Ce lundi au procès de Redoine Faïd, le pilote d'hélicoptère pris en otage pour l'évasion du braqueur multirécidiviste a témoigné. Il a raconté à la cour d'assises de Paris cette matinée du 18 juillet 2018, son trajet vers la prison de Reau ou était détenu Redoine Faïd.
Rédoine Faïd a du mal à regarder l'homme qui se tient à la barre, silhouette courbée et la voix cassée par le souvenir du traumatisme. Stéphane Buy, 70 ans, est le pilote d'hélicoptère pris en otage pour la spectaculaire évasion du braqueur multirécidiviste. Stéphane Buy est très grand, il est obligé de se pencher pour parler dans le micro. Depuis quelques minutes ce lundi, il raconte à la cour d'assises de Paris sa prise d'otage, le matin du 1er juillet 2018, au prétexte d'un baptême de l'air.
Très vite après le décollage, le père et le fils "Lepetit" avaient demandé à se poser dans un champ pour une envie pressante. "Ils vont uriner, je reste à ma place de pilote. "Ça a duré quelques minutes et là...".
Sa voix se casse, il s'arrête, s'excuse, ravale ses larmes. Avant lui, l'experte-psychiatre qui l'a examiné avait décrit son anxiété, son hypervigilance et cette "peur intense de mourir". "Ils m'ont braqué au sol, m'ont fait me mettre à genou", articule péniblement Stéphane Buy, costume sombre, crâne dégarni. "Si je n'obtempérais pas, ils tueraient quelqu'un dans ma famille", se souvient-il. Il craque à nouveau. "Ils m'ont dit : "On a quelqu'un devant chez toi".
À " 5-10 mètres du sol en évitant les obstacles "
Dans le box, Rédoine Faïd, pull rouge, fixe le sol. Le pilote revit ensuite le trajet vers la prison, l'arrêt pour récupérer complices encagoulés et matériel. Les vols à "5-10 mètres du sol en évitant les obstacles", pour ne pas se faire repérer. Puis les toits rouges de la prison de Réau qu'ils aperçoivent avec son "logo énorme qui dit interdit de survoler". "Ils me montrent une toute petite allée triangulaire : pose-toi là". Pendant les sept longues minutes où une partie du commando va chercher Rédoine Faïd. Stéphane Buy avait lui perdu la notion du temps, il tient son hélicoptère en vol stationnaire à un mètre du sol. Pour ne pas que les surveillants ne tirent sur l'appareil, avait expliqué un enquêteur à la barre.
"Un polo neuf "
Puis les malfaiteurs reviennent, avec "un monsieur non cagoulé", Rédoine Faïd. "Il monte dans l'hélicoptère, me tape sur le genou. Il me dit : Je suis pas un terroriste, pas un tueur, décolle". "Je dis : On va où ? Décolle". Il suit les indications, "un coup à droite, un coup à gauche". Pour finir par se poser près de Gonesse dans le Val-d'Oise où le roi de la "belle" lui dit : "T'inquiète pas, on va t'asperger d'eau de javel, c'est juste pour éviter les traces ADN".
Stéphane Buy s'interrompt, on pense qu'il va parler de la terreur qu'il a ressentie... mais il émet un petit rire presque honteux, avant de raconter pourquoi on l'a retrouvé torse nu. "J'avais un polo neuf, je l'aimais bien... C'est complètement idiot mais je voulais sauver mon polo, alors je l'ai enlevé".
À la fin de son récit, la présidente Frédérique Aline fait se lever Rachid Faïd, qui partage le box avec son petit frère Rédoine et est soupçonné d'être le "chef" du commando. Elle lui demande s'il reconnaît être monté dans l'hélicoptère. Rachid Faïd, 65 ans, acquiesce. "Je suis désolé, j'ai failli pleurer en voyant comment il est choqué le monsieur", lance-t-il, visiblement touché.
À la barre, Stéphane Buy le regarde fixement mais ne réagit pas. La présidente fait se lever Rédoine Faïd. L'air grave et un peu solennel, il fait acte de contrition. Lui qui s'était déjà excusé auprès de sa famille - deux de ses frères et trois neveux sont jugés à ses côtés - demande longuement "pardon" au pilote, pour avoir "un peu... beaucoup pourri votre existence par cette envie de liberté", dit-il. Le pilote reste tourné vers la cour, puis finit par le regarder, là aussi sans un mot ni geste.
Les accusés devraient commencer à être interrogés sur les faits à partir de jeudi.