Des étudiants en psychologie en formation à distance à l'université Paris 8 dénoncent la mise en place d’examens en présentiel pour la prochaine année scolaire.
À peine réinscrit à la fac, Mathieu (le prénom a été modifié à sa demande) envisage déjà de reporter ses examens. Quelques jours après le renouvellement de son inscription en psychologie à l’institut d’enseignement à distance (IED) de l’université Paris 8, cet étudiant en L2 a reçu un mail de la direction.
Les examens auront lieu en présentiel et non à distance pour l’année 2023-2024. "C’était la stupéfaction quand on a reçu ce mail", raconte l’étudiant installé en province. L’université a prévu deux sessions d’examen, pour Mathieu le calcul est vite fait : "entre les billets de train et surtout l’hébergement, il faut compter 400 euros minimum sur deux jours mais si les sessions sont organisées sur 5 jours, cela coûterait plutôt 800-900 euros et les prix risquent de flamber en juin avec l’organisation des JO", assure-t-il.
"Certains envisagent d’abandonner"
Depuis la crise de la Covid, les examens ont lieu à distance, le retour à du présentiel poserait des difficultés à de nombreux élèves selon un collectif d’étudiant. "Cette décision va à l’encontre du choix pris par la commission de la Formation et de la Vie universitaire (CFVU) qui avait voté contre le présentiel en juin", rapporte un autre étudiant. "Nous sommes un public de personnes 'empêchées', beaucoup d’adultes ont un métier et le présentiel est compliqué", explique un étudiant membre du collectif.
Mais selon lui, la difficulté du présentiel va principalement se poser pour les étudiants en situation de handicap. "Certains n’ont pas du tout la possibilité de se rendre sur place, eux vont devoir abandonner", poursuit-il. Sur le site internet de l’IED, il est toutefois indiqué que "des dispositions spéciales sont proposées aux étudiants présentant un handicap ainsi qu’aux étudiants empêchés."
Un logiciel d’examens à distance suspendu par la justice
La décision de l’Institut d’enseignement à distance de Paris 8 intervient dans un contexte conflictuel avec certains étudiants. Un collectif s’était formé à la rentrée 2022 et avait saisi la justice contre l’utilisation du logiciel d’examens à distance TestWe. "Il s’agissait d’un logiciel très intrusif, qu’il fallait installer sur son ordinateur et à qui il fallait donner les droits administrateur", dénonce Mathieu.
Le tribunal administratif de Montreuil avait suspendu l’utilisation de TestWe en octobre. L’association La Quadrature du Net s’était associée à la mobilisation des étudiants et se félicite de cette décision. "Cette ordonnance est intéressante parce qu’elle ouvre la voie à la remise en question de l’utilisation du principe de la surveillance automatisée des examens", se réjouit Bastien Le Querrec, membre de la Quadrature du Net.
La justice estime que l'utilisation par l'université de ce logiciel porte une atteinte excessive et disproportionnée à la protection des données personnelles. "Si l’université fait valoir qu’elle n’entend pas en pratique collecter effectivement ces données, elle n’expose pas quel dispositif technique ferait obstacle (...) à ce que celles-ci soient effectivement collectées et susceptibles de recevoir un traitement", peut-on lire dans l'ordonnance.
Des étudiants avaient proposé des alternatives à TestWe pour maintenir le distanciel. "Nous avons proposé des examens basés sur le contrôle continu comme c’est le cas à l’IED pour les formations en sciences de l’éducation ou informatique", note un étudiant. "Nous avons également proposé l’utilisation du logiciel opensource Moodle, associé à zoom pour une surveillance visuelle des étudiants, un choix moins cher que le recours à TestWe", poursuit-il. "Un logiciel utilisé dans d'autres facs sans que cela remette en cause la validité du diplôme".
Une solution rejetée par la direction de l’université Paris 8, qui a répondu à nos sollicitations par mail. "La garantie de la valeur des diplômes de l'IED suppose la sécurisation réglementaire des conditions d'examen : contrôle de l'identité du candidat, contrôle des modalités de composition, lutte contre les possibles fraudes, en particulier numériques. Compte tenu des délais nécessaires pour sécuriser le recours à une autre solution de surveillance à distance, notamment eu égard à la réglementation de l'achat public, la seule possibilité de garantie de conditions légales et équitables d'examen réside, pour 2023-2024, dans l'organisation des examens en présentiel.", est-il indiqué dans le courrier.
La direction assure par ailleurs être déjà à la recherche d'une solution pour organiser les examens à distance en 2024-2025.