Pollution de l’air dans le métro : "les chiffres de la RATP donnent une idée faussée de la situation"

Une nouvelle étude de l'association Respire mesurant la pollution dans le métro et le RER dénonce des "chiffres trompeurs" de la part de la RATP, avec des capteurs "mal entretenus et peu performants". Alors que le groupe dément, la Région a missionné Airparif pour réaliser une "étude indépendante".

Quel air respirons-nous dans le métro parisien ? D’après une nouvelle étude commanditée par l’association nationale pour la prévention et l'amélioration de la qualité de l'air (Respire) et le syndicat autonome de la RATP (SAT-RATP), la pollution à l’intérieur des stations est "préoccupante". Le rapport dénonce même des "chiffres trompeurs" de la part de la RATP.

Le groupe a en effet mis en place sur son réseau il y a plusieurs années un système de mesure de la pollution, "Squales" (Surveillance de la Qualité de l'Air de L'Environnement Souterrain). La RATP a ainsi placé des capteurs dans trois stations : Auber, Châtelet et Franklin-Roosevelt. Mais selon Respire, ces outils sont "mal entretenus et peu performants".

"Le système de mesure de la RATP donne une idée faussée de la situation, explique Olivier Blond, le directeur de l’association, à France 3 Paris IDF. C’est complètement inefficace. Il y a trois capteurs. Celui situé à Châtelet est encrassé et donne des résultats aberrants. Le capteur à Franklin-Roosevelt fonctionne à peu près. Et enfin à Auber, qui est une station exposée à une pollution très importante, la RATP ne communique plus de résultats depuis juillet 2018." Respire souligne ainsi que les écarts entre les valeurs mesurées atteignent parfois "un facteur 10" dans les stations.

Pour mener l’étude, Respire a fait appel à Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche au LPC2E-CNRS (Laboratoire de Physique et de Chimie de l’Environnement et de l’Espace) à Orléans. Les mesures ont été réalisées entre le 24 septembre et le 2 décembre 2020, dans dix stations : Abbesse, Alexandre Dumas, Chatelet, Franklin D. Roosevelt, Place d’Italie, et Trocadéro pour le métro ; Auber, Chatelet les Halles, et Gare de Lyon pour le RER. Le tout avec "un outil de haute précision", selon l’association.

De quoi constater des "pics très élevés" de pollution qui peuvent atteindre jusque 500 μg/m3, "soit 10 fois le seuil d’un pic de pollution en extérieur" d’après Respire. Et ce "sur des durées courtes mais qui représentent une exposition majeure pour les usagers sur les quais".

"Un vrai déficit de transparence et de sérieux" selon Respire

"Les situations sont extrêmement variées d’une station à l’autre, voire d’un quai à l’autre, on voit parfois des écarts qui atteignent un facteur 2 ou 3, précise Olivier Blond. Les stations les plus profondes, et donc les moins aérées, sont les plus polluées. Les stations RER sont également particulièrement concernées, sûrement en raison du freinage des rames, plus lourdes, ce qui génère encore plus de particules."

Si on veut lutter contre la pollution, il faut avant tout commencer par la mesurer

Olivier Blond, le directeur de Respire

Suite aux résultats, Respire demande la mise en place d’un "véritable système de surveillance de la qualité de l’air" avec des données accessibles publiquement en permanence. "Il y a un vrai déficit de transparence et de sérieux, déplore Olivier Blond. Si on veut lutter contre la pollution, il faut avant tout commencer par la mesurer. La RATP doit prendre la mesure du problème, et faire les efforts nécessaires. On leur a transmis notre étude. Il y a un vrai enjeu, il s’agit de protéger des millions d’usagers et des dizaines de milliers de salariés de la RATP."

Face à l’étude, la RATP a publié un communiqué, mettant en avant des données "consultables en temps réel" depuis un site dédié. Contacté, le groupe confirme à France 3 Paris IDF qu’il "dément les accusations" : "Nous, on utilise des capteurs de référence, entretenus régulièrement. Les outils portatifs utilisés par l’association Respire ne permettent pas de donner des mesures comparables avec nos analyses."

