L'engouement des jeux paralympiques à Paris a permis de mettre en lumière de nombreuses disciplines comme la boccia ou le goalball. Cependant, pratiquer ces sports tout au long de l'année reste compliqué en Île-de-France : manque de moyens financiers, humains ou créneaux insuffisants.
"Je suis obligée d'aller jusqu'en Seine-et-Marne, faire plus d'une heure de route." Pour Faiza Reny, faire du sport est un défi logistique toutes les semaines. Elle habite à Créteil dans le Val-de-Marne et pratique l'escrime fauteuil. En raison du manque d'infrastructures dans le département, elle doit faire une dizaine de kilomètres pour pratiquer son sport dans un club adapté. "C'est un sacrifice car j'aime ma discipline mais ce n'est pas facile car on paie simplement le manque de moyens alloués pour les sports paralympiques. C'est un parcours du combattant ", commente-t-elle.
En Île-de-France, beaucoup de personnes en situation de handicap qui souhaitent faire du sport sont confrontées au manque d'infrastructures et de moyens. "Personnellement, je peux me déplacer en autonomie. Pour d'autres, avec des handicaps plus lourds, faire plusieurs kilomètres la semaine pour faire du sport, ce n'est pas possible alors beaucoup se découragent", commente l'escrimeuse.
Ludovic Petitdemange est responsable de l'association A2CMieux qui œuvre pour permettre aux déficients visuels de faire du sport en région parisienne. Il se heurte depuis plusieurs années à de nombreux obstacles.
"Il ne faut pas voir le succès des Paralympiques comme un accélérateur de la pratique du handisport. Pour les JO, c'est différent, un jeune valide qui veut s'inscrire dans un club pourra le faire s'il y a de la place. Quand on est en situation de handicap, on sait que notre inscription dépend des infrastructures du club et de la formation des encadrants à gérer différents types de handicap. C'est très rare de trouver des structures où ces deux conditions sont réunies", commente-t-il.
Il illustre son propos en expliquant que "lorsqu’un enfant voit du judo ou de l'athlétisme aux JO et qu'il demande à ses parents de l'inscrire en septembre, il n'a aucune question à se poser. Les personnes en situation de handicap sont souvent résignées car elles savent que trouver un club adapté relève du miracle", poursuit-il.
"Il faut davantage de formations et de clubs para-accueillants"
L'adaptation des clubs au handisport relève de la compétence des mairies. Cependant les Comités régionaux et départementaux handisports d'Île-de-France espèrent que les Jeux Paralympiques permettront de dynamiser la pratique des para-sports. "Il faut multiplier les clubs para-accueillants", assure Vincent Lassalle, président du Comité départemental handisport de Paris. Les clubs para-accueillants sont ouverts à la fois aux sportifs valides et aux para-sportifs.
Selon Faiza Reny, également vice-présidente du comité régional handisport Île-de-France, "les Paralympiques ne doivent pas être une simple vitrine. On a vu que des sports comme la boccia pouvaient intéresser. Il faut s'emparer du succès et montrer aux jeunes que ces sports sont praticables en tant que loisir avant de chercher la performance et la médaille paralympique."
Ludovic Petitdemange plaide de son côté pour "davantage de formations au handicap pour les encadrants des clubs car cela permettra de rajeunir la moyenne d'âge des pratiquants". Il explique que celle de l'équipe de France de cécifoot qui est championne olympique est de 36 ans. "Il faut du renouvellement et pour cela, les clubs doivent accepter d'accueillir des encadrants spécialisés pour attirer les jeunes", conclut-il.
"La bataille des créneaux horaires"
Autre problème pour les clubs ou les structures qui accueillent du handisport : la question des créneaux horaires. "Bien souvent, ils sont partagés entre les athlètes valides et les handisports. Tous les clubs devraient pouvoir allouer des horaires spécifiques pour les para-sportifs sans les mettre en concurrence avec les valides", affirme Vincent Lassalle.
Cette "bataille des créneaux", Ludovic Petitidemange y est confronté toutes les semaines. "Notre équipe de cécifoot s'entraîne sur le terrain dédié dans le quatorzième arrondissement de Paris. Nous sommes deux équipes en concurrence sur les créneaux ce qui nous met dans une position délicate envers les autres. Ensuite, nous n'avons qu'une plage horaire le jeudi soir. Le reste du temps, le terrain est occupé par des valides alors qu'il est conçu spécifiquement pour le cécifoot", déplore-t-il.
Manque de moyens
Si les clubs souhaitent attirer davantage de licenciés, c'est parfois le manque de moyens financiers et humains qui les en empêche. "On est obligés de refuser du monde tous les ans car on n’a pas assez d'encadrants. Parce que nos structures sont trop petites et mal connues", regrette le responsable d'A2CMieux.
Selon le Comité régional handisport, ce manque de moyens touche tous les sports. "Beaucoup de clubs proposent plusieurs sports en même temps mais on manque de formateurs en goalball notamment. Ce sont des disciplines spécifiques. Il faut à la fois connaître le sport et ses codes mais aussi savoir appréhender le handicap de chacun", détaille Faiza Reny. Au total, il existe 201 clubs de sport pour les personnes en situation de handicap en Île-de-France d'après les derniers chiffres du Comité Régional.
En mars dernier, la Région Île-de-France a annoncé que le Prisme, le Pôle de Référence Inclusif et Sportif Métropolitain qui ouvrira au public d'ici 2025 à Bobigny, sera en partie dédié à la pratique du handisport.
Au niveau départemental, les comités handisport proposent des aides financières notamment pour l'achat de matériel médical adapté au sport.