Le tribunal correctionnel de Paris rend mercredi son jugement au procès de l'ex-ministre de la Francophonie Yamina Benguigui, jugée pour des omissions dans ses déclarations de patrimoine et d'intérêts lorsqu'elle était au gouvernement.
Il s'agira du premier jugement rendu en application de la loi pour la transparence de la vie publique qui oblige ministres, parlementaires et certains élus locaux à déclarer leur patrimoine pour prévenir d'éventuels conflits d'intérêts. Ce texte, voté après la démission du ministre du Budget Jérôme Cahuzac en mars 2013 pour avoir dissimulé des fonds en Suisse, punit de trois ans d'emprisonnement, 45.000 euros d'amende et dix ans d'inégibilité les omissions substantielles et évaluations mensongères.
Lors du procès qui s'est tenu le 8 juillet, une peine de quatre mois avec sursis et 15.000 euros d'amende ont été requis par le procureur Jérôme Marilly à l'encontre de l'ex-ministre, connue comme une réalisatrice de documentaires engagés, notamment sur l'immigration. "Les infractions sont pleinement caractérisées. Mme Benguigui n'a volontairement pas déclaré une partie substantielle de son patrimoine et ne l'a fait que lorsqu'une tempête médiatique l'a contrainte à le faire", a tonné le magistrat, tout en relativisant l'enjeu du dossier. "Il n'est question ici ni d'enrichissement personnel, ni de paradis fiscal, ni de compte en Suisse. Mme Benguigui n'est pas accusée de malhonnêteté", a-t-il souligné. "Mais nous avons affaire à une ministre à qui les règles ont été rappelées. Et la légèreté n'est pas un argument, une excuse recevable", a-t-il tranché.
- 'Tout s'est emballé' -
Les avocats de la ministre, Mes Antoine Vey et Eric Dupond-Moretti, ont plaidé la bonne foi de leur cliente, piégée par "une loi d'urgence, complexe" que de nombreux parlementaires avaient jugée "inapplicable". "On est ici dans la négligence, pas dans la dissimulation. Le sens de la procédure pénale, c'est de condamner les malhonnêtes", a plaidé Me Eric Dupond-Moretti, en dénonçant le "poujadisme" d'une justice qui considère que "parce qu'on est ministre, on n'a pas le droit de se tromper".Il est reproché à l'ex-ministre, également élue de la ville de Paris, d'avoir omis à trois reprises de déclarer des actions qu'elle détenait dans une société de droit belge. Une première fois le 19 juillet 2012, au moment de son entrée au gouvernement, puis en avril 2013 et en janvier 2014.
Entre ces dates, ces actions ont voyagé entre elle et un associé. Lors de son entrée au gouvernement, elle les lui a cédées pour un euro symbolique avec une clause de retour prévoyant qu'elle pouvait les racheter au même prix. Mais la cellule fiscale qui conseille les ministres lui a conseillé de revenir sur ce mécanisme pour que cette cession "ne soit pas perçue comme une dissimulation d'actif". Mme Benguigui a donc fait jouer "la clause de retour" et réintégré ses parts dans son patrimoine. Estimées à 960.000 euros fin 2012 par l'administration fiscale, elles seront réévaluées par un cabinet d'audit à 430.000 euros, prix auquel elles seront finalement revendues en 2014. "Je n'ai jamais caché un centime, j'ai suivi toutes les recommandations que l'on m'a faites et l'administration fiscale était au courant de tout. Je fais confiance aux gens dont c'est le métier", s'est défendue Mme Benguigui. "Mais il y a eu l'affaire Cahuzac et tout s'est emballé".