Ce dimanche, le second tour des élections législatives rendra son verdict. Les coursiers bien souvent sans papiers et qui travaillent pour des plateformes de livraison rapide, redoutent la victoire du Rassemblement National.
Précarisation, conditions de travail plus difficiles ou encore peur d'être expulsé. Les motifs d'inquiétude ne manquent pas pour les coursiers des plateformes de livraison rapide de repas et de courses alimentaires, si le Rassemblement National arrive au pouvoir. À l'heure où plus de 80% d'entre eux sont en situation irrégulière, la perspective d'un gouvernement d'extrême droite les inquiète profondément.
"Je suis arrivé de Côte d’Ivoire en 2020 et je suis régularisé depuis deux ans. Mais c'est rare car 80% des livreurs sont en situation irrégulière". Issouf, 47 ans craint le pire pour ses collègues. "Si le RN passe, les contrôles de police seront renforcés. Ceux qui sont en irrégularité ne peuvent pas être autoentrepreneurs. Ils travaillent donc sur le compte d'un membre de la famille ou d'un ami à qui ils versent une somme en fin de semaine. Si la police s'en rend compte, elle pourrait les expulser."
La crainte du contrôle permanent, Issouf l'a vécue lors de ses premières années en France. "Je suis arrivé à Paris après avoir traversé la Méditerranée en 2020. J'ai commencé la livraison sur le compte d'un proche pour faire vivre ma femme et mes deux enfants. Je suis resté sur le compte de mon ami pendant deux ans avant d'obtenir mes papiers. C'est une situation angoissante", se souvient-il.
Des insultes et des regards malveillants
Si sa situation administrative est régularisée, ses conditions de travail restent toujours difficiles. "On ne compte pas nos heures, mais on est sous-payés. Parfois 1 euro par kilomètre." Avec la montée en puissance du RN, il craint également que son rapport aux clients ne change. "On voit que ce parti véhicule des idées racistes et une politique contre les étrangers. S'ils arrivent au pouvoir, beaucoup de gens qui pensent comme eux nous insulteront sans se sentir inquiéter. Ça commence déjà. Certains clients nous regardent de travers et on subit des insultes racistes", indique Issouf. Une inquiétude partagée par Circé Lienard, coordinatrice de la Maison des Coursiers, un espace dédié aux livreurs dans le 18ème arrondissement.
"On voit de plus en plus de gens faire des remarques racistes aux livreurs qui viennent pour beaucoup d'Afrique de l'Ouest. C'est visible chez les clients mais aussi chez les restaurateurs. Certains refusent même l'accès à leurs restaurants aux livreurs."
Selon elle, depuis la dissolution de l'Assemblée Nationale, beaucoup de livreurs "se questionnent sur leur avenir, nous posent beaucoup de questions et sont angoissés." Elle explique que certains craignent de "perdre leur titre de séjour ou encore que leurs enfants aient plus de mal à acquérir la nationalité française."
Pour sa part, Issouf craint une précarisation encore plus accrue de son métier. "Il faut savoir que les clients ont un vrai pouvoir car ils mettent des notes aux livreurs. Quand la note est trop basse, la plateforme peut décider de fermer le compte. Si un parti politique qui stigmatise constamment les étrangers arrive au pouvoir, on risque de voir de plus en plus de gens mettre des mauvaises notes simplement par racisme. Ils se sentiront légitimes dans leurs idées et c'est très dangereux."
"La situation empire depuis 7 ans"
Pour Amadou, un autre livreur en région parisienne, la situation de sa profession empire d'année en année. "Bien sûr qu'on a très peur du RN mais cela fait déjà sept ans qu'on est malmenés par le gouvernement. Par exemple, le fait que l'on ne soit pas reconnu parmi les métiers en tension dans la loi Immigration nous procure très peu de protections contre les expulsions."
Depuis plusieurs années les livreurs se syndiquent et s'organisent pour obtenir de meilleures conditions de travail. "On effectue des actions en justice contre les plateformes et on doit continuer à se défendre surtout dans une période comme celle-ci où nos droits en tant que travailleurs irréguliers seront menacés si le RN gouverne."