Alors que le clip de sa nouvelle chanson "Paris saccagé" a vite dépassé le million de vues sur YouTube, Pierre Perret y critique une ville "enlaidie" et submergée par les ordures, en visant la mairie d'Anne Hidalgo. De quoi susciter des réactions bien tranchées.
Dans un "Paris dégoûtant", "seuls les rats sont contents", regrette Pierre Perret. Le chanteur de 88 ans, qui vient de publier le morceau Paris saccagé, y décrit une capitale "enlaidie", transformée en "grand dépotoir". L’auteur du Zizi, des Jolies Colonies de vacances et de Lily dénonce entre autres "les déjections qui fleurissent les trottoirs", et "les squats les plus crades" à "Barbès, la Chapelle, Stalingrad”. Il s’en prend aussi aux street artistes "qui écrivent des conneries sur les murs", aux vélos et aux trottinettes qui "grillent les feux", ou encore aux "affreux bitoniaux qui bornent les pistes" cyclables.
Le tout dans un clip où l’on voit l’artiste au guidon d’un vélo, filmé devant un fond vert, avec en arrière-plan des images de travaux, de routes barrées, de détritus et de poubelles envahies par des rongeurs. Les responsables de ce Paris "cracra" selon Pierre Perret ? Les "gentils écolos" et "les crânes de piaf dégourdis qui bouffent des graines à la mairie" si l’on en croit les paroles, chantonnées sur un air d'accordéon.
"Je ne considère pas la propreté comme une valeur de droite"
"J’ai trouvé ça amusant", réagit le conseiller régional Pierre Liscia (Libres, ex-LR). L’ancien conseiller de Paris a même partagé la chanson sur Twitter. "C’est assez révélateur de la cécité politique de la Ville de Paris sur l’état de la capitale, avec un discours qui prétend que ceux qui dénoncent la saleté ne voient que le verre à moitié vide. Ce n’est pas une chanson politique, mais Pierre Perret est un chansonnier qui dépeint ce qu’il ressent. D’autant que de nombreuses personnalités du monde de la musique, du cinéma ou de la politique ont déjà dénoncé ces problèmes", estime l’élu, qui cite notamment Fabrice Luchini, Vincent Lindon, Philippe Lellouche, Jean-Pierre Jeunet, Alain Souchon, Mathilde Seigner et Jack Lang.
Face aux nombreux commentaires publiés sur les réseaux sociaux en réaction à Paris saccagé, Pierre Perret explique à BFMTV avoir commencé l’écriture du morceau il y a quatre ans, sans s’inspirer de la grève actuelle des éboueurs. Il affirme également avoir repoussé l’enregistrement de sa chanson après les municipales, pour éviter de trop cibler Anne Hidalgo. "Ce qui m'amuse, c'est que j'entends tout… 'Oh il tourne au vieux con !' Au vieux, c'est sûr. Au con, j'en sais rien. Si c'est tourner au vieux con, bah voilà : je suis un vieux con", déclare le chanteur.
"Je regrette que le fait de demander un minimum de propreté soit catalogué comme une chose réservée aux vieux réacs de droite, estime d’ailleurs Pierre Liscia. Je ne considère pas la propreté comme une valeur de droite, mais j’ai bien peur que la saleté soit une valeur de gauche si je crois certains commentaires complaisants que les paroles suscitent, même si j’espère me tromper. C’est une problématique qui concerne tous les Parisiens."
"La vidéo mélange tout"
Anne-Claire Boux (EELV), l’adjointe à la mairie de Paris en charge des quartiers populaires, déplore au contraire "un mauvais timing". "On est en pleine grève des éboueurs contre la réforme des retraites, et on remet enfin la lumière sur un métier pénible, rappelle l’élue. C’est mal venu. On parle d’injustices sociales. La chanson arrive à contretemps, on croirait à la limite que c’est une provocation qui fait la propagande du gouvernement."
"La vidéo mélange tout, ajoute-t-elle. Le bio, les végans, la saleté… C’est un peu le bingo du réactionnaire, avec une stigmatisation des quartiers populaires comme Barbès. Et ça caricature l’écologie, alors qu’un nouveau rapport du Giec nous dit que la planète ne sera bientôt plus habitable. Ça me révolte. Je trouve ça dommage pour un artiste dont l'œuvre a porté un discours engagé et humaniste, par exemple sur la question des réfugiés. Mais je respecte bien sûr la liberté d’expression."
Je ne m’attendais pas à ça venant de lui, ça m’a déçu
Ludovic Franceschet, éboueur de la Ville de Paris et tiktokeur
"J’aime bien Pierre Perret et ses chansons, je n’ai rien contre lui, mais là il salit Paris", déplore de son côté l’éboueur et influenceur Ludovic Franceschet, suivi par près de 300 000 abonnés sur TikTok. "Je ne m’attendais pas à ça venant de lui, ça m’a déçu. Pourquoi cracher sur Paris, avec sa visibilité ? Je trouve qu’il fait du tort à son image, ça me semble plus politique qu’autre chose. Ça ne va rien arranger, ça ne fait pas avancer les choses, c’est comme #SaccageParis", déplore-t-il, alors que le titre de Paris saccagé semble faire référence au mouvement né en 2021 sur Twitter.
Ludovic Franceschet, lui, continue à faire grève "en dents de scie", pour des raisons financières. "Je ne sais pas comment je vais faire pour travailler deux ans de plus, c’est très compliqué, même si je suis amoureux de mon métier, explique l’éboueur. La propreté, c’est la responsabilité de chacun, nous sommes tous acteurs. Mieux vaut agir plutôt que de critiquer de cette manière. Est-ce qu’on voit Pierre Perret ramasser des canettes dans son clip ?"