Le chef du service gynécologie à l'hôpital Tenon à Paris est visé par une enquête pour "viol sur mineur" suite à une plainte et divers signalements. Une autre patiente a également porté plainte. Plusieurs femmes ont témoigné auprès du collectif Stop violences obstétricales et gynécologiques.
Le professeur Daraï de l'hôpital Tenon dans le XXe arrondissement de Paris fait l'objet d'une plainte déposée le 24 septembre. A la suite, une enquête a été ouverte pour "viol par personne ayant autorité sur mineur de plus de 15 ans". Une deuxième patiente a également porté plainte contre ce spécialiste de l'endométriose le 30 septembre dernier du chef de viol en réunion. Une information confirmée par le parquet de Paris. Les deux enquêtes ont été confiées à la 2ième DPJ.
Le médecin est accusé par plusieurs ex-patientes de pratiquer des examens vaginaux et rectaux de manière brutale et sans demander le consentement. Ses femmes ont témoigné auprès du collectif Stop violences obstétricales et gynécologiques.
Que recouvrent les violences obstétricales et gynécologiques ?
Gestes ou paroles déplacés, actes sexistes, non prise en compte de la gêne, non consentement, actes non justifiés, examens brutaux, viol … Sonia Bisch fondatrice du collectif nous explique ce que sont ces diverses formes de violences, des plus anodines au plus violentes : "Le non consentement est l'une des premières violences faites aux femmes lors des examens médicaux, des faits prescrits par la loi Kouchner de 2002."
Le consentement doit être libre et éclairé.
"Tout le personnel médical à l’obligation de demander le consentement avant de pratiquer un acte médical. L’acte doit être expliqué ainsi que ses alternatives sans exercer de pressions sur la personne. Le consentement doit être libre et éclairé", ajoute-t-elle.
"Le non-respect des bonnes pratiques médicales issues des hautes instances médicales est aussi une forme de violence. Le Collège national des gynécologues obstétriciens ou la Haute autorité de Santé ont émis des avis que le corps médical doit respecter. Par exemple, lors d’un accouchement, appuyer fortement sur le ventre de la mère pour faire sortir l’enfant au moment de l’expulsion est une violence obstétricale. Cette technique a été enseignée il y a 20 ans. Aujourd’hui elle est interdite mais beaucoup la pratiquent encore", s'insurge-t-elle.
Les actes violents subis par les femmes durant le suivi gynécologique et obstétrical ne sont "pas des faits isolés" en France concluait déjà en juin 2018 un rapport du Haut conseil à l'égalité hommes femmes.
Réactions des institutions médicales
L'AP-HP a indiqué à l'AFP prendre "très au sérieux" les accusations qui vise le professeur Daraï. L'enquête interne a vocation à déboucher sur "un rapport écrit" à l'issue d'auditions, avant d'éventuelles "mesures", poursuit l'institution.
Cinq nouveaux témoignages ont été reçus depuis mi-septembre
D'après l'AP-HP, "six réclamations ont été adressées à l'hôpital Tenon entre 2013 et mi-septembre 2021", portant sur "un manque d'information autour d'examens pratiqués durant des consultations de gynécologie, des examens douloureux ou un manque de considération. Certaines situations ont donné lieu à une médiation", a encore indiqué l'institution. Contactée aujourd'hui, l’AP-HP n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
Le conseil départemental de Paris de l'Ordre des médecins a lui évoqué auprès de France info trois signalements reçus en 2014 concernant le Pr Daraï. "Aucun autre signalement avant et après", "aucune patiente n'a souhaité poursuivre les démarches" a ajouté l'Ordre.
Interrogé par l'AFP, le Professeur Daraï a indiqué : "Je récuse les faits et me remets aux conclusions de l'enquête conjointe de l'AP-HP et de Sorbonne-Université", en cours depuis le 20 septembre selon l'AP-HP. Des propos qui indignent le collectif.
Nous sommes dans une médecine qui est assez sexiste et patriarcale.
"Concernant le Professeur de l’hôpital Tenon, il y a des signalements à son encontre depuis 2014 et ce monsieur est toujours en poste", dénonce Sonia Bish. Et de continuer : "Tout le monde sait, tout le monde se tait, pourquoi ?Nous avons reçu des témoignages concernant d’autres médecins. Malheureusement nous pensons que ce monsieur est l’arbre qui cache la forêt. En France nous avons un bon système de santé très technique mais il n’y a pas assez de contrôle et du coup il y a de mauvaises pratiques médicales. Nous espérons que la justice va s'emparer de cette affaire nous avons énormément de témoignages."
En effet, un deuxième médecin du même établissement de l’AP-HP serait sous le coup d’un signalement pour des violences obstétricales supposées, selon les journalistes du Parisien.
Des solutions pour lutter contre les violences exercées contre les femmes
Selon le collectif des solutions existent, comme celles mises en place au Canada : un partenariat "soignant soignée" pour traiter les besoins des uns et des autres. "En France, les patientes interviennent que rarement dans la politique des hôpitaux, dans l’enseignement et la recherche médicale", regrette la fondatrice du collectif.
Soulignant la passivité du gouvernement, Sonia Bisch demande à ce que le gouvernement mène une campagne d’information pour que les patientes connaissent leurs droits. Elle demande également la création d'un numéro d’écoute comme le 3919 pour informer les patientes, faire des signalement et les soutenir moralement.
"Nous interpellons Olivier Véran pour qu’il prenne des mesures efficaces pour enrayer les violences obstétricales et gynécologiques dans notre pays. Nous nous tenons à sa disposition pour être auditionnées afin d’améliorer la formation des étudiantes et étudiants en médecine et aussi la formation continue des professionnels de santé", conclut Sonia Bisch.