Vincent Roca : un taiseux qui a beaucoup à nous dire sur la scène du Théâtre du Rond-Point à Paris

"Donner la parole au silence. Obliger le taiseux que je suis à se faire entendre." Ainsi Vincent Roca définit son nouveau spectacle "Ma parole !", pour le grand plaisir des spectateurs heureux de revenir au théâtre. Un seul en scène réjouissant à découvrir au Rond-Point à Paris jusqu'au 26 juin 21.

"Ma parole, avec un point d'exclamation car je suis le premier étonné de ma hardiesse" précise le comédien. Pour ce spectacle, Vincent Roca a pioché dans 30 ans d'écriture, rajouté quelques inédits et concocté un seul en scène parlant autour d'un personnage qui émet de souhait se taire et auparavant réaliser une sorte d'inventaire avant ce silence. Alors, avec délectation, Vincent Roca feuillette le dictionnaire pour vérifier si les mots sont bien rangés, jongle avec les subjonctifs imparfaits mêlés à la perfection de son habileté labiale. La mise en scène de Gil Galliot donne à voir avec précision autant qu'à entendre celui qu'il définit comme "un formidable porteur de paroles".

Du "Fou du roi", l'émission de France Inter, dans laquelle le grand public l'a découvert, puis écouté pendant 10 ans, au Grand Prix Raymond Devos en 2011, dont il est le digne orpailleur à la recherche du mot bon mot juste et bien placé, Vincent Roca détone toujours et encore. Entretien avec celui dont la parole est rare.

  • Vous avez commencé avec les chiffres comme prof de maths et vous jouez depuis 30 ans avec les lettres. Comment avez-vous glissé d’une activité à l’autre ?

Je pourrais dire que mon premier métier d’enseignant m’a servi de planche d’envol. Ne s’agissait-il pas de convaincre une classe par ses qualités orales, de séduire des élèves, de forcer leur écoute, à l’aide de mots et de chiffres ? Dire aussi que mon style d’écriture n’est pas étranger à la rigueur nécessaire aux mathématiques. Les phrases sont pour moi des équations à plusieurs inconnues : j’additionne les mots, les multiplie, les divise, je les courbe, les souligne, les prolonge… Mes règles et mes compas sont ma grammaire et mon dictionnaire… et mes textes souvent des théories farfelues mais rigoureuses, précises - et « mathématiques » !

Et là je me rends compte que je suis encore en train de parler pour expliquer que je me tais.

Vincent Roca - extrait de "Ma parole !"

  • "Ma Parole !" est une formidable occasion de découvrir toute la palette de vos textes, car il s’agit d’une sélection établie à travers vos précédents spectacles. Comment les avez-vous choisis pour donner cette impression de continuité ?

En fait nous sommes partis, avec Gil Galliot, le metteur en scène du spectacle, de l’idée d’un personnage souhaitant se taire, en finir avec les mots écrits et parlés jusque là… Et ce personnage en vient à faire une sorte d’inventaire avant silence, ce qui nous a permis, en écrivant des textes de transition tournant autour de ce thème, de revisiter les spectacles précédents. Le plus ancien est incontestablement « Classé coeur », le texte où j’intervertis coeur et cul… j’ai du mal à me défaire de ce texte ! 

Je n'y peux rien, je suis exhibitionniste. Je montre mon coeur aux passants, c'est plus fort que moi. Eh bien quand on en a plein le coeur, il arrive un moment où cela déborde !

Vincent Roca - extrait de "Ma parole !"

Le plus récent est le texte sur Proust, écrit à partir d’une chronique faite sur France Inter à l’occasion de la venue du comédien Jacques Seiler qui avait un spectacle sur Proust. Je me suis mis comme challenge de faire une seule phrase de 7 minutes, de jouer avec les digressions en veillant bien à refermer toute parenthèse ouverte ! D’autres textes sont issus de chroniques du « Fou du roi » comme "Les vieux" écrits pour Georges Moustaki.

Quand je serai grand, je voudrais être vieux.  Ah, ce n'est pas un métier facile ! Certes c'est le plus vieux métier du monde !

Vincent Roca - extrait de "Ma parole !"

  • Vous vous définissez comme un taiseux qui a prononcé des millions de mots sur scène. Qu’est-ce que c’est un taiseux selon vous ?

C’est quelqu’un qui, au milieu d’une conversation de groupe, se fond dans l’anonymat du silence. Quelqu’un qui, dans une conversation à deux, répond de façon extrêmement brève, en utilisant plus que de raison les mots « oui », « non », « effectivement » ou « c’est sûr ! » Quelqu’un qui ne trouve pas qu’il faille en rajouter dans le brouhaha ambiant, qui ne tient pas à exhiber ses contradictions, qui a du mal à former une argumentation car il tourne sept fois ses neurones dans son crâne et son interlocuteur a déjà embrayé sur autre chose… Quelqu’un enfin qui parle au-dedans, et qui oublie d’ouvrir la bouche ! Quelqu’un qui, à l’écrit, déverse ses mots, les rature, les change, les tord,  et ne les livre à haute voix qu’une fois correctement agencés. 

Si je me tais, la seule parole qui va me manquer, c'est la parole partagée … La parole partagée à deux, pas d'une bouche à une oreille, ce ne sont que des passages à parole, non, la parole partagée à deux c'est d'un coeur vers un autre coeur.

Vincent Roca - extrait de "Ma parole !"

 

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