REPORTAGE. Lutte contre le harcèlement scolaire : des "cours d’empathie", outils de prévention au collège André Malraux

Alors que le gouvernement vient d'annoncer un plan de lutte contre le harcèlement, des outils de prévention sont déployés dans l'académie de Paris. Au collège André Malraux, dans le 17e arrondissement, l’équipe éducative a mis en place des "cours d’empathie". Les élèves apprennent à analyser leurs propres émotions et celles des autres.

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"Là, il est triste ! ", "Ben non, il est dégoûté", "Tu veux dire en colère ! " Le débat bat son plein entre ces dix élèves de 5ème, assis en cercle dans le gymnase du collège André Malraux, dans le 17e arrondissement de Paris. Monsieur Etcheverria, leur professeur d’EPS et leur professeur principal, a exposé une situation, une histoire banale de bousculade entre deux personnages. Les pré-adolescents sont chargés de déterminer qui ressent quoi, et surtout d’inventer une fin "où tout le monde doit être heureux, et où personne ne doit être incompris", demande expresse de leur enseignant.

"Se mettre à la place de l'autre"

Les élèves mettent du temps à trouver la solution que l’adulte attend - des excuses et un arrangement à l’amiable. Leur professeur analyse : "cela montre à quel point ils ont besoin de ce cours. C’est variable selon les groupes et les classes, mais ici, on voit qu’ils n’ont pas forcément l’habitude de se mettre à la place les uns des autres." 

La suite de l’exercice les met à l’épreuve. Ils doivent jouer la scène en mimant les émotions ressenties par les personnages. Nombreux rires gênés, mais quelques-uns se prêtent au jeu. Ils participent et se montrent très volontaires.

Ensuite, long débriefing avec leur professeur : "quel rôle était le plus facile à jouer ? Celui qui intimidait ou celui qui était intimidé ?". Les élèves s’ouvrent. Certains ont trouvé plus difficile de faire semblant d’être triste que d’être en colère. D’autres ont eu du mal à se mettre à la place de celui qui fait du mal, ou l’inverse. En tout cas, tous parlent de leurs émotions et de ce qu’ils ont ressenti. "On sait bien qu’il y a un lien avec le harcèlement", explique Mathilde, 12 ans. "Mais surtout, on ne parle pas souvent de ce qu’on ressent car on a peur d’être jugé. Ce jeu, ça libère un peu." Son camarade, Nathan, dit qu’il a aujourd'hui "compris que c’était bien de ne pas réagir par la violence". Et Victoire, 11 ans, abonde. "La prochaine fois que je vais embêter quelqu’un, je me mettrai à sa place." 

Le programme PHare

L’idée de ces cours autour des émotions et de l’empathie est simple : essayer de prévenir en amont les problèmes de harcèlement en apprenant aux élèves que chacun réagit différemment à un événement, et qu’ils peuvent parfois faire du mal sans s’en rendre compte. 

Leur professeur est investi dans un plan de prévention académique de lutte contre le harcèlement depuis l’année précédente. Il a suivi plusieurs formations et développe avec ses collègues et sa direction plusieurs niveaux du programme pHARe, mis en place l’éducation nationale depuis 2021 et généralisé aux lycées en 2023. 

Conscient qu’il ne s’agit pas d’une solution miracle, Bastien Etchverria souhaite surtout agir à son échelle. "Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, qu’ils sont trop jeunes pour avoir mais qu’ils ont déjà, on ne peut pas être partout. Par contre, ici, dans l’établissement, il est facile d’agir. On peut leur apprendre à réagir, parler, et solliciter les bonnes personnes."

Il n’est pas le seul à animer ces ateliers et travaille en équipe avec d’autres enseignants mais aussi des AED, les surveillants, ou encore l’infirmière scolaire. Tous ces volontaires n’y gagnent aucun avantage financier et les ateliers se déroulent sur les heures dédiées à la vie scolaire. 

Le professeur d’EPS est aussi très soutenu par la principale du collège, Celine Isart, pour qui le sujet est une "priorité absolue". "On l’a vu avec les récents événements, il faut absolument s’adapter", explique-t-elle. "Cela fait aussi gagner des compétences aux élèves que l’école doit leur apprendre, comme la confiance en eux."

Un outil de prévention danois généralisé

Dans cet établissement, l’atelier a été testé sur une classe de 5e l’an passé, et a si bien fonctionné que la méthode a été généralisée à toutes les 5ièmes. Ce n’est pas le cas de tous les établissements. Le collège est plutôt favorisé, situé dans le 17e arrondissement, à dix minutes de l’Arc de Triomphe, et si les effectifs sont tout de mêmes assez mixtes, les élèves "se tiennent bien" et sont prompts à ce genre d’exercices, admettent de concert professeurs et direction. 

La réelle efficacité de ces "cours d’empathie" empruntés au Danemark, où Gabriel Attal s’est rendu vendredi 22 septembre, est très difficile à jauger. Mais à André Malraux, on constate déjà une vraie amélioration de la vie scolaire dans les classes concernées. "Au-delà de la question du harcèlement, le groupe se connaît mieux, fait des efforts pour bien s’entendre." Des conditions d’apprentissages plus sereins, c’est déjà un combat de gagné pour ce professeur principal. 

Le ministre de l'Education Gabriel Attal a annoncé ce mercredi lors de présentation du plan interministériel de lutte contre le harcèlement, la mise en place de "cours d'empathie inscrits dans le cursus scolaire, à l'image de ce qui existe dans d'autres pays, notamment au Danemark", qui seront généralisés à l'école à partir de la rentrée 2024.

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