"Ce que nous attendons du procès de Sid-Ahmed Ghlam, c'est qu'il avoue le meurtre d'Aurélie Châtelain, notre fille"

Les parents de la jeune femme attendent ce procès depuis 5 ans. Le 19 avril 2015, leur fille, Aurélie était assassinée à Villejuif. Sid-Ahmed Ghlam, l'auteur présumé comparaît à partir d’aujourd’hui devant la cour d’Assises spéciale pour ce meurtre et l’attentat déjoué de l’église de Villejuif.

Sid-Ahmed Ghlam est jugé à partir d’aujourd’hui lundi 5 octobre devant la cour d’Assises spéciale à Paris avec neuf autres inculpés. Deux sont absents. L'ex-étudiant algérien, fiché S pour radicalisation islamiste, est accusé d’avoir tué Aurélie Châtelain, une jeune femme de 32 et d'avoir projeté un attentat contre une église en avril 2015 à Villejuif dans le Val-de-Marne. Son procès doit durer jusqu’au 6 novembre prochain. Aujourd'hui âgé de 29 ans, Sid-Ahmed Ghlam, détenu depuis 2015, comparaît  pour "assassinat et tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste criminelle".

Le meurtre d’Aurélie Châtelain le 19 avril 2015

Aurélie Châtelain, originaire de Caudry dans le Nord, professeure de fitness de 32 ans et mère d'une petite fille de 4 ans a été abattue dans sa voiture, dans un garage à Villejuif, là même où Sid-Ahmed Ghlam préparait son assaut selon l'accusation.

Sid-Ahmed Ghlam nie le meurtre de la jeune femme. Selon lui, elle aurait été tuée accidentellement par "un mystérieux complice" dont il est le seul à évoquer l'existence. Une thèse peu crédible selon les enquêteurs. "Le coup mortel ayant atteint Aurélie Châtelain ne peut résulter d'un tir accidentel", ont estimé les experts ayant effectué les examens médico-balistiques. L'enquête a par ailleurs établi que c’est la même arme qui a tué Aurélie Châtelain et blessé Sid-Ahmed Ghlam à la jambe.

L’attentat déjoué contre l’église de Villejuif le 19 avril 2015

Sid-Ahmed Ghlam est également accusé d'avoir voulu attaquer ce même 19 avril 2015 une église de Villejuif à l'heure de la messe dominicale, cela quelques mois après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher.

Le jeune homme conteste les accusations portées contre lui. Il affirme avoir renoncé à son projet d'attentat et avoir appelé les secours après s'être tiré volontairement une balle dans la jambe. Encore une fois, cette version des faits n’a pas convaincu les enquêteurs. "La thèse selon laquelle Sid-Ahmed Ghlam se serait tiré volontairement une balle dans la jambe apparaît d'autant moins crédible à l'analyse du comportement qu'il a observé avant de contacter les services du Samu", ont conclu les enquêteurs. Selon eux, l'accusé se serait blessé accidentellement en manipulant son arme.

Quelques jours avant l’ouverture du procès, Maître Gilles Jean Portejoie, l’avocat de Sid-Ahmed Ghlam a déclaré que son client était "serein, déterminé, impatient. Il est à l’isolement depuis 5 ans et il a envie de s’expliquer. Il assume parfaitement la phase préparatoire. Concernant Aurélie Châtelain, il conteste. Il dit que ce n’est pas lui. C’est une 2e personne. Il était présent mais le répète, ce n’est pas lui". Et de poursuivre : "Concernant l’attaque de Villejuif, il a toujours dit qu’il n’a pas voulu commettre un carnage. Au dernier moment, il s’est dit qu’il ne voulait pas le faire et a décidé de se tirer une balle. Il s’est mutilé délibérément. Il est très clair, Sid Ahmed Ghlam dit avoir été ensorcellé. "

"Ensorcelé par l’Etat islamique"

Au cours de l'enquête, Sid-Ahmed Ghlam affirme avoir été "ensorcelé" au cours de plusieurs séjours en Turquie. Il a reconnu avoir été téléguidé par le groupe État islamique (EI). Les policiers, de leur côté, ont décrypté ses échanges avec deux donneurs d'ordre de l'EI, "Abou Mouthana" et "Amirouche". Ces deux hommes lui auraient demandé de trouver "une bonne église avec du monde". Même s'ils sont présumés morts en zone irako-syrienne, ces deux hommes comptent parmi les dix accusés et sont renvoyés pour "complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat par instruction" et "association de malfaiteurs criminelle".

Les autres accusés, dont cinq comparaîtront détenus, sont soupçonnés d'avoir fourni du matériel ou des armes à Sid-Ahmed Ghlam. Deux des accusés, sous contrôle judiciaire, comparaîtront libres devant la cour d'assises.

