La majorité présidentielle réussira-t-elle son grand chelem de 2017 dans le Val-d'Oise ? Rien n'est moins sûr dans ce département qui a placé Jean-Luc Mélenchon en tête lors du 1er tour de la présidentielle. La Nupes pourrait-elle lui ravir plusieurs députations ? Pour LR, l'enjeu est au moins de conserver leur unique circonscription.
En 2017, au second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron avait remporté 73% des suffrages dans le Val-d'Oise. Lors des législatives qui ont suivi, la majorité présidentielle (La République en Marche (LREM) + Modem) avait alors remporté 9 circonscriptions sur les 10 que compte le département, historiquement partagé entre Les Républicains (LR) et le Parti socialiste (PS).
Seule la 8e, où aucun candidat de la majorité ne s'était présenté, était restée aux mains du socialiste François Pupponi. Passé depuis chez Territoires de progrès, le député se présente à sa réélection sous la bannière Ensemble. Revirement également du côté d'Aurélien Taché. Élu en tant que député de la majorité de la 10e circonscription en 2017, il a depuis quitté LREM. En 2022, il se présente sous l'étiquette de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). Autre changement dans ce département : en 2018, la 1ère circonscription était passée chez LR à la suite de l'annulation de l'élection d'Isabelle Muller-Quoy (LREM) par le Conseil constitutionnel.
Actuellement, les 10 députés val-d'oisiens siégeant à l'Assemblée nationale sont (par circonscription et avec les étiquettes de 2022) :
1re - Antoine Savignat (LR)
2e - Guillaume Vuilletet (LREM)
3e - Cécile Rilhac (LREM)
4e - Naïma Moutchou (LREM)
5e - Fiona Lazaar (LREM)
6e - Nathalie Elimas (MoDem)
7e - Dominique Da Silva (LREM)
8e - François Pupponi (Apparenté MoDem et Démocrates apparentés)
9e - Zivka Park (LREM)
10e - Aurélien Taché (Non inscrit)
Lors de l'élection présidentielle de 2022, Emmanuel Macron a remporté 66% des suffrages au second tour. Mais au premier tour, le département a largement voté pour Jean-Luc Mélenchon (33%), plaçant Emmanuel Macron deuxième avec 26% des voix et Marine Le Pen troisième (17%). Notons également qu'aux législatives de 2017, les Val-d'Oisiens s'étaient abstenus à 56% au premier tour et à près de 63% au second tour. En 2022, une abstention encore plus importante est redoutée par les candidats. Reste à savoir à qui elle profitera.
Aurélien Taché, passé de la majorité à la Nupes, joue sa réélection dans la 10e circonscription
Avec 17 candidats, la 10e circonscription (Cergy Nord, L'Hautil (moins la commune de Neuville-sur-Oise)) est la plus convoitée du Val-d'Oise. Un record dans le département. Parmi ceux qui briguent la mandature, huit candidats sont de gauche. Une pluralité de candidatures qui s'explique peut-être par le fait que le candidat investi par la Nupes soit Aurélien Taché. Élu député de la majorité en 2017 (face à la candidate de la France insoumise), il a quitté LREM en 2020 et rejoint Écologie, démocratie et solidarité avant de fonder le parti Les Nouveaux Démocrates (pôle écologiste).
Un choix d'investiture qui révolte la candidate Divers gauche Sanaa Saitouli. "L’ambition de la Nupes était aussi d’amener de nouveaux visages. Et bien là, ce n'est pas un nouveau visage, c’est un mec qui a fait tous les partis et qui dit qu’il partira s’il n'est pas d’accord avec la Nupes", se désole l’ancienne adjointe de Cergy à la petite enfance. Celle qui a grandi à la Croix-Petit s'estime "plus légitime" qu'Aurélien Taché car "ancrée dans le territoire" dont elle dit "connaître les problématiques des gens". La très active candidate se définit comme "une femme de quartier, une maman, une femme racisée" et souhaite incarner ce renouveau des visages.
Le candidat de la majorité, Victorien Lâchas, espère bien profiter du changement de bord du député sortant et de la confusion autour des multiples candidatures de gauche pour récupérer la mandature. "En 2017, les électeurs avaient confié les responsabilités de cette circonscription à un candidat de la majorité présidentielle, soutenu par Emmanuel Macron. Je souhaite qu’ils reproduisent la même chose en 2022", espère celui qui met en avant son "ancrage de proximité". Mais l'ex-socialiste de presque 36 ans ne fait pas l'unanimité dans son propre camp. Rida Boultame, délégué départemental du MoDem et soutien d'Emmanuel Macron, a par exemple choisi de suivre Patricia José, la candidate LR, plutôt que le marcheur.
