Cette tour de bureaux de 180 mètres prévue porte de Versailles dans le Parc des expositions sera-t-elle construite un jour ? La justice a ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme.
L'enquête a été ouverte au Parquet national financier (PNF) pour "favoritisme" et "recel de favoritisme en juin dernier. Rachida Dati, la maire LR du VIIe arrondissement de Paris a fait en juillet 2020 un signalement à la justice sur ce projet tandis que l'association Anticor a déposé une plainte avec constitution de partie civile en février 2021.
Un rapport de la Chambre régionale des comptes
Les détracteurs s'appuient sur un rapport de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France de juillet 2020. Celle-ci souligne que le projet de la Tour Triangle a été "inséré de façon critiquable dans l'enceinte du Parc des expositions de la porte de Versailles"
Pour réaliser ce projet, la ville de Paris a accepté d'indemniser l'actuel concessionnaire du parc des expositions, Viparis, filiale d'Unibail-Rodamco, à hauteur de 263 millions d'euros "pour un préjudice non démontré", selon la Chambre régionale.
Dans le même temps, la ville a fait signer un nouveau contrat à Viparis pour continuer ses activités au sein du Parc des expositions. Un contrat attribué "dans des conditions en partie contestables", souligne également le rapport de la Chambre des comptes.
Distorsion de concurrence
La mairie de Paris a également lancé un appel d'offres pour la future concession de la tour. Pour y participer, elle a demandé aux candidats un droit d'entrée de 263 millions d'euros, même montant que l'indemnisation versée par la ville à l'actuel concessionnaire, Viparis. Elle a accepté que Viparis s'acquitte de cette somme en "renonçant à l'indemnité de résiliation anticipée de la concession", alors que l'autre candidat devait "autofinancer" ce droit d'entrée, selon cette source. La Ville de Paris "s'est ainsi privée d'une ressource nette tout en provoquant une distorsion de concurrence pour l'attribution du nouveau contrat", observe la chambre régionale des comptes.
Contactée par l'AFP, la mairie de Paris a dit "prendre connaissance ce jour" de l'existence de l'enquête, soulignant qu'une "précédente plainte déposée en 2018 par deux associations d'opposants au projet n'avait donné lieu à aucune poursuite". La Ville dit avoir "scrupuleusement respecté les règles de droit applicables dans ce dossier".
La Tour Triangle verra-t-elle le jour ?
L'idée de ce projet controversé depuis ses débuts est née en 2008 sous la mandature du maire socialiste Bertrand Delanoë. Anne Hidalgo était alors l'adjointe à l'urbanisme. Signée de l'agence d'architecture suisse Herzog et de Meuron, cette tour située porte de Versailles au sein du Parc des expositions doit notamment héberger un hôtel quatre étoiles de 120 chambres, 2.200 mètres carrés d'espace de travail partagé ("coworking") et un équipement culturel de 540 m2.
Le projet a vite suscité le mécontement des riverains et des élus. Il a été une première fois rejeté en novembre 2014 puis approuvé avec quelques modifications par le Conseil de Paris le 30 juin 2015, à une courte majorité.
En mai 2019, saisi de plusieurs recours, le tribunal administratif a validé ce permis. Mais alors que la première pierre de la tour devait être posée avant 2020, en vue d'une ouverture avant les Jeux Olympiques de 2024, le projet a été retardé.
Aujourd'hui, outre les suites judiciaires, se pose la question de la rentabilité économique d'un tel projet dans l'ère post-Covid, quelques semaines après l'abandon d'un autre grand chantier parisien contesté, celui de la Gare du Nord.
Dans un entretien à l'AFP fin septembre, Emmanuel Grégoire, adjoint à l'urbanisme à la mairie de Paris, avait estimé que la tour était "prête à être lancée", y voyant un "très bon signal pour l'attractivité de Paris".