Les parents et le beau père d’Aurélie Châtelain savent que les semaines de ce procès qui s’ouvre seront longues et difficiles. Ils se sont confiés à Aude Blacher, journaliste à France 3 Île-de-France au cours d’un long entretien.   

Comment vivez-vous depuis 5 ans ?
Marie-Evelyne Lerouge, la mère d'Aurélie : On survit, on ne vit plus comme avant, non. La vie ne sera plus jamais comme avant. C’est dans les bons moments que c’est le plus difficile car je me dis, elle n’est pas là. Dans les fêtes que l’on fait, elle aurait dansé. Il n’y a plus jamais de bons moments, trop durs à vivre. Je ne connaissais pas cette douleur-là, celle de perdre un enfant. C’est la pire des choses. La pire.

Jean-Luc Châtelain, le père d'Aurélie : Depuis 5 ans, c’est très dur. On ne peut pas l’oublier, tous les jours on y pense. On essaye de s’occuper un maximum. Aurélie sera toujours là de toute façon. On a beau faire ce qu’on veut, on a beau faire des repas, danser, Aurélie sera toujours présente. Et même quand on se sent bien, on se sent responsable et coupable. On ne peut pas être heureux alors qu’elle n’est plus là. C’est dur en permanence. Pour notre petite-fille, c’est aussi très dur de savoir que sa maman n’est plus là. Elle a perdu sa mère il y a 5 ans. Elle nous en parle de plus en plus. On voit bien que sa mère lui manque. Nous n’avons pas une vie normale. On ne peut pas être heureux à 100 %, ce n’est pas possible.

Pouvez-vous nous parler d'Aurélie ?
Michel Lerouge, le beau-père d’Aurélie : Aurélie, elle était un pilier de la famille, de deux familles recomposées. C’était l’aînée. Et tout le monde était autour d’elle. Elle était disponible pour tout le monde. Aurélie, c’était quelqu’un de plein de vie, toujours de bonne humeur, un sourire éclatant. Sa mort a brisé deux familles.

Comment avez-vous appris la mort de votre fille ?

Le brigadier est arrivé avec une dame de la mairie. Je leur ai dit d’entrer. Ils n’ont rien dit mais j’ai compris, dans leurs yeux… 

Marie-Evelyne Lerouge, mère d'Aurélie

Marie-Evelyne Lerouge : Le dimanche, j’étais là, dehors, il faisait beau. Le brigadier est arrivé avec une dame de la mairie que je connais bien. Je me demandais ce qu’ils venaient faire. C’est bien ici chez Aurélie ? m’ont-ils demandé. J’ai dit oui. Je leur ai dit d’entrer. Ils n’ont rien dit mais j’ai compris, dans leurs yeux… Après, il a fallu attendre plusieurs jours pour savoir que c’était un crime. On ne savait rien

Jean-Luc Châtelain : Moi, quand j’ai appris le décès de ma fille, j’étais en déplacement. Son ex-compagnon m’a annoncé la nouvelle de sa mort par téléphone. Je n’ai pas voulu comprendre ce qu’il me disait. Je comprenais mais je lui ai fait répéter plusieurs fois en me disant il se trompe. Une partie de mon cœur est partie. Mais on a d’autres enfants, d’autres petits-enfants et il faut qu’on soit forts pour eux, que l’on essaye de les encadrer.

Michel Lerouge : Pour nous, c’était complétement irréel. Déjà, le fait qu’Aurélie ait été tuée par balle, on n’a pas compris. Une fille si gentille. On n’a pas compris et on ne comprend toujours pas d’ailleurs. Pourquoi c’est arrivé à elle ? Quelque part ça nous réconforte qu’elle ait sauvé d’autres vies mais elle a perdu la sienne.

Qu’attendez-vous du procès ?
Marie-Evelyne Lerouge : Ce sont les 5 ou 10 dernières minutes de la vie de ma fille qui sont dans ma tête. Ce qu’elle a ressenti, ce qu’elle a imaginé. J’y pense continuellement. Tous les jours. Quand je me couche, je vois son regard. Je voudrais savoir comment cela s’est passé. Je regarde la télévision, je prends des somnifères pour m’endormir mais tous les jours c’est ça. Si le meurtrier de ma fille pouvait me dire comment ça s’est passé ? Mais comment le croire ?

Elle était assise dans la voiture avec son ordinateur. Elle n’a pas eu le temps de partir. Il est arrivé tout de suite sur elle. Contre une arme, on ne peut rien faire.
Quand on voit quelqu’un arriver avec un revolver, on se protège avec ses bras. Si elle n’avait pas soulevé son bras pour se protéger, elle aurait peut-être été sauvée. Elle a eu peur. Cela signifie qu’elle a vu son agresseur. Imaginez ce qu’elle a ressenti. A la fin de sa vie, à 30 ans.