Face aux critiques, Aurélien Taché fait front et assume d'avoir changé de parti. "Tout ce qui avait été promis, tout ce sur quoi j’ai fait campagne ici il y a cinq ans, [...] c’était de la flûte !", dénonce-t-il. Il affirme ne pas avoir peur que ce revirement joue contre lui. "Les gens me disent ‘merci d’être parti’ et d’ailleurs ils ont fait comme moi ici, ils ont lâché Macron et ils ont voté pour la Nupes", note-t-il. Au premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a récolté 38,2% des voix dans la circonscription dont 48% à Cergy. Mais cela sera-t-il suffisant pour permettre à Aurélien Taché d'être reconduit ? La Nupes va-t-elle réussir à transformer l'essai aux législatives ? Rien n'est moins sûr dans cette circonscription où l'abstention avait atteint 56% au premier tour des législatives en 2017.
Le député sortant est aussi régulièrement accusé par ses adversaires de préférer passer du temps sur les plateaux de télévision que sur son territoire. "Il n’a pas été très présent pendant les cinq ans", note le candidat Ensemble. Aurélien Taché, lui, dit se sentir "totalement légitime" et se concentrer sur le programme de la Nupes "qui correspond beaucoup mieux à ce dont ont besoin les Cergypontains : l’augmentation du Smic à 1500 euros, le blocage des prix, une vraie politique écologique ou encore l’abrogation de cette fameuse loi séparatisme". Il en profite pour tacler le bilan du président de la République : "sous Macron, le taux de pauvreté a augmenté".
Dans la 10e circonscription, les 17 candidats sont : Joseline Sylvie Loulendot (Parti radical de gauche), Patricia José (Les Républicains), Sabine Rigouste (Droite souverainiste), Augustin Belloc (Divers gauche), Aurélien Taché (Nouvelle union populaire écologique et sociale), Najet Arrar (Divers), Karim Ziabat (Divers gauche), Christophe Flaux (Divers extrême gauche), Evelyne Ollivier (Ecologistes), Patricia Fidi (Divers centre), Matthieu Binet (Divers extrême gauche), Sanaa Saitouli (Divers gauche), Victorien Lachas (Ensemble ! - Majorité présidentielle), Princesse Granvorka Puisard (Reconquête !), Prabagarane Madi (Divers gauche), Malek Benseddik (Divers centre), Richard Durand (Rassemblement National).
Dans la 1ère circonscription, LR espère bien conserver son unique siège au Palais Bourbon
Dans la 1ère circonscription (Beaumont-sur-Oise, Magny-en-Vexin, Marines, Pontoise, La Vallée-du-Sausseron, Vigny), le résultat est incertain. Le député sortant Antoine Savignat (LR) espère bien rempiler dans cette circonscription traditionnellement à droite. D'autant plus que LR n'a pour l'instant pas d'autre député dans le 95. Antoine Savignat avait été élu à la législative partielle de 2018 à la suite de l'annulation de l'élection d'Isabelle Muller-Quoy (LREM) par le Conseil constitutionnel. Son suppléant, Michel Alexeef, avait été déclaré inéligible car il était président du conseil de prud'hommes de Pontoise jusqu'au 31 janvier 2017.
Pour LR, l'enjeu est de taille. Selon Antoine Savignat, ces législatives sont "une chance de plus de démontrer que sur les élections locales, [les LR sont] bien plus implantés que les autres". Il espère tirer son épingle du jeu grâce à la forte présence de ses militants sur le terrain et son ancrage local même s'il s'attend à "une participation catastrophique". Le député LR se veut optimiste mais prudent. "Je pense qu'on a deux ou trois circonscriptions prenables avec des candidats élus locaux, soutenus par les maires", estime-t-il tout en refusant de donner des noms.
Face à lui, l'avocate Emilie Chandler, candidate de la majorité, brigue son premier mandat. Elle a une forte expérience des élections professionnelles puisqu'elle a été présidente de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats et qu'elle est membre du Conseil national des barreaux. Pour la candidate Ensemble, son manque d'expérience politique "n'est pas un critère discriminant". "L'accueil des gens me confirme que pour eux ce n'est pas une difficulté et que c'est plus facile d'évoquer les sujets concrets avec quelqu'un qui vient de la société civile", note-t-elle.
