Seine-Saint-Denis - Face à la "peur" de nouvelles violences, des familles roms quittent la région parisienne

Une rumeur d'enlèvement d'enfants qui se propage sur les réseaux sociaux et c'est toute la communauté rom d'Île-de-France qui se retrouve pointée du doigt. Des expéditions punitives voient le jour, provoquant la peur parmi la communauté.

C'est l'histoire d'une histoire dont on ne connaît pas vraiment l'origine... Depuis plusieurs jours circulent sur les réseaux sociaux des messages d'alerte concernant des enlèvements d'enfants. Des rumeurs -fausses- qui visent, pour certaines, des membres de la communauté rom et qui aboutissent à des expéditions punitives ces derniers jours en Île-de-France. Une rumeur qui réapparaît régulièrement sur le web et les réseaux sociaux depuis les années 2010, détaillent nos confrères de Checknews."Ce qu'il se passe ces derniers jours fait peur", reconnaît Liliana Hristache, présidente de l'association Rom Réussite et administratrice du collectif RomEurope. La militante associative indique que plusieurs familles ont décidé de reprendre la route et de quitter la région parisienne. "À Noisy-le-Grand, il y a eu cette nuit des cris et des menaces de mort autour d'un squat où vivent environ 500 personnes de la communauté. Les familles ont eu peur et une quinzaine d'entre elles ont quitté le campement aujourd'hui." Même phénomène à Montreuil, poursuit Liliana Hristache.
 

Racisme

Au total, 6 à 7.000 personnes issues de la communauté roms vivent en Île-de-France, et pas que dans des squats. "C'est normal qu'ils aient peur", explique-t-elle. "On nous traite de 'kidnappeur d'enfants' depuis des siècles. Face à ce racisme, on tente de modifier cette image en créant des projets et en s'intégrant. Et d'un coup, cette rumeur qui revient, qui casse tout ce qu'on entreprend et qui nous replonge dans des préjugés insupportables."

J'ai envie de crier : 'Nous ne sommes pas là pour kidnapper vos enfants, mais pour vivre, avoir un toit sur la tête'. C'est quoi cette histoire ?" Liliana Hristache, administratrice du collectif RomEurope

Face à ces violences, les autorités tentent de faire taire la rumeur : "Il n'y a sur le département aucune tentative d'enlèvement d'enfant, il s'agit d'une fake news qui prend de l'ampleur et à laquelle il faut mettre fin rapidement", affirme François Léger, Directeur territorial de la sécurité de proximité de Seine-Saint-Denis. De son côté, le parquet de Bobigny indiquait, mardi soir, n'avoir été saisi d'"aucune enquête pour des faits d'enlèvement de mineurs par des personnes de la communauté Rom". Idem chez les policiers des Yvelines (où cette rumeur s'est répandue vers Mantes-la-Jolie) : aucune plainte ni de main courante enregistrée.
 

"Jamais entendu parler d'enlèvements par des Roms"

Sur certains sites Internet, un message attribué au club de foot d'Aulnay-sous-Bois est partagé. Il "alert[e] sur les dangers qui menacent nos enfants. En effet, depuis un certain temps, des hommes et des femmes kidnappent des enfants sans scrupules". Renseignements pris auprès du FC Aulnaysien : ce message est bien réel... mais date de novembre dernier. Une joueuse du club avait alors été abordée par une personne à bord d'une camionette pendant qu'elle se rendait à sa séance de sport. Une plainte sera déposée et le FC enverra ce message.

Mais pas de lien n'est fait alors avec la communauté rom. "Je suis contre cette vendetta, je condamne fermement ces agissements contre les Roms ou d'autres communautés", explique aujourd'hui Myriam Rolland de Kerdoret, secrétaire générale du club. "Je n'ai jamais entendu parler d'enlèvements faits par des Roms."
Intervenants : Samir Milet, porte-parole de La Voix des Roms; Pascal Froissart, enseignant chercheur en communication Paris VIII; Amélie de Montchalin, députée (LREM) de l'Essonne ©France 3 Paris - Île-de-France
 

"Expéditions punitives"

Mardi, suite à plusieurs expéditions punitives la veille, 19 personnes (dont deux mineures) ont été placées en garde à vue "pour des faits de violences volontaires, dégradations par incendie et participation avec arme à un attroupement". "Ils sont venus avec de l'essence pour mettre le feu ici. Je n'ai pas compris pourquoi ils nous accusent, pourquoi ils sont racistes avec nous", témoigne un membre de la communauté rom. "Depuis, on a peur tout le temps. On ne dort plus, on monte la garde", raconte Georghe Marcus, un des 150 Roms venus de Roumanie, de Serbie ou de Moldavie qui vivent dans la misère sur ce terrain au bord du canal de l'Ourcq.
©France 3 ÃŽle-de-France
En lisière du campement de Bobigny, le moindre passant un peu compatissant se voit demander de l'aide. De l'argent, à manger, des papiers à remplir. À un employé municipal qui s'arrête pour discuter, un homme lance : "Qu'est-ce que vous faites pour nous ? Pour notre sécurité ? Contre le racisme ? Il faut nous protéger !"
 

Cyber-haine

"Hier, à Montreuil, deux filles ont été poursuivies par des jeunes et ont reçu des cailloux. Si ça continue, nous allons être agressés dans la rue juste parce que nous sommes Roms", continue Liliana Hristache. Elle souhaiterait désormais que "la sécurité soit renforcée autour des terrains dans toute l'Île-de-France" et, surtout, que les réseaux sociaux "bloquent le partage de cette rumeur".

Ce mercredi soir, les 34 campements de Seine-Saint-Denis seront sécurisés par la police. Par ailleurs, un projet de loi contre la "cyber-haine" sera examiné "prochainement" en commission des lois. Ce texte souhaite responsabiliser les réseaux sociaux. "Nous voulons qu'ils retirent très vite ces messages d'incitation à la haine et à la violence et avoir des sanctions si ces plateformes ne régulent pas eux-mêmes ces messages", détaille Amélie de Montchalin, députée LREM de l'Essonne.
 

"Les Roms, ils sauvent des gens !"

Au bord du canal de l'Ourq, des hommes se sont rassemblés. Deux d'entre eux, la vingtaine, sont trempés. "Ils viennent de repêcher une vieille femme qui flottait dans le canal", raconte l'un d'entre eux en désignant la rive opposée, où s'affairent pompiers et soignants du Samu. "C'est ça qu'il faut montrer aux Français, les Roms ils volent pas des enfants, ils sauvent des gens !" Un pompier traverse le pont pour leur poser des questions. "Merci et bravo Messieurs", leur lance-t-il en partant. Un bref sourire s'affiche sur les mines défaites. "C'est nous qui avons sauté. Les Français ils regardaient depuis le pont", raconte un des jeunes, frigorifié.

Ce mercredi après-midi, trois adultes sont jugés en comparution immédiate à Bobigny pour des faits de violence et de rébellion. Un mineur est présenté à un juge des enfants et onze personnes sont toujours en garde à vue.
 
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