A Auber, les travaux de modernisation empêchent de faire les mesures

La RATP

"A Auber, les travaux de modernisation empêchent de faire les mesures, affirme la RATP. C’est indiqué sur le site. Le local de mesures a été enlevé pour permettre la réalisation des travaux. Nos appareils de référence sont volumineux et doivent être protégés. Les vibrations engendrées par les travaux perturbent également les analyseurs et influent sur la qualité des mesures." Et d’ajouter : "Concernant le capteur encrassé à Châtelet selon le rapport de l'association Respire : non, la maintenance est régulière et nous vérifions bien justement le bon fonctionnement des appareils de mesure."

Du côté de Respire, Olivier Blond dénonce une réponse "pathétique" : "Ils essayent de dénigrer notre travail… On n’utilise pas des micro-capteurs mais des stations de mesure du CNRS. A Auber, quand ils évoquent les travaux qui ne permettraient pas de garantir l’exactitude des données, ce n’est pas sérieux. La RATP est dans le déni. Ce n’est pas bon signe, mais on ne va pas les lâcher."

Dans une étude précédente publiée en septembre 2019, l’association révélait déjà des concentrations importantes de particules fines dans le métro et le RER, parfois jusqu’à 10 fois plus élevées qu’en surface.

A noter toutefois que la pollution ne se résume pas aux seules particules fines. "Les particules qu’on trouve dans le métro n’ont pas du tout la même composition que les particules qu’on va trouver à l’extérieur", expliquait en effet Francelyne Marano, professeur émérite de biologie cellulaire et de toxicologie, en mai 2019 à l’occasion d’une émission de Parigo sur le sujet.

"Vous n’avez pas de particules diesel, qui sont ultrafines et qui vont jusqu’aux alvéoles du poumon, poursuit la spécialiste. On ne les trouve pas dans le métro, sauf peut-être pendant certains travaux de maintenance. L’exposition est forte, mais ce sont des particules qui n’ont pas la même toxicité."

La Région Île-de-France annonce avoir missionné Airparif pour réaliser une "étude indépendante"

La PDG de la RATP Catherine Guillouard, à l’occasion d’un entretien avec France 3 Paris IDF jeudi 28 janvier, au lendemain des révélations de Respire, explique "investir très largement dans la ventilation" : "Nous avions, dans le contrat précédent qui nous liait à IDF Mobilités, plus de 50 millions d’euros investis sur la ventilation dans la ventilation. Nous avons encore 50 millions dans le contrat qui vient pour régénérer et améliorer la ventilation du métro."

"Nous innovons", souligne aussi Catherine Guillouard, qui met notamment en avant "un programme sur la captation des particules au freinage". Et d'ajouter : "On a fait régulièrement sur nos propres salariés, depuis 1980, des études de médecine pour regarder s’il y avait des problèmes sur la santé. On n’a jamais eu d’indicateur démontrant qu’il y avait un sujet sur la santé de nos personnels."

Suite à la publication de l’étude, la Région Île-de-France a par ailleurs annoncé vendredi 29 janvier avoir missionné Airparif pour la réalisation d'une "étude indépendante". "Nous missionnons aujourd'hui Airparif, en lien avec la RATP, pour mener une étude indépendante sur le système de mesure de la qualité de l'air dans le métro parisien, pour s'assurer du bon état de fonctionnement des capteurs, ainsi que de la complétude des données recueillies et publiées", explique dans un communiqué Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président UDI de la Région Île-de-France, en charge de l'Écologie, du Développement durable et de l'Aménagement.

"L'amélioration de la qualité de l'air nécessite un travail de fond sur le moyen/long terme. Notre objectif est clair et réaliste, nous souhaitons d'ici 2033 dépolluer l'air dans les espaces souterrains du métro et du RER et répondre ainsi aux attentes légitimes des Franciliens", ajoute Jean-Philippe Dugoin-Clément.

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