Le député sortant est régulièrement accusé d'avoir été absent de sa circonscription depuis son élection. "Les gens me disaient qu'ils ne connaissaient pas leur député, qu'ils ne le voyaient pas", rapporte Emilie Chandler. Antoine Savignat se défend et met cette absence sur le dos de la crise sanitaire. "En termes de présence sur le terrain, c'était un mandat extrêmement compliqué. [...] Pendant deux ans, il ne s'est rien passé. [...] Mais j'ai répondu à toutes les sollicitations, avec plus ou moins de succès."
Quant à ses adversaires, il les balaie d'un revers de main. Leila Ivorra, la candidate de 26 ans investie par la Nupes ? "Elle n'est pas de la circonscription. Et son parcours médiatique n'est pas forcément glorieux [Leila Ivorra avait propagé une fausse rumeur faisant état d'un blessé grave lors de l'évacuation de l'université Tolbiac en 2018 et a reconnu avoir menti, Ndlr]." Pourrait-il être mis en danger par la candidate de la majorité ? "La différence entre elle et moi, c'est qu'elle a découvert la circonscription il y a trois semaines. Moi j'ai toujours vécu ici, c'est un territoire que je connais par coeur", tacle Antoine Savignat.
Emilie Chandler lui oppose "l'accessibilité", "la conciliation plutôt que le conflit", et le dialogue. Elle souhaite par exemple "mettre en place une permanence itinérante". Une proposition déjà critiquée par Antoine Savignat. "Faire des permanences en mairie, ça ne fonctionne plus, les gens ne viennent pas. [...] Si elle avait voulu le faire, elle aurait fait vingt réunions publiques pendant la campagne. Moi je l'ai fait", souligne-t-il.
Les 9 candidats dans la 1ère circonscription sont : Antoine Savignat (Les Républicains), Sandrine Barbier (Ecologistes), Barbara Géhan (Divers extrême gauche), Erwan Attagnant (Reconquête !), Emilie Chandler (Ensemble ! - Majorité présidentielle), Philippe Pierre (Rassemblement National), Lionel Lessaint (Droite souverainiste), Leïla Ivorra (Nouvelle union populaire écologique et sociale), Albert Lapeyre (Ecologistes).
8e circonscription : probable duel entre l'indétrônable François Pupponi et le jeune candidat de la Nupes Carlos Martens Bilongo
En 2017, François Pupponi, alors apparenté PS, avait renouvelé sa mandature dans la 8e circonscription du Val-d'Oise (Garges-lès-Gonesse Est, Garges-lès-Gonesse Ouest, Sarcelles Nord-Est, Villiers-le-Bel). Désormais candidat sous l'étiquette de la majorité pour un 4e mandat, il pourrait bien voir Carlos Martens Bilongo, le candidat investi par la Nupes, lui ravir la circonscription.
Habitant de toujours de Villiers-le-Bel, Carlos Martens Bilongo est enseignant en économie et en droit au Lycée Alexandre Dumas. Il a fait de la précarité son combat. "Villiers-le-Bel et Sarcelles font partie des villes les plus pauvres de France. Il y a des familles qui souffrent, qui ont du mal à payer leurs factures", constate Carlos Martens Bilongo pour qui le programme de la Nupes offre des solutions. "La promesse de SMIC à 1 500 euros répondra aux attentes des habitants, la retraite à 60 ans également. [...] On a aussi besoin de la garantie autonomie à 1063 euros pour que les jeunes puissent aller à l'école sans avoir à travailler à côté", énumère le candidat de 31 ans. Selon François Pupponi, "la précarité n'est pas la faute du président de la République". "En tant qu'élu de banlieue, je n'ai rien à reprocher au mandat et au bilan d'Emmanuel Macron dans les cinq ans qui se sont écoulés", ajoute-t-il.
Dans cette circonscription, des villes comme Villiers-le-Bel ont placé Jean-Luc Mélenchon en tête avec 54% des voix, ou Garges (62%). Mais au 2e tour des législatives, l'abstention a atteint 69% dans la 8e circonscription. De quoi attiser les craintes du candidat de la Nupes. "Avec une abstention trop haute, c'est la porte ouverte à avoir des députés Rassemblement national ou Reconquête", redoute-t-il. Carlos Martens Bilongo accuse aussi le député sortant de vouloir "une forte abstention pour être sûr d'être au second tour". "C'est un déni de démocratie", s'insurge-t-il.
