Travailler «la peur au ventre », l’inquiétude des agents de sécurité dans les aéroports ou les supermarchés

En pleine pandémie, leurs missions s'imposent souvent comme essentielles mais certains agents de sécurité craignent d'être contaminés faute d'équipements. Ils réclament une vraie reconnaissance de leur statut. 

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A l’entrée des supermarchés, des hôpitaux, ou dans les aéroports, les agents de sécurité sont en première ligne. Oubliés des hommages, beaucoup vont travailler « la peur au ventre » comme Anatole (le prénom a été modifié), agent de sûreté à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle pour l’entreprise Samsic. Il a travaillé pendant des semaines sans masques. « Les masques ne sont arrivés qu’après la mort de notre collègue », déplore t-il.

Quand on fait des palpations, on ne peut pas respecter les gestes barrière, ce n’est pas possible

Satia, 58 ans est décédé des suites du Covid-19, le 5 avril. « Après 11 jours en réanimation, mon père est guéri mais il est décédé des séquelles du Covid, son poumon a lâché», raconte Astrid sa fille.  « C’était vraiment quelqu’un d’agréable, qui aimait son travail. Sa mort nous a tous choqués et aussi mis un peu en colère », se souvient Anatole. Car les salariés avaient alerté la direction sur les risques. « Ils nous ont dit que les masques n’étaient pas nécessaires. Quand on fait des palpations, on ne peut pas respecter les gestes barrière, ce n’est pas possible », assure t-il. Pour sa fille, la société essaie de se dédouaner. « Ils disent que Samsic a fait le nécessaire pour ne pas qu’il soit contaminé mais mon père contrôlait les personnels navigants, ce sont des personnes qui sont en contact avec des centaines de passagers, il les contrôlait avec seulement une paire de gants », raconte sa fille Astrid.

La direction de Samsic n’a pas souhaité s’exprimer sur les conditions de travail des agents, mais son directeur général Beaudoin Delescluse a salué le « boulot extraordinaire qu’ils font en ce moment ». C’est le deuxième décès du Covid dans ce groupe. En mars, Alain, responsable de la sécurité du centre commercial Parinor à Aulnay-sous-Bois est aussi mort du coronavirus.

Droit de retrait multipliés

Selon plusieurs syndicats, de nombreux agents doivent travailler sans masque dans des conditions de travail particulièrement dégradées. «Ils subissent l’agressivité de certains clients,  il y a eu pas mal d’incidents dans le secteur de la grande distribution», a constaté Eric Biro, juriste de la fédération des métiers de la prévention et de la sécurité (FMPS). En trois semaines, il a été sollicité pour une centaine de droits de retrait dans la profession.

Une « croisade » pour trouver les masques et les gants

Dan Bellaiche, président de la sociéte Protectim n’a pas eu de droit de retrait dans son entreprise. Aujourd’hui tous les agents de la société portent masques et gants mais ce n’était pas le cas au début du confinement. « Au démarrage, on a suivi les recommandations gouvernementales et on a communiqué sur les gestes barrière et après on s’est rendu compte que dans des environnements de grande distribution avec du passage et beaucoup de monde, les gestes barrière ne suffiraient pas et on a commencé à chercher du gel, des masques et des gants et cela a été le début de la croisade », raconte t-il. Une quête de matériel rendue très compliquée avec les réquisitions d’Etat. 
« On a mis enormement de temps à trouver des fournisseurs, pour la plupart pas francais. Ça a été très très compliqué, très cher et ça a mis énormément de temps ». Dan Bellaiche assure avoir de quoi tenir jusqu’à fin mai mais prévoit déjà de repasser commande.

Reconnaissance d'un statut

Selon la CGT, les décès se multiplient dans la profession. « C’est eux qui paient le prix fort de la crise, on dépasse les 9 décès dans la prévention sécurité. C’est pas de la chair à canon. Il faut que ces métiers soient reconnus et avec un salaire qui va avec. Aujourd’hui, aucun agent de sécurité dépasse les 1300 euros à temps plein, ce n’est pas possible ! » se désole Amar Lagha, secrétaire fédéral de la branche commerce et services. Il milite pour la reconnaissance d’un vrai statut pour les agents. Un point de vue partagé par le directeur de Protectim. «Nos équipes étaient en première ligne sur les attentats, en première ligne sur les gilets jaunes, on les a vite oublié. Ils n’ont pas de statut alors qu’ils ont des missions essentielles", affirme Dan Bellaiche. 

Primes pour les agents

Pour la CGT et la fédération, les agents doivent bénéficier de la prime de 1000 euros comme les salariés de la grande distribution. Le directeur de Protectim n’est pas très optimiste. « On a des marges extrêmement faibles, on étudie les scenario mais c'est compliqué pour nous. On a une perte de chiffres d'affaires de 45%, j’ai la moitié de mon personnel en chômage technique », nous confie t-il.                                     

 
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