Une patiente de 66 ans décède après 10 heures d'attente aux urgences, ses enfants portent plainte

Josiane Desruels, 66 ans, est décédée jeudi 8 février aux urgences de l'Hôpital Simone Veil d'Eaubonne dans le Val-d'Oise. Admise vers minuit parce que ses jambes avaient doublé de volume et qu'elle avait du mal à respirer, elle a attendu plus de 10 heures avant d'être vue par un médecin. A 11h40, ses enfants apprennent qu'elle est décédée. Ils ont déposé plainte pour ''non-assistance à personne en danger".

Josiane Desruels était une retraitée indépendante. A 66 ans, elle vivait seule, conduisait, faisait ses courses. Côté santé, elle était suivie pour hypertension et asthme. "Rien de plus", précise sa fille Nelly qui a l'impression de vivre un cauchemar dont elle aimerait se réveiller.

Début décembre, la sexagénaire fait une chute et se casse le bras. Son fils l'emmène aux urgences de l'Hôpital Simone Veil d'Eaubonne. "Elle ressort avec une attelle, mais aucune ordonnance pour des antalgiques ou rendez-vous de contrôle" s'étonne sa fille, encore choquée de voir les brancards s'entasser dans les couloirs. 

Fin décembre, la dame, qui ne peut pas s'appuyer sur son bras, n'arrive plus à se lever de sa chaise.  Elle appelle son fils, qui découvre que ses jambes ont doublé de volume. Sa mère se plaint aussi d'avoir du mal à respirer. Comme elle n'arrive pas à aller jusqu'à la voiture, il appelle le SAMU. "Cela doit être un problème cardiaque" explique le médecin régulateur. Les pompiers confirment, son pouls est très bas. Ils l'emmènent à nouveau aux urgences de l'Hôpital Simone Veil d'Eaubonne. 

Un antalgique en 10 heures d'attente 

Arrivée 30 minutes plus tard, sa fille la découvre dans un couloir où les patients sont alignés et séparés par des mini-cloisons. Sa mère se plaint de fortes douleurs au ventre et reçoit du Tramadol (antalgique de la classe des opioïdes), sans avoir vu de médecin. "C'est le seul soin qu'elle ait eu en dix heures d'attente" dénonce Nelly Desruels. "Quand j'ai demandé à l'infirmier s'il avait une idée de la pathologie de ma maman, il m'a dit qu'il n'était 'pas devin', et qu'il ne pouvait 'pas voir à l'intérieur du sang' de ma mère. Mais personne n'est venu lui faire une prise de sang ou prendre ses constantes". 

A 11h, une infirmière l'emmène dans un box médical. A 11h40, un médecin annonce à ses enfants qu'elle est décédée. Elle aurait fait un arrêt cardiaque et les soignants auraient tenté de la réanimer durant 40 minutes, sans succès. "Pourquoi vous ne l'avez pas prise en charge avant ? leur demande sa fille. On était débordé", aurait répondu le corps médical.

Effectivement, l'Hôpital d'Eaubonne qui "partage l’émotion de la famille à qui il adresse ses sincères condoléances" explique dans un communiqué de presse publié ce soir :  l'équipe a dû "dû gérer plusieurs urgences vitales en simultanée dans les services d’hospitalisation dans la nuit de mercredi à jeudi, ce qui a monopolisé une partie des effectifs médicaux sur ces situations pendant la nuit". "La patiente ne présentait pas de signes de gravité à son arrivée nécessitant une priorisation de prise en charge. Ses constantes ont été réalisées et tracées régulièrement."

Nelly Desruels a déposé plainte pour "non-assistance à personne en danger" à la gendarmerie de Roissy-en-France. Ce lundi 12 février, avec ses 3 frères et sœurs, elle est retournée aux urgences pour avoir le dossier médical, afin de comprendre les raisons du décès. La famille est ressortie abattue et en colère, sans aucune information. On leur a demandé d'attendre au moins 8 jours avant d'avoir le dossier. 

Plusieurs dépôts de plaintes après des décès à l'Hôpital Simone Veil d'Eaubonne

Miloud Mélouki, 75 ans, Josette Carlier et Matilde Iodice 83 ans, tous les trois sont morts fin 2022-début 2023 quelques jours après leur passage aux urgences. 

Miloud Mélouki y est entré en décembre 2022 pour détresse respiratoire. "Il sifflait un peu quand il respirait", explique sa fille Bakhta Mélouki. L'infirmière qui le suivait pour son diabète nous a conseillés de l'amener aux urgences. Je suis persuadée qu'il serait encore en vie s'il n'y avait pas été. On nous  a interdit de le voir pendant les 36 heures qu'il a passées sur un brancard à attendre. Il est entré en marchant et en parlant. Il en est ressorti dans une sorte de coma et ne s'est jamais réveillé. Il est décédé quelques jours plus tard dans l'Unite de gériatrie aiguë.

La famille Melouki a porté plainte au commissariat d'Ermont. Tout comme Marie-Pierre Mazzagio qui a suivi les conseils d'un soignant des urgences :

Portez plainte Madame, pour que cela fasse bouger les choses

Marie-Pierre Mazzaggio rapportant les propos d'un soignant de l'Hôpital Simone Veil

Sa mère, Josette Carlier, est décédée 15 jours après son passage aux urgences. "Allongée sur un brancard, sans nourriture ni change, elle a vu un premier médecin au bout de 19h puis a dû attendre un transfert. Au total, elle a passé 44h, délaissée, aux urgences." Faute de place à l'hôpital, elle a été renvoyée dans son Ehpad où elle a refusé de s'alimenter. Elle est décédée 15 jours plus tard. 

Marie-Pierre Mazzaggio a déposé plainte pour négligences ayant entraîné la mort. Elle a dû se battre des semaines durant, faire intervenir le ministre de la Santé, alors Olivier Véran, pour obtenir le dossier médical. Le parquet de Pontoise a clos l'enquête faute de preuves. Mais Marie-Pierre Mazzaggio ne veut pas en rester là. Elle a monté un groupe Facebook "Hôpital : l'Etat d'Urgences" pour partager des informations entre victimes. Elle affirme avoir été contactée par au moins cinq proches de personnes décédées aux urgences, ou juste après leur passage aux urgences de l'Hôpital Simone Veil, trois il y a un an, deux autres lors d'affaires plus anciennes. 

Dans son communiqué de presse, l'Hôpital d'Eaubonne écrit n'être au courant que d'une seule plainte contre son service d'urgences, qui reçoit 53 000 aultes par an et mène des "actions d’amélioration continue".

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