Pour les oubliés du réseau francilien, obligés de prendre leur voiture faute de transports en commun, Île-de-France Mobilités annonce le lancement d'un nouveau réseau de cars. Objectif, mieux relier la grande couronne grâce à la mise en place d'une quarantaine de lignes "express".
Inventer un quatrième réseau de transport en commun. Après le métro, le RER et le toujours "non-achevé" Grand Paris Express, Île-de-France Mobilités (IDFM) souhaite se lancer dans un nouveau projet : le développement de lignes de cars express.
"Nous avons actuellement 80 lignes de bus express en Île-de-France, qui le sont en réalité plus ou moins", explique Valérie Pécresse, présidente de la région et d'IDFM lors d'une conférence de presse organisée ce jeudi. "L'objectif avec ce futur "plan bus" est de permettre le mass transit* en grande couronne, en renforçant des lignes existantes ou en augmentant l'offre", poursuit-elle.
*mass transit = "Le Mass Transit désigne les transports en commun publics dans les zones urbaines et périurbaines dans tous leurs modes : trains Transilien, RER, bus, métro et tramway." (Source : Ensemble sur la lign H)
Trois objectifs, dont la décentralisation
Pour Valérie Pécresse, la mise en place de ces nouvelles lignes de bus répond à un triple enjeu. Écologique d'abord, car elles permettraient de diversifier l'offre de transports, et donc d'offrir une alternative à ceux qui n'ont d'autres choix que de se déplacer en voiture. "Au cours des dernières années, nous avons beaucoup investi sur les cœurs des villes, on s'est concentré sur les endroits où les gaz à effet de serre sont les moins élevés. Alors que le sujet des transports entre les périphéries et les métropoles représente 25 fois les gaz à effet de serre des centres-villes", argue François Durovray (LR), en charge du volet Express du futur "plan bus" de la région.
Un enjeu économique aussi, car à l'heure de la crise énergétique, le recours aux transports en commun permet de réduire ses dépenses. Un usager abandonnant sa voiture pour les transports en commun diviserait d'ailleurs de 3 à 10 fois le prix de son déplacement.
Démocratique enfin, dans la mesure où ces cars "permettraient de rapprocher les territoires de la très grande couronne avec le centre d'agglomération", a détaillé Valérie Pécresse. Un véritable enjeu "pour les Franciliens qui ont un accès inégal aux transports rapides, sûrs et propres".
"Faire basculer une route encombrée en un réseau performant"
Ces nouveaux cars express qui sillonneraient des axes stratégiques et empruntés de la région, sans passer par Paris, pourraient être mis en place d'ici deux à trois ans, et "jusqu'à la fin de la décennie", précise François Durovray, auteur d'un rapport sur ces futures lignes de bus. "Nous voulons faire basculer cette route polluante et encombrée en un réseau performant", détaille celui qui est également président du département de l'Essonne.
Pour ce faire, une vingtaine de liaisons devraient être créées et vingt autres devraient être renforcées. Ces lignes rejoindraient le réseau existant afin d'obtenir un meilleur maillage entre la grande et la petite couronne.
Actuellement, douze gares ont été identifiées comme ayant un potentiel de hub, c'est-à-dire de plateformes où correspondent plusieurs lignes et moyens de transport. Quant aux autres, François Durovray souhaite créer "des pôles d'échange qui ressembleront à des gares ferroviaires bien plus qu'à des abribus, comme c'est le cas sur la ligne de Briis-sous-Forges à Massy. Pour un coût d'environ 5 millions d'euros par pôle."
Pour répondre à cette offre, 500 à 600 nouveaux véhicules propres devront faire leur entrée dans le parc existant.
Comment avoir des voies dégagées ?
Au total, ce sont entre 1000 et 1200 kilomètres de route qui seraient utilisées pour ce réseau régional. Si actuellement une centaine de lignes sont à l'étude, la question des voies réservées est aussi un pan majeur de la réflexion menée par Île-de-France Mobilités, afin de ne pas impacter les autres utilisateurs de la route.
Une solution est envisagée, celle de l'utilisation de la bande d'arrêt d'urgence (BAU). "Nous avons besoin de 100 à 120 kilomètres de voies réservées. L'utilisation de la BAU se fait déjà dans d'autres agglomérations comme à Marseille ou à Madrid, c'est une solution qui permettrait de ne pas avoir à en créer de nouvelles", se justifie le président du conseil départemental de l'Essonne.
Des questions encore en suspens
Ce projet devrait coûter au total un milliard d'euros : la moitié pour le financement des voies réservées, et l'autre moitié pour la création de ces 20 à 30 pôles multimodaux. Un petit budget comparé aux 40 milliards d'euros du Grand Paris Express.
Si ces CER ne sont qu'à l'état de projet, et doivent encore être validées en conseil d'administration par IDFM avant que d'autres discussions ne soient menées avec l'Etat dans le cadre des Contrat de plan Etat-Région (CPER), des questions persistent.
Et notamment sur la gouvernance de ces nouveaux espaces. "Face à la multiplicité des acteurs, IDFM devrait être au centre de la gouvernance afin de coordonner la gestion, le fonctionnement et l'entretien du système. En matière de maîtrise d'ouvrage nous pourrions nous reposer sur la compétence des départements, ce qui nécessiterait une modification législative pour qu'IDFM dispose d'une compétence sur les routes", se défend la présidente de l'autorité organisatrice des transports.
Avant de poursuivre : "Pour ce faire je demanderai qu'au moins 100 millions d'euros par an soient consacrés à ces projets dans le cadre du CPER. Par ailleurs, dans le cadre du budget d'IDFM, je souhaite consacrer là aussi 100 millions annuels en coût de fonctionnement."