Le théâtre Marigny, avenue des Champs-Elyseés à Paris, accueille la finale nationale du Trophée d'Impro Culture et Diversité. Les équipes composées de collégiens de tous horizons s'affrontent lors de matchs d'improvisation. Un bon moyen de joindre l'utile à l'agréable.
"Aux armes, nous sommes les Lillois, et nous allons gagner". Aux abords du théâtre Marigny, le ton est donné pour cette première journée de finale qui oppose douze équipes de collégiens venus des quatre coins de la France. C'est dans la grande salle du théâtre, classée aux Monuments historiques, que 72 participants se sont affrontés toute la journée ce lundi, lors de matchs d'improvisation pour tenter de remporter le Trophée d'Impro, organisé par la fondation Culture et Diversité.
Une chance que mesure Rémi, un adolescent de 13 ans qui fait partie de l'équipe normande : "J'ai commencé l'improvisation sans savoir ce que ça allait donner, et moins de deux ans après je me retrouve là, sur l'une des plus belles scènes de Paris, je trouve ça incroyable".
"L'impro contribue à la construction d'une langue riche"
Pour cette treizième édition, pas moins de 700 personnes sont venues applaudir ces jeunes improvisateurs. Un public constitué également de collégiens, qui avaient fait le déplacement avec leurs camarades pour les encourager.
Mais pas de quoi se laisser impressionner ! Ainsi Bourguignons, Franc-Comtois, Réunionnais, Néo-Aquitains, Occitans ou encore Franciliens ont tenté toute la journée d'imaginer les histoires les plus rocambolesques, au rythme des thématiques et des consignes imposées par l'arbitre. "Creuse et tais-toi", "nouveaux défis pour vieux talents" ou encore "l'homme aux longues jambes"... Des intitulés sur lesquels ils ont dû improviser plusieurs minutes, en parlant, en chantant et parfois même sans dire un mot.
Inspirés par l'actualité internationale, les émissions de télévision, ou par des auteurs dont ils ont étudié l'œuvre au cours de l'année, les élèves sont parvenus à imaginer des saynètes aux airs de vaudeville des temps modernes. "Au début j'avais peur qu'en faisant du théâtre d'improvisation, les enfants gardent leur propre façon de parler", confie Nathalie Amourette une professeur de français venue encadrer l'une des équipes, "mais finalement l'impro est très utile et contribue à la construction d'une langue riche. De la même manière, je constate qu'inventer des histoires les aide à mieux comprendre le schéma narratif, la manière dont se construit un personnage etc."
La créativité est mère de tous les improvisateurs
Mais ce sont loin d'être les seuls bienfaits du théâtre d'improvisation, comme en témoigne Lamara, en classe de troisième à Caen : "L'impro m'a permis d'avoir plus confiance en moi, de travailler sur ma rhétorique et ma créativité mais aussi d'aller plus facilement vers les autres. Lorsqu'on se retrouve tous ensemble pour jouer, je suis comme avec une seconde famille, ça m'apporte beaucoup de joie."
Un plaisir partagé par Rémi : "A chaque match, c'est un moment de bonheur quand on arrive sur la patinoire (Ndlr : les matchs d'improvisation se déroulent dans des petites patinoires installées sur la scène). Au moment du vote, quand on voit les cartons qui se lèvent pour notre équipe, c'est super."
Pour Alma, 14 ans, une autre improvisatrice de l'équipe normande, cette façon d'appréhender la scène donne une plus grande liberté de ton, à la différence du théâtre traditionnel. "C'est génial de faire rire des gens en imaginant une histoire", explique-t-elle.
Au cœur du projet, un enjeu de mixité et de diversité
Dans cet univers où l'imprévu est roi, des valeurs essentielles au vivre ensemble sont infusées. "Lors de nos ateliers hebdomadaires, les élèves apprennent à s'écouter les uns les autres, à construire avec les autres", se réjouit Benjamin, comédien au sein de la compagnie Macédoine qui anime les cours d'impro dans plusieurs collèges de Normandie. "Mais au-delà de l'improvisation, ce sont les valeurs de la société qu'ils apprennent. Cela leur permet de créer du lien, en mélangeant le social et l'artistique", poursuit-il.
Un objectif que poursuit la fondation Culture et Diversité, qui porte ce projet : "Depuis treize ans, nous avons la conviction que l'improvisation est une discipline très importante pour développer l'art de l'oralité et faire des citoyens plus épanouis.", explique Anne Pizet, déléguée générale de la Fondation Culture & Diversité.
Pour rendre la culture accessible à tous, la fondation demande aux compagnies de proposer des ateliers d'improvisation dans des établissements identifiés dans le "réseau d'éducation prioritaire" (REP). "Cela permet aux jeunes de différents collèges de se rencontrer et de casser les a priori, car certains d'entre eux ne se seraient peut-être jamais parlé sinon", précise-t-elle. Avec des équipes paritaires, la mixité est également un enjeu important.
29 compagnies d'improvisation théâtrale
De quatre équipes au moment de sa création, le trophée d'Impro Culture et Diversité réunit désormais 29 compagnies et structures culturelles professionnelles. Chacune, en fonction de sa zone géographique, encadre 30 heures d'ateliers d'improvisation dans des établissements. Tout au long de l'année, des matchs sont organisés, d'abord dans les collèges, puis lors de tournois intercollèges jusqu'aux finales régionales.
Les finales nationales, elles, se tiennent dans des théâtres franciliens. Après le conservatoire de Trappes (Yvelines) l'année dernière, c'était au prestigieux théâtre Marigny que se tenaient les premières phases de finale ce lundi.
Mardi, les quatre dernières équipes encore en lice s'affronteront à l'Odéon-Théâtre de l'Europe, avant de se voir remettre le trophée par le maestro de l'improvisation, Jamel Debbouze.