquet de Paris a ouvert en juin dernier une enquête préliminaire pour favoritisme autour de la concession sur laquelle doit être construite la tour Triangle. Le Parquet national financier (PNF) est en charge de l'affaire. L’édifice doit être confié au groupe Unibail-Rodamco-Westfield (URW) pour quatre-vingts ans, en échange d'une redevance annuelle de 2 millions d'euros versée à la mairie de Paris.
Un projet "anachronique et antiécologique" selon les écologistes
Fragilisé financièrement dans le contexte de la crise sanitaire, et engagé dans une campagne de désendettement, le groupe URW a réduit à 30% sa participation au chantier pour réduire ses coûts. Le promoteur a ainsi lancé une coentreprise avec l'assureur Axa.
Fatoumata Koné, élue EELV du XIXe et présidente du groupe des élus écologistes au Conseil de Paris, pointe ainsi du doigt "un projet pharaonique menacé financièrement". L’élue critique aussi un projet "anachronique et antiécologique" : "On prône une éco-construction, ce qui est beaucoup plus compliqué pour un bâtiment de ce type. Et dans l’usage, les Parisiens ont aujourd’hui besoin de logements, et notamment de logements sociaux."
Les élus écologistes, pourtant alliés de la majorité socialiste, s’opposent depuis plusieurs années au projet. "On n’a pas changé notre position, souligne Fatoumata Koné. C’est un bâtiment énergivore, et un très mauvais symbole. Est-il nécessaire d’avoir une tour de bureaux à Paris et dans le XVe ? Et au-delà des problématiques écologiques, ça pose la question de la transformation de la ville."
Le groupe URW met au contraire en avant un "lieu du quotidien (...) parfaitement intégré au territoire" et qui correspond aux "nouveaux besoins des entreprises". Panneaux photovoltaïques, aluminium recyclé, "façades bioclimatiques"… Selon le promoteur, le projet est "en adéquation avec les enjeux environnementaux", par "son intégration urbaine exemplaire, son efficacité énergétique et carbone rarement atteinte et ses multiples innovations techniques".
Le groupe vante également la "réversibilité" du lieu, en évoquant "une structure la plus libre possible, qui pourra évoluer" : "Demain, on pourra si on le souhaite transformer 30 000 m2 de bureaux en logements sans changer les façades et démolir la tour". Le promoteur, qui donne le chiffre de "5000 emplois directs et indirects pendant la durée du chantier", rappelle que la livraison est prévue pour 2026. Une fois terminé, le gratte-ciel devrait devenir le troisième bâtiment le plus haut de la capitale, après la tour Eiffel et la tour Montparnasse.