Procès de Châteauroux : certaines condamnations "pas à la hauteur" pour les parties civiles, qui portent plainte contre l'ASE du Nord

Le tribunal correctionnel de Châteauroux a rendu son jugement ce 18 décembre. Si les avocats de la défense semblent plutôt satisfaits, ceux des parties civiles pointent certaines condamnations "assez légères". Ils annoncent également déposer plainte contre l'Aide Sociale à l'Enfance du Nord qui "n'a pas été poursuivie et ses carences ont permis ce qu'il s'est passé".

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Le délibéré du procès des familles d'accueil est tombé ce 18 décembre 2024. Le tribunal correctionnel de Châteauroux a condamné Julien M. à 6 ans de prison avec mandat de dépôt différé et 20 000 euros d'amende, considéré comme la tête du réseau.

Son bras droit, Bruno C. écope lui d'une peine de 4 ans de prison et 5 000 euros d'amende. Antoine et Colette M., les parents de Julien M. sont, eux, condamnés à respectivement 10 et 12 mois de prison chacun ainsi que 10 000 et 20 000 euros d'amende. Les familles d'accueil ont, elles, été relaxées sur l'accusation d'organisation en bande organisée, mais ont été condamnés à des amendes allant jusqu'à 3 000 euros pour "accueil collectif de mineurs sans déclaration".

Un jugement auquel les avocats des différentes parties ont réagi. Les représentants des familles d'accueil saluent une "décision sage", hiérarchisant la culpabilité. De son côté, Me. Jean Sannier, avocat des parties civiles, pointe certaines condamnations "assez légères" au regard des infractions commises. Il annonce également déposer une plainte auprès du procureur de la République de Lille contre l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) du Nord qui "n'a pas été poursuivie et ses carences ont permis ce qu'il s'est passé".

Un verdict qui instaure une "hiérarchie"

À la sortie du délibéré, les avocats de la défense sont, dans l'ensemble, plutôt satisfaits. Jérémy Schuletzki, représentant de certaines familles d'accueil, se réjouit du fait que les peines soient "largement inférieures à ce qui avait été requis". "Le tribunal fait la différence entre ceux qui étaient à la tête du réseau et ceux qui ont un petit peu subi", constate-t-il.

Le tribunal n'est pas tombé dans le piège qu'on voulait bien lui tendre.

Alban Briziou, avocat de Bruno C.

Il en va de même pour Nathalie Gomot-Pinard. L'avocate d'une famille d'accueil, considère la décision "sage" et indique ne pas faire appel. "Il y a une dichotomie entre les "gros bonnets" et le banc des familles d'accueil qui n'ont strictement rien à voir, souligne Me. Gomot-Pinard. Ils ont été utilisés dans cette machination, c'est pour cela que l'on a eu la relaxe sur l'organisation en bande organisée."

Alors que la procureure de la République de Châteauroux avait requis 7 ans de prison pour Bruno C., tout comme Julien M., celui considéré comme le bras droit du réseau n'a obtenu que 4 ans de prison. À l'issue de l'audience, son avocat "a le sourire".

"Le tribunal n'est pas tombé dans le piège qu'on voulait bien lui tendre. On a voulu adjoindre des éléments qui n'étaient pas dans le dossier, en donnant notamment une connotation sexuelle à une affaire qui ne l'était pas", pointe Me. Alban Briziou, avocat de Bruno C. S'il concède que son client "n'est pas un enfant de chœur", ayant écopé de 20 ans de réclusion criminelle pour viol incestueux sur sa fille, "en réalité, il avait un rôle tout à fait subalterne". Il considère un verdict "juste" auquel il ne fera pas appel.

Selon Me. Jean Sannier, un des avocats des parties civiles, cette condamnation est "assez légère". Il considère qu'elle "n'est pas à la hauteur de ce qu'il a fait et revendiqué à l'audience avec une forme de désinvolture s'agissant du viol qui lui est reproché".

Le message envoyé considérant que le rôle de Bruno C. est bien en dessous de celui de Julien M., c'est un point de vue que je ne partage pas et que les victimes ne peuvent pas partager.

Jean Sannier, avocat des parties civiles

Pour l'avocate de deux victimes, Me Christelle Jousse, cette hiérarchie "n'est pas complètement anormale", et "semble en cohérence avec le dossier". L'avocate craint que Julien M. n'acceptera cette décision, car Bruno C. ne prend "que 4 ans". "Dans la tête de réseau, on situe Julien M. largement au-dessus en termes de responsabilité", explique Me Christelle Jousse.

Concernant Antoine et Colette M., Me Jean Sannier considère que la peine est assez faible, car leur peine de prison est aménageable. "Ils sont quand même à l'origine de tout ce montage, en transférant la responsabilité de l'accueil à leur fils, et leur sanction n'est peut-être pas à la hauteur de ce que cela a causé", soulève-t-il. 

Les parties civiles annoncent déposer plainte contre l'ASE du Nord

Seule absente du procès de Châteauroux, l'ASE du Nord, dont la responsabilité a été écartée. "Elle n'a pas été poursuivie et ses carences ont permis ce qu'il s'est passé. On a rédigé la plainte qui partira aujourd'hui ou demain auprès du procureur de la République de Lille", déclare Jean Sannier, avocat des victimes.

L'absence de vérification des agréments des familles d'accueil ont permis deux sortes de mauvais traitement : d'abord l'habitat indigne puis ce qui a été qualifié de violences sexuelles.

Jean Sannier, avocat des victimes

Une plainte qui vise à dénoncer "l'absence quasi volontaire de la vérification de l'agrément", selon l'avocat. "Il ne faut pas trop chercher parce qu'on est quand même très content d'avoir Julien M. pour accueillir tous ces enfants et il ne faudrait pas s'en priver", pointe Me Jean Sannier.

"Ce n'est qu'une première étape"

Selon lui, les services de la protection de l'enfance du département du Nord étaient au courant de plusieurs agissements et ont préféré fermer les yeux. Il en veut pour preuve l'absence de prise en compte de ce qu'avait dénoncé un des enfants à l'époque : "L'ASE était au courant qu'on lui faisait. Il avait dénoncé les médicaments (Ritaline et L72) qu'on lui faisait ingurgiter alors qu'ils étaient administrés sans qu'ils soient justifiés médicalement. On lui faisait boire avec du whisky."

"Pour certaines filles, continue l'avocat Jean Sannier, c'est l'absence de vérification des agréments des familles d'accueil qui ont permis deux sortes de mauvais traitement. D'abord l'habitat indigne puis ce qui a été qualifié de violences sexuelles." À présent le verdict du procès de Châteauroux rendu, les avocats des victimes posent la question de la responsabilité pénale et civile du Conseil départemental du Nord. Me Jean Sannier avertit : "Pour ces jeunes, ce n'est qu'une première étape".

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