En 2011, la pièce Golgota Picnic jouée au Théâtre du Rond-Point soulevait l'ire des catholiques intégristes. Quatre ans plus tard, le théâtre et la maison d'édition ayant publié l'oeuvre comparaissaient devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, ce vendredi 30 octobre.
Un "hommage à une religion d'amour et de paix". C'est par ces mots que Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point, a défendu Golgota Picnic, oeuvre du dramaturge argentin Rodrigo Garcia. En 2011, d'importantes manifestations de catholiques intégristes avaient eu lieu lors des neuf représentations de cette pièce dans le théâtre parisien. Dix-huit passages sont poursuivis par la plainte de l'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (Agrif), qui poursuit également l'éditrice du texte devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Vision désenchantée d'une société occidentale consumériste et individualiste, la pièce de Rodrigo Garcia met en scène une métaphore de la Cène, présentée comme le dernier repas de l'humanité.
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Lors de ses représentations en France (à Toulouse en novembre 2011 et Paris en décembre 2011), la pièce a opposé les catholiques traditionalistes, qui la jugent blasphématoire et "christianophobe", aux défenseurs de la liberté de création.
"C'était là où était le scandale du christianisme, c'était honteux", a déclaré Jean-Michel Ribes, s'en prenant aux traditionalistes de Civitas, "secte insensée" selon lui, qui "fait une mauvaise publicité à Jésus-Christ". En manifestant, de plus, "ils chantaient faux", cingle-t-il. Un soir, certains, incognito parmi les spectateurs, avaient, d'après Jean-Michel Ribes, ingurgité des vomitifs pour rendre tripes et boyaux afin de perturber le spectacle. Ne comprenant pas ce que l'on reproche à ce texte, dont l'auteur n'était pas visé par les poursuites de l'Agrif, l'homme de théâtre s'est défendu de toute provocation à la haine: "on a fait ça parce que c'est un grand texte".
"Un pays sans culture coûte beaucoup plus cher qu'un pays avec"
"L'art ne justifie pas tout", a plaidé Me Triomphe, fustigeant un "spectacle d'une très rare violence", une "pièce vécue", selon lui, "comme une violence indicible par les chrétiens". Argumentation qui n'a pas convaincu la représentante du parquet, pour qui l'infraction n'est "pas caractérisée". Il y a dans cette oeuvre de fiction une "distanciation nécessaire", et pour la magistrate, les chrétiens ne sont pas visés. "Jésus y est présenté de manière péjorative, mais pas du tout élargie à l'ensemble des chrétiens", a-t-elle poursuivi, préconisant la relaxe.Si provocation il y a, c'est une "provocation à la réflexion", a plaidé l'avocate de la défense, Me Brigitte Richard. Bien que son contradicteur s'en défende, au fond, "c'est toujours la même musique du blasphème qu'on nous ressert aujourd'hui". Prenant la parole en dernier, c'est un Jean-Michel Ribes ulcéré qui a répondu point par point aux arguments de l'avocat de l'Agrif. Il a jugé "honteux de réduire la pièce à des cheveux entre les fesses d'un acteur", référence à l'un des passages de Golgota Picnic. Et il s'en est pris au "populisme infâme" consistant à dire que cette pièce s'est montée avec l'argent du contribuable: "nous ne sommes que très peu subventionnés".
Avant que le tribunal ne mette son jugement en délibéré au 10 décembre,Jean-Michel Ribes a conclu: "Un pays sans culture coûte beaucoup plus cher qu'un pays avec".