A deux jours du premier tour, François Pupponi se dit "serein" et compte sur son expérience dans la circonscription pour finir de convaincre les électeurs. S'il a "conscience de la difficulté" compte tenu du score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, et qu'il pense que "l'abstention sera plus importante qu'en 2017", il estime aussi avoir été "quasiment le seul à faire campagne". En janvier 2022, François Pupponi a été condamné à 5 000 euros d'amende pour abus de biens sociaux et a fait appel. Ses récents démêlés avec la justice auront-ils une influence sur le vote des électeurs ?
En tout cas, l'ancien maire de Sarcelles (1997-2017) compte sur son expérience pour convaincre les habitants. "Cette circonscription a besoin d'un député expérimenté qui entretient de bonnes relations avec les institutions plutôt qu'un député de la Nupes qui soit en conflit ouvert avec le gouvernement et qui n'a aucune expérience", assène-t-il. "Ces villes ne sont pas riches donc si l'État n'est pas là pour aider ces territoires, on ne peut pas y arriver", ajoute-t-il.
Carlos Martens Bilongo reproche au député sortant d'avoir certes "enchaîné beaucoup de mandats" mais de "ne présenter aucun programme". "C'est une majorité présidentielle, c'est tout. En 2017, il a gagné avec l'étiquette PS. Il a trahi la circonscription. Il a volé la circonscription à la gauche pour la donner à la droite. On va se battre pour récupérer la circonscription à gauche."
Dans la 8e circonscription, les 13 candidats sont : Zaki Amani (Divers), Véronique Mérienne (Rassemblement National), Muriel Gautherin (Reconquête !), Rémi Gajdos (Divers extrême gauche), Haissata Camara (Divers gauche), Carlos Martens Bilongo (Nouvelle union populaire écologique et sociale), Shaïstah Raja (Divers gauche), Marina Prudhomme (Ecologistes), François Pupponi (Ensemble ! - Majorité présidentielle), Farouk Zaoui (Divers gauche), Patrick Angrevier (Union des Démocrates et des Indépendants), Daniel Auguste (Divers gauche), Efatt Toor (Divers gauche).
Nathalie Elimas : la dissidente qui soutient toujours Emmanuel Macron dans la 6e circonscription
Dans la 6e circonscription (Enghien-les-Bains, Saint-Gratien, Sannois, Soisy-sous-Montmorency), une candidature retient l'attention. Celle de Nathalie Elimas, la députée sortante. Mais celle qui avait été élue sous l'étiquette LREM en 2017 n'a pas été investie par la majorité présidentielle en 2022. Elle lui a préféré Estelle Folest.
Le 5 mars dernier, Nathalie Elimas, alors secrétaire d'Etat chargée de l'Education prioritaire, avait été contrainte de quitter le gouvernement. Elle était alors visée par une enquête administrative pour harcèlement moral. "Il n'y a aucune plainte déposée contre moi, je n'ai pas été convoquée par le procureur ni par le commissariat", rappelle celle qui parle d'un "procès médiatique".
La dissidente s'estime davantage légitime qu'Estelle Folest. "J'habite le Val-d'Oise depuis toujours", fait remarquer la députée qui "reproche à la majorité d'avoir parachuté une candidature parisienne, qui n'habite pas le Val-d'Oise". Selon elle, la candidate choisie par la majorité "a un positionnement qui ne correspond en rien à celui de la 6e circonscription du Val-d'Oise qui est une circonscription de centre droit." Estelle Folest, chevènementiste, a figuré sur une liste conduite par le PS lors des régionales de 2010.
Nathalie Elimas ne comprend toujours pas pourquoi elle n'a pas été choisie pour l'investiture de la majorité dans la 6e circonscription. Elle penche pour "un règlement de compte en interne, déconnecté de l'intérêt du territoire". Mais cela ne l'empêche pas de rester fidèle à Emmanuel Macron. "Si je suis réélue, il n'y a pas l'ombre d'un doute, je siégerai dans la majorité présidentielle", affirme-t-elle.
Dans la 6e circonscription, les 9 candidats sont : Anaïs Ferdel (Reconquête !), Samir Lassoued (Divers gauche), Annika Bruna (Rassemblement National), Gabrielle Cathala (Nouvelle union populaire écologique et sociale), Agnès Reinmann (Divers extrême gauche), Philippe Demarquez (Ecologistes), Nicolas Flament (Les Républicains), Nathalie Elimas (Divers centre) et Estelle Folest (Ensemble ! - Majorité présidentielle).
Retrouvez l'ensemble des candidats aux législatives 2022 dans le Val-d'Oise sur le site du ministère de l'Intérieur.