André Mikano est-il un as du droit des étrangers ou le complice des passeurs? L'avocat comparaîtra lundi 9 décembre 2013 deavnt le tribunal de Bobigny pour aide, en bande organisée, à l'entrée et au séjour irrégulier de sans-papiers marocains. Il encourt jusqu'à 10 ans de prison.
Un avocat spécialiste du droit des étrangers est jugé à partir de lundi à Bobigny, accusé d'avoir franchi la ligne jaune en se faisant complice des passeurs, un dossier qui selon le barreau touche au "principe" même du métier d'avocat. Me André Mikano comparaît pour aide, en bande organisée, à l'entrée et au séjour irrégulier de sans-papiers marocains, arrivés entre 2007 et 2010 à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. Cet homme de 46 ans encourt jusqu'à 10 ans de prison.
Au Maroc, les sans-papiers payaient 8.000 euros à leurs passeurs, qui leur fournissaient des billets d'avion pour Paris. A Roissy, guidés dans les couloirs de l'aéroport par téléphone portable, ils tentaient d'échapper aux contrôles de la police aux frontières (PAF) pour entrer illégalement en France.
S'ils étaient interpellés, c'est Me Mikano qui devait oeuvrer à leur libération en assurant leur défense au tribunal de Bobigny, moyennant parfois 1.500 euros versés en liquide. André Mikano comparaît avec sept co-prévenus: tête de réseau en France, passeurs, ainsi que deux fonctionnaires de la préfecture du Val d'Oise, accusées de corruption.
Selon l'accusation, écoutes téléphoniques à l'appui, Me Mikano était "l'avocat attitré" de cette filière d'immigration clandestine, pour laquelle il travaillait "sciemment". Ses honoraires étaient fixés "à l'avance" par le réseau, avant même qu'il ne connaisse l'identité de ses clients. Aux enquêteurs, qui ont retrouvé 200.000 euros et 47.000 dollars en liquide chez lui, l'avocat a affirmé qu'il n'avait pas connaissance du réseau d'immigration clandestine et n'y avoir jamais appartenu.
Fait rare pour un avocat mis en cause dans l'exercice de ses fonctions, André Mikano a passé un mois et demi en prison, au printemps 2013, pour une affaire très similaire, toujours à l'instruction et impliquant des sans-papiers philippins. Le barreau de Bobigny l'a alors soutenu, refusant de le suspendre de ses fonctions. "C'est un dossier de principe sur le fait qu'on n'a pas de compte à rendre sur la manière dont on est désignés" par les clients, affirme le bâtonnier Robert Feyler. "On n'a pas entendu à ce jour d'élément véritablement probant" à charge contre Me Mikano, un "excellent avocat, grand technicien", que la police aux frontières a "dans le nez", ajoute-t-il.
Pourquoi les dizaines de clients défendus par Me Mikano passaient-ils par les mêmes filières clandestines? Sa connaissance des rouages techniques du droit des étrangers le rendait particulièrement efficace, et "si un chef de réseau (n'avait) pas dans ses petits papiers le téléphone de Me Mikano, il (pouvait) fermer boutique!", ironise-t-il.
De son côté, l'avocat d'André Mikano, Me Jeffrey Schinazi, dénonce "une obsession du parquet de Bobigny, instrumentalisé par la PAF, de faire rendre gorge à l'avocat qui fait sortir (les sans-papiers) de la zone d'attente" de Roissy. "C'est le procès du statut de l'avocat", affirme-t-il, appelant le tribunal à faire "la différence entre une filière et un filon" de clientèle, les étrangers libérés grâce à Me Mikano le recommandant selon lui, tout simplement, à leurs consorts. En décembre 2012, Me Schinazi avait déjà défendu un avocat poursuivi pour aide au séjour d'étrangers sans-papiers et obtenu sa relaxe par le tribunal correctionnel de Paris.
Le procès débute lundi au tribunal correctionnel de Bobigny et doit durer au moins quatre jours.