Démocratiser le bio et le vrac à bord d’une épicerie ambulante : c’est le défi que s’est lancé Brigitte Nuchelmans en pleine crise sanitaire. En créant l’Epi de Bri, cette bondynoise tracte chaque semaine sa remorque de près de 180 kg, à la rencontre des habitants.
Tout part d’une expérience personnelle : en arrivant à Bondy, Brigitte Nuchelmans se rend compte que ses magasins bio préférés ne se trouvent pas tout à fait à côté. Elle remarque aussi que sa commune est traversée par une voie de chemin de fer et une route nationale, qui découpent littéralement la ville et qui rendent difficile l’accès aux commerces de proximité.
Une reconversion professionnelle en plein covid
A 38 ans, elle est alors en pleine réflexion autour d’une reconversion professionnelle, après avoir passé de nombreuses années dans le domaine de la culture et de la musique. "Je ne voulais pas d’un endroit fixe, justement pour éviter aux gens d’avoir à pousser la porte d’un magasin bio, ce qui n’est pas forcément évident pour tout le monde." En s’inspirant d’épiciers ambulants lillois, Brigitte Nuchelmans choisit donc le vélo cargo pour se lancer dans l’aventure. Elle adhère aussi à l’association francilienne des boîtes à vélo pour recevoir quelques conseils pratiques.
Démocratiser le vrac
"Quand je me suis mise à fond dans le projet je me suis demandé : qu’apporter de plus ? Je me suis dit qu'au-delà de vendre mes produits, il fallait que je propose aux gens de les accompagner dans leur transition vers une consommation plus saine". Alors, Brigitte choisit avec attention ses points de passage. De la place de la Gare dans le sud de la ville en passant par le quartier prioritaire de la Sablière ou celui de Bondy Nord, "L'Epi de Bri" pose sa béquille partout et propose même un service de livraison à domicile.
Légumes, fruits, pain, crèmerie, céréales ou pâtes en vrac, et même cosmétiques et textiles bio : l’épicerie de Brigitte s’est considérablement remplie depuis un an. Chaque semaine, l’épicière bondynoise tracte près de 180 kilos dans sa remorque. Tout n’est pas made in Ile de France mais Brigitte privilégie au maximum les circuits-courts, et s’appuie sur un magasin bio de Saint-Ouen qui travaille avec des maraîchers franciliens. Pendant le confinement, elle a d’ailleurs débuté ses tournées en livrant les volailles et le fromage de producteurs du coin.
Aller plus loin dans la pédagogie
Même en cas de semaines creuses ou pluvieuses, Brigitte Nuchelmans met un point d’honneur à faire ses tournées de la semaine. "Quoi qu’il arrive, je viens avec les produits que j’ai en stock, pour préserver le lien et montrer que je suis toujours là." Au-delà de vendre ses produits, l’épicière veut créer du lien. "Les gens s’approchent du vélo car ça les intrigue, c’est souvent l’occasion d’entamer une discussion, de faire découvrir des produits inconnus. Et la fois d’après ils reviennent, car ils ont eu le temps de réfléchir et ont envie de tester des choses", raconte-t-elle.
Devant la pharmacie centrale de Bondy Nord, Brigitte est à peine installée que déjà les curieux s’approchent. “Il n’y a rien ici, le supermarché du coin est fermé depuis des mois”, constate un habitant du quartier, “je pense que c’est important qu’elle soit là pour montrer aux gens qu’on peut mieux manger.” Quelques minutes plus tard, deux femmes achètent quelques fèves pour un plat à cuisiner le soir pour le Ramadan. “A la semaine prochaine alors !” s’exclament-elles en partant. Enthousiaste, Brigitte explique : “Soit ce sont des personnes qui passent par hasard, soit ce sont des personnes qui me voient de leur fenêtre depuis les immeubles. Et puis un jour ils vont descendre et voir ce que je propose.”
Récemment, l’Epi de Bri a été sollicité par le bailleur social ICF Habitat La Sablière. L’objectif : faire entrer l’épicerie ambulante de Brigitte au cœur du quartier prioritaire du sud de la ville, deux heures par semaine le vendredi. Une douzaine de familles bénéficieront d’un accompagnement de deux mois avec une diététicienne pour changer d’habitudes alimentaires. Ils auront aussi le droit à un coup de pouce financier pour faire leurs courses chez Brigitte. “Derrière cette initiative il y a un enjeu de santé publique : pour moi c’est important de montrer qu’on peut bien manger en faisant des choix simples.”