Le tribunal administratif de Paris a rejeté un recours en urgence contre le déploiement de drones par la police, depuis la mise en place du confinement. "La décision ne répond pas aux vrais problèmes de liberté publique que l’on pose", explique la Quadrature du net, qui a fait appel.

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Alors que l’utilisation de drones pour contrôler les rues de la capitale dans le cadre du confinement pose question quant à nos libertés et notre vie privée à long terme, le tribunal administratif de Paris a rejeté un recours en urgence déposé par des associations inquiètes face au déploiement de ces engins de surveillance par la police. Dans une ordonnance datée du mardi 5 mai, le tribunal estime en effet qu'aucun élément n'a été apporté vis-à-vis d'une utilisation illégale de données personnelles.La juridiction administrative considère que "si lorsqu'ils sont utilisés dans un cadre judiciaire, les appareils sont capables d'identifier les individus, il n'est pas [...] établi que les appareils auraient été utilisés dans un tel cadre, depuis le début du confinement". Et d’ajouter : "Dans ces conditions, même si la préfecture de police a, par ce dispositif, procédé à la collecte, à l'enregistrement provisoire et à la transmission d'images, elle ne peut être regardée comme ayant procédé à un traitement de données à caractère personnel". Le tribunal estime ainsi qu’"il n’apparaît pas, dès lors, qu’elle aurait porté une atteinte illégale aux libertés fondamentales que sont le droit à la vie privée et le droit à la protection des données personnelles, faute notamment que les traitements en cause aient été autorisés et organisés par un texte de droit interne."

La décision s’appuie entre autres sur les arguments de la préfecture de police, qui a avancé que les images captées étaient "prises en utilisant un grand angle", censé ne pas permettre "l'identification d'un individu, sauf lorsqu’elles sont utilisées dans un cadre judiciaire que ce soit en flagrance, en préliminaire ou au titre d’une instruction". La PP a aussi fait valoir que les images sont "supprimées de la carte mémoire [et] ne font l’objet d’aucun recoupement avec des fichiers de police". Elle indiquait que sur les 15 engins déployés, "un seul par jour est affecté à la gestion de la crise sanitaire, ce qui représente un temps de déploiement limité, soit deux à trois heures de renvoi d’images par jour".

Un appel devant le Conseil d’Etat

Le recours en urgence avait été déposé par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la Quadrature du net, dénonçant un "dispositif illégal" en l'absence de "tout cadre légal spécifique quant à l'utilisation des images filmées". "Nous considérons que plusieurs libertés fondamentales ont été violées", avait ainsi déclaré Me Arié Alimi, avocat au barreau de Paris et membre de la LDH, lundi sur franceinfo.

Chaque atteinte à la vie privée et à la protection des données personnelles requiert un cadre juridique adapté et spécifique

Suite au rejet du recours, Martin Drago, juriste et membre de la Quadrature du net, exprime de nombreuses critiques quant à la décision : "Le tribunal administratif répond très rapidement, en ne se basant que sur le droit des données personnelles. Il laisse de côté énormément de questions. On se basait plus largement sur le droit à la vie privée. Chaque atteinte à la vie privée et à la protection des données personnelles requiert un cadre juridique adapté et spécifique, vis-à-vis des délais de conservation des images ou de la limitation de l'accès à ces images par exemple. Ce cadre n’existe pas pour les drones, et la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés] s’en était déjà inquiétée bien avant le confinement. La décision ne répond pas aux vrais problèmes de liberté publique que l’on pose et croit sur parole la PP." Quant à l’absence de preuves pointée du doigt par le tribunal administratif, Martin Drago explique que le problème n’est pas "l’effectivité" d’une utilisation illégale de données personnelles, mais si la police en a "la capacité". "A aucun moment la PP n’a justifié pourquoi le déploiement des drones était nécessaire et proportionnel, la police ne peut pas utiliser ces gadgets quand elle veut", complète le juriste. La Quadrature du net a déposé mercredi un appel devant le Conseil d’Etat.
 
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