Procès de Châteauroux : "Certaines ne correspondaient pas à mes critères", accusé de sexualiser et violenter des enfants placées, le "bras droit" dégoûte le tribunal

Bruno C., qualifié de "coordinateur général" du réseau de familles d'accueil sans agrément jugé à Châteauroux, est passé à la barre ce mercredi 16 octobre. S'il a reconnu certaines violences, il a en revanche réfuté toute perversion et actes sexuels envers des mineures, malgré les nombreux témoignages. Embourbant le tribunal dans des réponses sans queue ni tête.

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Le numéro de grande rhétorique n'aura pas spécialement fonctionné pour Bruno C., ce mercredi 16 octobre. Devant le tribunal correctionnel de Châteauroux, au troisième jour du procès, le "coordinateur général" du réseau de familles d'accueil sans agrément a tenté les longues phrases et la théâtralité pour charmer son audience. Tout au plus aura-t-il écœuré une bonne partie des personnes présentes.

Le profil du prévenu, 61 ans, permettait d'entrée une certaine méfiance. De tous les prévenus, il est le seul à être actuellement incarcéré. Car, depuis les faits jugés à Châteauroux, il a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour viols sur sa fille. Et, dix ans plus tôt, il avait écopé d'une condamnation pour agression sexuelle sur mineure. En l'occurrence, déjà, sa fille.

"J'étais pas dans la magouille"

Lors de l'actuel procès, les infractions qui lui sont reprochées sont nombreuses : faux et usages de faux, travail dissimulé en bande organisée, hébergement indigne, administration de substances nuisibles, et violences. Comme Julien M., la tête de pont du réseau, qui le présentait "comme son bras droit, le coordinateur général". Une ancienne enfant placée l'accuse également de viol, fait non jugé lors de ce procès. La procureure a annoncé son intention de rouvrir l'enquête sur ces faits précis.

D'une voix assurée, le visage caché derrière d'épaisses chevelure et barbe grises, Bruno C. met rapidement en place sa stratégie : charger Julien M. et ses parents, comme eux l'ont chargé ces derniers jours. Et se dédouaner de toute malfaçon. Tout au mieux, se présenter comme un conseiller fiscal auprès de la famille. L'association qui a mis en place tout ce réseau en 2016 et 2017, créée avec son aide pour accueillir des enfants placés par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Nord ? "Je n'apparais pas dans les statuts, j'étais pas dans la magouille !"

Il raconte comment le réseau se crée. La première famille d'accueil est d'abord rencontrée à titre privé. Puis, "on leur en parle, accueillir de façon provisoire des enfants de l'ASE hors cadre, avec 50 euros par jour, donc 1 500 euros par moi par enfant, ils ont dit ok". Par la suite, il poursuit son démarchage auprès de certaines de ses connaissances, dans l'Indre, la Creuse et la Haute-Vienne. "Certains m'ont dit non, certains m'ont dit "faut voir", certains m'ont dit oui... L'appât du gain !"

La thèse du bon exécutant

Lui-même se met à accueillir, chez lui, des enfants de l'ASE du Nord. Et ce alors que son domicile est jugé impropre par les services de l'Indre. En cause notamment, une caravane sans eau ni sanitaire, dans laquelle plusieurs enfants ont logé. "Julien est venu avec une éducatrice, ils ont regardé la caravane, ils ont dit que c'était nickel..." Il l'assure : l'ASE du Nord savait tout, des conditions d'hébergement à l'organisation "en étoile" du réseau.

Témoin et acteur de plusieurs épisodes de violences contre des enfants, il en confesse une bonne partie. Mais l'explique toujours, disant : "Je ne suis pas un professionnel." Comme cette fois où Julien M. urine sur le jeune Matthias. Peu avant, Bruno C. reconnaît avoir maintenu la tête de l'adolescent contre une porte. Et ne pas s'être interposé plus que ça ensuite: 

Je ne pensais pas que Julien allait baisser son pantalon et uriné. Dans l'engrenage, j'avais tenu la tête. Jusqu'à preuve du contraire, Julien n'allait pas lui faire grand chose. Il me disait : "Tiens le bien." C'est un ami, j'avais des relations, c'était de la complaisance.

Bruno C.

Ce soir-là, Julien M. était ivre. Ce qui expliquerait, selon l'intéressé, qu'il ne se souvienne d'absolument rien. Crédible ? "Peut-être qu'il ne se rappelle pas exactement la scène, estime Bruno C. Mais avoir baissé le pantalon, avoir pissé, quand même... Il a picolé, mais pas au point de tomber."

