Pour remettre au travail des personnes très éloignées de l'emploi, le dispositif "Territoire Zéro chômeurs de longue durée" permet à des entreprises de l'économie sociale et solidaire d'embaucher en CDI des chômeurs longue durée. Exemple dans le Val d'Oise rural, à Bouffémont, l'un des six territoires d'expérimentation en Île de France.
Vincent Girard, 55 ans, redonne vie à des vélos donnés ou abandonnés, dans les ateliers flambant neufs de son nouvel employeur "BAM emplois services". "Regardez, ce vélo inutile ce matin fonctionnera parfaitement ce soir, ça fera le bonheur de quelqu'un qui le paiera 3 ou 4 fois moins cher que s'il avait acheté neuf."
Après des années au chômage, Vincent Girard retrouve du sens à ses journées, une fierté et un salaire. Comme Sandrine, sa nouvelle collègue, il a signé un CDI en juin dernier, payé au SMIC, après des années passées à la maison, au RSA. "Un mois plus tard quand on a reçu notre premier bulletin de salaire, on a applaudi", raconte le quinquagénaire des étoiles dans les yeux. "Parce que cette entreprise, pour l'avoir, on a travaillé"
L'aventure est en effet assez unique. Moins de 50 entreprises à but d'emploi, EBE, existent en France. Leur vocation n'est pas de gagner de l'argent mais de créer des emplois supplémentaires sur un territoire donné, sans faire concurrence aux emplois locaux du secteur classique. "BAM emplois services" la première entreprise à but d'emploi dans le Val-d'Oise a déjà embauché 35 chômeurs longue durée.
Bouffémont-Attainville-Moisselles, "Territoire zéro chômeurs de longue durée"
En 2017, quatre citoyens de Bouffémont créent une association "Territoire zéro chômeurs de longue durée", un concept qui vient alors tout juste d'être lancé en France. Ils rassemblent autour d'eux des habitants très éloignés de l'emploi vivant exclusivement sur les communes de Bouffémont, Attainville, Moisselle.
Agés de 50 ans en moyenne, parfois sans permis de conduire, avec des carrières très hachées, parents solo ou travailleurs handicapés, ces Valdoisiens ne trouvent pas d'emploi. Certains ont même arrêté de chercher, comme Vincent Girard, écœuré par le monde du travail.
Mais l'aventure collective, dans laquelle chacun apporte son envie, sa force et sa compétence, motive les créateurs de l'association "Territoire zéro chômeurs de longue durée", En 2019, ils montent une Ressourcerie. Les bénévoles vont récupérer des meubles, de l'électroménager, des vélos usagés pour les réparer gratuitement et les revendre dans une boutique à Bouffémont. En 3 ans, 300 tonnes de matière première, sont ainsi récupérées pour être recyclées ou les réemployées. "On répond à une vraie demande" souligne Sabine, l'une des bénévoles devenues salariée, "sans empiéter sur des activités d'autres entreprises".
Entreprise à but d'emploi : 35 embauches en 6 mois
En juin dernier, l'association obtient l'agrément pour se transformer en Entreprise à but d'emploi. Elle embauche 21 salariés, payés au SMIC. Parmi eux, Amina Banjelloun Tuimy, 63 ans. Après des années à travailler dans l'informatique, puis auto-entrepreneuse dans le bijou, elle tombe au RSA. Depuis juin, en passant au SMIC, elle a multiplié ses revenus par trois. "Je vais avoir un logement, alors qu'avant, j'en partageais un avec une amie car je n'avais pas assez d'argent pour vivre seule."
Je peux enfin faire plaisir à mes enfants, sortir, faire des petites économies, retrouver un équilibre familial
Amina, salariée en CDI
Mais ce qui la réjouit par dessus tout, c'est qu'elle s'épanouit. Dans l'entreprise, tous sont relativement polyvalents, mais chacun se spécialise dans ce qui lui plait. Amina a un faible pour le cuir. Elle déhousse des vieux canapés pour en faire de jolies chaises qu'un client a commandé. Elle travaille lentement, mais avec passion.
Le SMIC, plutôt que les minima sociaux
"BAM emplois services" a embauché 21 bénévoles comme salariés en juin 2022. Elle en compte aujourd'hui 35 et vise les 50 en 2024. C'est l'Etat et le département du Val d'Oise qui payent les salaires. "Le calcul est simple : un chômeur revient en moyenne à 18 000 euros par an à la société", explique Jean Duvassay, directeur de l'entreprise. Le payer au SMIC coûte environ 24 000 euros. C'est un peu plus cher. Mais un salarié consomme, paye la TVA et cotise pour les retraites. En plus, il peut aussi avoir des problème de santé en moins. Donc pour l'Etat, au final, mieux vaut payer des gens à travailler qu'à rester chez eux."
Bam Emploi Service doit encore faire ses preuves. Avec ses activités de ressourcerie, de conciergerie, (petits travaux chez les particuliers ou dans des entreprises) et d'animation d'ateliers sur le réemploi, la structure n'arrive pas encore à payer ses charge, loyer, chauffage ou l'essence.
L'aventure ne fait donc que commencer, et demande un soutien politique comme par exemple des commandes pour des collectivités territoriales. Tout un chacun peut également se montrer solidaire en achetant dans les boutiques de la place Vauban à Bouffémont. Car l'expérimentation est financée pour 5 ans, afin de montrer que cette nouvelle entreprise de l'économie sociale et solidaire est viable.
Sur les 400 chômeurs longue durée recensés sur le territoire, l'entreprise espère que la moitié pourront passer dans ses locaux. Car le but est aussi de servir de tremplin pour aller des entreprises plus classiques.