Un arrêté de la préfecture de police de Paris interdit pour un mois les distributions alimentaires dans un quartier des 10e et 19e arrondissements. Une décision qui provoque la colère des associations d’aide aux personnes migrantes et sans-abri. Utopia 56 a annoncé avoir déposé un recours.
A compter de ce mardi et pour un mois, un arrêté de la préfecture de police (PP) de Paris interdit les distributions alimentaires sur un secteur "délimité" des 10e et 19e arrondissements, qui concerne neuf artères dans le quartier autour des métros Stalingrad et Jaurès.
Selon la PP, les "distributions alimentaires engendrent, par leur caractère récurrent, une augmentation de la population bénéficiaire de ces opérations" dans ce quartier, et "contribuent, en corollaire, à stimuler la formation de campements dans le secteur du boulevard de la Villette, où se retrouvent des migrants, des personnes droguées et des sans-domicile fixe".
Le quartier est devenu "un point de fixation pour de tels campements", indique la PP. La préfecture de police affirme auprès de l’AFP avoir pris cet arrêté "pour la première fois" en raison de "troubles à l'ordre public", citant des "attroupements", des "débordements sur la voirie", des échauffourées ainsi que la présence de "toxicomanes".
La PP et la préfecture de la région d'Île-de-France ont par ailleurs mené ce mardi matin l'évacuation et la "mise à l'abri" de 398 personnes dormant dans la rue sur le boulevard de la Villette - en majorité des Afghans selon les autorités. Le tout en annonçant d'autres "actions" à venir "pour éviter toute réimplantation".
"On complique la vie des associations et des gens, sans jamais résoudre leurs problèmes"
Il n'y "jamais eu d'incidents sur nos sites de distribution", conteste Philippe Caro, un responsable du collectif Solidarité Migrants Wilson, l'une des organisations dont l'action est visée. "On complique la vie des associations et des gens, sans jamais résoudre leurs problèmes. On va juste déplacer le problème, mais avec les Jeux olympiques qui arrivent, on sent que la pression monte et là les toxicomanes vont servir de prétexte pour virer tout le monde" du nord de Paris, réagit-il.
"Beaucoup ne vont pas manger ce soir", a pointé du doigt le président de l'association Une chorba pour tous, Abdenour Dadouche, "choqué". Son organisation fait aussi partie de celles qui distribuent des denrées au métro Jaurès tous les soirs pour 500 personnes.
"C'est une fois de plus ces personnes qui vont trinquer", a également réagi Samuel Coppens, de l'Armée du Salut, qui effectue des distributions sur d'autres secteurs. Les interdictions vont priver entre "200 et 500 personnes" chaque jour de nourriture, déplore à son tour Océane Marache, coordinatrice parisienne chez Utopia 56, qui intervient auprès des exilés à la rue.
Pour l'association, l'État applique à Paris "le même schéma qu'à Calais", où des arrêtés similaires sont pris régulièrement depuis 2020, mais sur des zones plus larges. Cette interdiction à Paris survient alors que se déroule ce mardi la journée internationale de lutte contre le sans-abrisme. Un "révélateur de la politique anti-SDF que mène l'État", selon l’association.
La PP affirme que les personnes concernées pourront toujours se tourner vers "d'autres services" de restauration solidaire, d'épicerie sociale ou de colis alimentaires dans le 19e arrondissement. Utopia 56 a indiqué de son côté avoir déposé un recours ce mardi devant le tribunal administratif de Paris pour tenter d'obtenir dans une procédure d'urgence la suspension de l'arrêté.
A Calais, les défenseurs des migrants avaient déjà porté l'affaire jusqu'à la plus haute juridiction administrative, le Conseil d'Etat, qui avait refusé de retoquer la décision.