Il indique une relation de quasi-hiérarchie vis-à-vis de Julien M. à de nombreuses occasions. Notamment lorsque les débats abordent les surdosages de neuroleptiques, constatés chez plusieurs adolescents. "Des témoins disent que vous et [Julien M.] aviez l'habitude de tels traitements pour calmer les jeunes", et ce sans ordonnance faite en présence des mineurs, lui signale la procureure. "Sur les médicaments, je suis nul, c'est une de mes lacunes, je n'aime pas ça", commence le prévenu. Avant de se défausser complètement : "Si Julien dit que c'est bon, je le faisais sur autorité. On me demandait de le faire..."

Plus les réponses sont longues, moins elles sont claires

Au fil des questions, il se tourne de plus en plus vers les victimes, et de moins en moins vers le président du tribunal. Il coupe les questions des avocats, du président aussi, ce qui semble l'agacer passablement. "Monsieur, écoutez !" Rien n'y fait. Les réponses aux questions sont longues, divaguent. "Vous arrivez facilement à détourner l'attention, vous êtes en train de distiller l'attention des personnes présentes dans cette salle." Ce qui ne le décourage pas. "Beau parleur", ironise une personne dans l'assistance.

Bruno C. reconnaît aussi un épisode violent contre la jeune Maëva, qu'il a "poussée" volontairement : "Elle était pas épaisse, elle est tombée, je l'avoue. Elle a atterri sur l'armature de la piscine, elle a gardé une marque." Épisode à la suite duquel la gendarmerie intervient, et retire l'enfant au prévenu. "Vous êtes conscient d'avoir abîmé Maëva ?" "Oui. Je suis désolé. Je suis un immonde salaud. Je me suis remis en question, j'ai eu une évolution." Les réponses à rallonge s'accumulent, malgré les questions formulées avec l'intention de n'obtenir qu'un "oui" ou un "non" de la part du sexagénaire. Occasionnellement, il se pose même des questions à lui-même.

"Je ne suis pas plus libertin qu'un autre"

Et ces longueurs ne se font pas spécialement au profit de la clarté. Notamment quand sont abordés certains des faits les plus graves. Le dossier met en avant une ambiance sexualisée à son domicile. Plusieurs jeunes filles passées chez lui l'accusent de leur interdire de porter des sous-vêtements. Il tente plusieurs fois de se justifier. "C'est faux, je ne suis pas plus libertin qu'un autre." Mais s'embourbe. Ou, du moins, embourbe la salle d'audience.

Les avocats et la procureure lui demandent, tour à tour, de s'expliquer plus clairement. "Je préconisais qu'elles n'arrivent pas avec du linge salle, finit-il par lâcher. Et si elle n'en avait pas de propre, je demandais qu'elle n'en mette pas." Les haut-le-cœur sont sonores dans l'assistance. "Et les garçons, ils portaient bien des slips ! Vous ne vérifiiez pas pour eux ?" "Ça ne me regardait pas." Peu semblent avoir mieux compris.

Et ça ne s'arrête pas là. Plusieurs anciennes enfants placées l'accusent de les avoir obligées à porter des minijupes et des décolletés plongeants. "Non non, je demandais juste une tenue correcte. Et certaines ne correspondaient pas du tout à mes critères." Dégoût palpable dans toute la salle. "Elles mentent. Ma réponse est la même. Si c'était vrai, je l'aurais dit !" Il fait mine de n'avoir plus rien à perdre. "J'ai 50% de chance de mourir en prison, alors vous savez..."

Près de cinq heures d'audience plus tard, l'assistance quitte le tribunal sous la pluie, peu après 19h00. "Ça n'a pas été bénéfique du tout", souffle son avocat, Alban Briziou, dans la salle des pas perdus. Lui-même a dû se lever à plusieurs reprises pour demander à son client de rester dans les clous. "Je le connais... Il ne répondait pas aux questions, il n'a pas été précis. On l'a perdu." Il voit dans ce numéro un homme "pas gérable, content de parler parce qu'il est en prison depuis des années, de voir du monde, d'avoir une audience".

Et le numéro ne devrait pas s'arrêter là. Sa dernière intervention de la journée aura été en direction du président. "Aurai-je le droit de m'exprimer à nouveau avant la fin ?" Réponse positive. Le procès doit s'achever ce vendredi 18 octobre.

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