Paris : une marche blanche samedi pour dire "stop à la mort au travail"

Un rassemblement est prévu ce samedi 4 mars devant le ministère du Travail, en hommage aux victimes d’accidents du travail. Une manifestation organisée par un collectif de familles qui "ne veulent pas être oubliées".

Elles viennent "de toute la France pour faire entendre leur détresse et leurs revendications". Ce samedi en début d’après-midi, le collectif "Familles : stop à la mort au travail" organise une marche blanche à Paris. "Un rassemblement est prévu dans le square d’Ajaccio, dans le VIIe arrondissement, avec des prises de parole. Une vingtaine de familles doivent être reçues par le cabinet du ministère du Travail", explique Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie à Montreuil (Seine-Saint-Denis) qui depuis quatre ans recense quotidiennement les accidents du travail sur un compte Twitter dédié.

"Ce collectif a été créé il y a quelques mois à l’initiative de Fabienne Bérard, la mère de Flavien Bérard : un soudeur qui est mort le 5 mars 2022 à l’âge de 27 ans sur un chantier pétrolier en Seine-et-Marne. Une pièce de foreuse s’est détachée et a percuté sa tête 18 mètres plus bas. Il est décédé dans les jours qui ont suivi à la Pitié Salpêtrière. Sa mère connaissait mon travail de recensement et m’a contacté pour mettre en relation les différentes familles de victimes. Le collectif s’est depuis étoffé", raconte Matthieu Lépine.

"Ces familles, qui ne reçoivent jamais aucun message de soutien de la part des autorités publiques, veulent que ce sujet soit pris au sérieux. Elles ne veulent pas être oubliées. il faut mettre la lumière sur cette situation", affirme-t-il.

"On parle d’une vie humaine, mais il n’y aucune prise en compte des familles"

Maxime Wagner, un ouvrier mort à l’âge de de 37 ans sur un chantier du Grand Paris Express, fait partie des victimes du travail en Île-de-France. Intérimaire pour l’entreprise Dodin Campenon-Bernard, une filiale de Vinci, il a été percuté à la tête par une conduite dans le tunnelier du prolongement sud de la ligne 14, le 28 février 2020. "Il aidait à déboucher une canalisation, il s’est pris un embout en silicone en plein visage, ce qui l’a plongé dans le coma… Il est mort de ses lésions cérébrales dans la nuit du 18 au 19 mars", retrace sa sœur jumelle Julie, qui habite dans l’Aveyron.

"Depuis, on n’a jamais reçu aucun message de l’entreprise. On a appris les circonstances de l’accident deux après, dans un article de Basta !. Une enquête de l’inspection du travail pointe du doigt la responsabilité de l’entreprise, avec plusieurs défaillances", raconte Julie Wagner. Alors que l’employeur est mis en cause pour homicide involontaire, le procès a été renvoyé deux fois, jusqu’au 5 avril prochain. "La dernière audience devait avoir lieu le 12 décembre dernier au tribunal de Créteil, mais on a reçu les éléments de la partie adverse une heure avant", explique la sœur de Maxime Wagner.

"C’est vraiment un combat, tous les jours il faut tenir debout. On parle d’une vie humaine, mais il n’y aucune prise en compte des familles, aucune reconnaissance, aucune remise en question. Même dans la presse, Max est parti comme si de rien n’était, il a été ignoré", déplore Julie Wagner.

Parmi les victimes, "beaucoup de jeunes" et "beaucoup de travailleurs de plus de 50 ans"

"Si on résume ces histoires à des faits divers isolés, en se disant que c’est la faute à pas de chance, il y a quelque chose qui cloche", alerte Matthieu Lépine. "Si on prend l’année 2019, selon la Dares (Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), qui dépend du ministère du Travail, il y a eu en France 790 morts causés par des accidents du travail. Ce chiffre ne prend pas en compte la fonction public, les indépendants, les travailleurs détachés et les travailleurs non déclarés. Cette année-là, il y a eu 40 000 accidents du travail entraînant une invalidité permanente", indique-t-il.

"Toujours en 2019, d’après l’Assurance Maladie, qui ne prend en compte que les salariés du secteur privé, il y a eu 1264 morts, si on comprend les accidents de trajet et les victimes de maladie professionnelle. Il y a eu par ailleurs 1,2 million de déclarations d’accidents du travail cette année-là", ajoute Matthieu Lépine.

"Au-delà des chiffres, on retrouve des profils et des circonstances similaires avec une organisation du travail défaillante et des règles de sécurité qui ne sont pas respectées. Il y a beaucoup de jeunes, qui ne sont pas assez formés et encadrés. Et il y a aussi beaucoup de travailleurs de plus de 50 ans, et des travailleurs précaires, intérimaires", poursuit-t-il.

Matthieu Lépine appelle à "une prise de conscience" : "Il faut un meilleur accompagnement juridique et psychologique. Il faut aussi lutter contre les baisses d’effectifs dans l’inspection du travail. En Île-de-France, il y a un inspecteur pour 12 000 personnes. Selon la CGT, en Seine-Saint-Denis seulement un tiers des procès verbaux dressés par les inspecteurs du travail en 2014 ont donné lieu à des poursuites judiciaires". Matthieu Lépine pointe enfin du doigt des "condamnations pas assez dissuasives pour les entreprises responsables de morts au travail".

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