La caravane "Tous aidants" fait escale dans le Val-de-Marne. Objectif, rencontrer et accompagner des aidants de personnes handicapées ou dépendantes. Des hommes ou des femmes souvent isolés et épuisés par leurs taches.
"J'aimerais bien que quelqu'un puisse sortir ma femme de notre maison. Elle aime danser par exemple. Il faudrait quelqu'un l'accompagne, parce que moi, je ne peux plus le faire. J'ai trop à faire et de la voir diminuer comme ça : c'est dur ! "
Peu de signes extérieurs laissent deviner le handicap d'Évelyne, 73 ans, qui se tient toute droite à côté de son mari Camille, également septuagénaire. Évelyne souffre de cécité visuelle, un "glaucome", explique son mari. "Et elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Mais aujourd'hui, ça va ! Elle a bien dormi."
Voilà huit ans que Camille s'occupe à temps plein de sa femme malgré ses maladies. "Elle est en forme physique (...) elle aime sortir, mais avec tout ça qui a à faire, c'est épuisant ! "
Sous l'un des auvents dressés à proximité de la caravane bleue et grise de l'association la "Compagnie des Aidants", ce couple de Cachan vient de passer 3/4 d'heure à écouter les conseils d'une assistante sociale. "Je souhaiterais aussi qu'une assistante sociale vienne à la maison, pour tous les papiers à gérer", explique Camille.
Écouter, évaluer chaque situation familiale, orienter les personnes vers des associations, des ressources spécialisées, ce sont les objectifs de cette caravane "Tous aidants" qui sillonne les routes de France depuis juin dernier. Pendant deux jours jusqu'à vendredi, la caravane fait étape à Cachan dans le Val-de-Marne, place de l'hôtel de Ville et le 23 et 24 septembre prochain, ce sera à Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine.
"Les aidants ignorent qu'ils le sont"
Dans cette caravane, "il y a deux assistances sociales présentes et des partenaires locaux. Aujourd'hui à Cachan, des représentants du C.C.A.S, du Centre communal d'action sociale, mais aussi par exemple des responsables de structures d'hébergement pour personnes âgées", détaille Régine, assistante sociale en libéral. "On rencontre ici toute sorte de profil d'aidant."
Elles aident un proche sans demander de l'aide
Anaïs Widmann, responsable de la caravane "Tous aidants"
Selon la "compagnie des Aidants" qui organise depuis sept ans la tournée de cette caravane, 50 % des aidants accompagnent un proche dépendant (dû à la vieillesse), 38 %, un proche malade (maladie chronique ou invalidante), 25 %, un proche en situation de handicap. La majorité des aidants sont des femmes. Et sur les 11 millions de personnes aidantes en France, la moitié ignore qu'elles le sont, estime l'association. "On considère que la personne est aidante quand elle réalise des actions qui ont des conséquences lourdes sur sa propre vie, qu'elle n'a plus de temps libre", précise Anaïs Widmann responsable de la caravane.
"Elle ne peut plus pratiquement rien faire toute seule"
Bertrand, 58 ans, résident à Cachan, ne s'absente guère plus de deux jours de chez lui. Il quitte son domicile quand des parents ou des voisins sont présents dans sa maison. Sa femme, Hélène, 56 ans, est handicapée à 80 %, amputée d'une jambe. "Elle ne peut plus pratiquement rien faire toute seule", explique-t-il.
"J'ai une profession, patient expert en addictologie. J'interviens par exemple en milieu hospitalier, mais je ne peux pas complètement l'exercer vu l'état de ma femme. Elle est beaucoup au lit. Dans notre chambre au 1er étage de notre maison. Il y a 14 marches. Je reste plus à la maison, car j'ai beaucoup d'obligations : m'occuper d'elle, l'emmener chez le docteur, faire les papiers, faire les courses, le ménage… La priorité, c'est ma femme". Bertrand est à la recherche d'une aide administrative qui soulagerait grandement son quotidien.
"Quand on constitue un dossier, une demande d'aide, c'est parfois complexe à remplir. II faut cocher les bonnes cases, il faut savoir identifier les aides que l'on veut", reconnaît Régine, l'assistance sociale présente sur la caravane. "Et puis, il y a la lenteur administrative. Le traitement d'un dossier déposé auprès de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées. Ça peut prendre entre 6 à 12 mois. Un dossier de demande d'APA, d'allocation personnalisée d'autonomie, c'est deux mois et quand on est dans l'urgence. Deux mois, c'est très long (...) on rencontre des personnes aidantes qui sont complètement perdues", déplore-t-elle.
Selon les données publiées par la "Compagnie des Aidants", 84 % des aidants ne contactent pas de structures pour être accompagné, 62 % d'entre eux ont une activité professionnelle.
L'objectif que se donne la caravane "Tous aidants" est une mission de très longue haleine. "Avec le vieillissement de la population et l'augmentation des maladies chroniques, c'est sur les aidants qu'il faudra compter encore longtemps", analyse Anaïs Widmann. "La question qui se pose maintenant, plus que jamais, c'est comment les accompagner. Un aidant ne peut pas aider s'il ne préserve pas sa propre santé !"