 

Ce que l’on veut, c’est la peine maximum

Michel Lerouge, beau père d'Aurélie


Michel Lerouge : Ce que l’on veut, c’est la peine maximum. On espère qu’au cours du procès Ghlam parler Qu’il nous dise des vérités. On voudrait savoir si elle a vu quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir. Il préparait peut-être son attentat, ses armes. On sait qu’il avait un gilet pare-balles. Et Aurélie était au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle l’a vu. Je pense que c’est comme ça que ça s’est passé. Comme c’était sa première victime du jour, il l’a tuée de sang-froid.  Il l’a tuée, c'est tout. Maintenant, il va falloir qu’il prouve qu’il s’est mis une balle volontairement. Et là il se moque de nous.

Sid Ahmed Ghlam est jugé avec 7 autres personnes. On sait qu’il y a toute une logistique. Tous ces gens-là sont des receleurs, des gens qui vendent des armes, des voitures, des papiers. Et qui méritent la même peine que lui. 
Ce que l’on veut, c’est la peine maximum. Mais quand on dit perpétuité, on n’est pas sûr qu’il fasse toute sa vie en prison. Tout ce qu’on craint c’est qu’il sorte et qu’il recommence en fait.
 
Après ce qu'il s’est passé à Charlie Hebdo et à l’hyper cacher,  il y a quand même eu un laissé aller. On n’attend pas qu’il y ait des meurtres ou des attentats pour faire quelque chose. C’est comme certaines rues dans les villes, on attend qu’il y ait trois personnes d’écrasées pour mettre un stop. C’est un peu ça. L’état a attendu de voir s’il se passait quelque chose. Si l’Etat avait fait ce qu’il y avait à faire, Aurélie serait encore avec nous aujourd’hui.

A Villejuif, beaucoup de gens qui nous ont dit : « on comprend votre douleur. On était à l’église. Si votre fille n’avait pas été là, on ne serait pas là. » Ca ne nous rendra pas notre fille. On aimerait que ce terroriste avoue pour savoir ce qu’il s’est réellement passé. Nous demandons la perpétuité pour Ghlam. Pareil pour les autres. Ce ne sont pas des gens à laisser sortir.


Jean-Luc Châtelain : On attend le procès depuis 5 ans et demi. C’est très long, on ne pensait pas que ce serait aussi long. On va apprendre des choses, entendre des gens. Ça va être très dur aussi.

Il s’est fait une bulle en disant que c’était lui qui a sauvé Villejuif. On veut savoir comment ça s’est passé, comment il a tué Aurélie, savoir si elle a souffert, si elle a eu le temps de voir ce qui s’est passé. On attend ça en sachant qu’on n’aura pas cette réponse. C’est ce que disent notre avocat et le juge Teissier : "de toute façon, il n’avouera pas. Il s’est fait sa bulle, ça y est c’est terminé". Cette vérité on ne l’aura jamais. 

Comme il était fiché S, qu’il avait déjà été en Turquie, on savait très bien qu’il préparait quelque chose. J’en veux à l’Etat d’avoir laissé cette personne sur le territoire français en sachant qu’un jour ou l’autre, il ferait un attentat, c’était sûr. Il aurait dû être un peu plus surveillé.

 
Vous avez rencontré Sid Ahmed Ghlam lors de la reconstitution en 2016. Qu’a t’il dit ?
Michel Lerouge : Il met le crime d’Aurélie sur le dos d’un autre. Comme cela, lui se lave de tout. C’est vrai qu’il s’apprêtait à commettre un attentat mais ça s’est passé différemment. C’est même grâce à lui qu’on a pu sauver des vies, sauver des gens de ce massacre. En fait, il avait projeté de s’attaquer à une église mais c’est pas tout. Il allait aussi s’en prendre à un train. Il allait faire un maximum de victimes.

Jean-Luc Châtelain : On a assisté à la reconstitution en 2016. On a découvert ce terroriste, le meurtrier "présumé" de ma fille mais pour moi, c’est lui qui a tué ma fille et c’est très dur de le voir en face, d’être proche de lui, peut-être plus près que de vous en ce moment même. Plein de choses vous passent dans la tête. Il faut quand même rester calme et serein. J’ai vu ce regard vide, fuyant. J’essayais de le dévisager au maximum. Mais on voit que c’est quelqu’un de lâche. On a peut-être passé quatre heures comme ça, à le regarder, lui. 










 
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