Violences envers les enfants : "On découvrira des situations très dures lors du déconfinement"

Le 119 a enregistré une hausse de 89 % des appels la semaine dernière. Martine Brousse, présidente de La Voix de l’Enfant, se réjouit d’une "vraie mobilisation" mais s’inquiète des violences "plus silencieuses".

De plus en plus d’appels au 119 depuis le début du confinement. Le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED), dont le numéro d’urgence gratuit et invisible sur les relevés téléphoniques s’adresse à la fois aux victimes et aux témoins de violences intrafamiliales, est beaucoup plus contacté dans le contexte de crise sanitaire. Sur la semaine du 13 au 19 avril, le 119 a reçu 14 531 contre 7 674 sur la même période en avril 2019, d’après un communiqué du Secrétariat d'Etat pour la Protection de l'Enfance publié mercredi. Soit une augmentation de 89,35 %, au niveau national.

Dans le détail, les autorités affirment que "les mineurs s’emparent davantage" du numéro, avec une hausse de 80 % des appels de la part des jeunes confrontés eux-mêmes à une situation de danger, sur les deux dernières semaines par rapport à 2019 ; et une hausse de 58 % des appels provenant de camarades qui s’inquiètent, sur la même période. A noter aussi que la part des voisins parmi les appelants a, elle, augmenté d’environ 80 % ces dernières semaines, toujours selon le Secrétariat d'Etat. Les appels urgents – transmis en priorité pour permettre des interventions rapides – ont par ailleurs fait un bond de 60 % par rapport à la période précédant le confinement.

Du côté de la police et de la gendarmerie, les interventions à domicile pour des différents familiaux ont augmenté de 48 %, pour la période du 16 mars au 12 avril. "92 enfants ont bénéficié d’un placement en urgence pour assurer leur protection depuis le début de la période de confinement", avance enfin le communiqué.

Il y a une vraie mobilisation

Cette forte hausse pour le 119 suit les chiffres déjà communiqués par le secrétaire d'Etat à la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, début avril. "Ce sont des chiffres qui peuvent aussi étonner positivement, explique Martine Brousse, présidente de La Voix de l’Enfant, à France 3 Paris Île-de-France. Il y a une vraie mobilisation de l’entourage et du voisinage et des proches de familles où peut régner la violence. Les jeunes eux-mêmes appellent, les copains et les copines aussi… Les réseaux sociaux fonctionnent bien."

Des violences "plus silencieuses"

"On appelle le 119 si l’on entend par exemple des hurlements répétés d’enfants, des injures aussi, ou si l’on voit des comportements violents ou des signes à l’extérieur du domicile, conseille Martine Brousse, dont la fédération regroupe 80 associations de protection de l’enfance. Et si on a des doutes, le 119 répond également, pour voir si la situation est plus grave. Si le numéro d’urgence est un peu chargé, il ne faut pas hésiter aussi à appeler les associations, comme Colosse aux pieds d'argile ou L'Enfant Bleu, on peut répondre aux interrogations." Marques corporelles, problèmes de santé révélateurs… La Ville de Paris, qui assure une mission de protection de l’enfance en tant que conseil départemental, a d’ailleurs publié une liste de "signes inquiétants" chez un enfant ou un adolescent. Chaque année en France, on estime qu'un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ou des proches, selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en avril 2019. "Il y a la violence physique, mais il y a aussi la violence purement psychologique", insiste la présidente de La Voix de l’Enfant. Elle ajoute "qu’il existe plus de risques, selon les conditions, pour les enfants qui vivent dans des appartements exigus", comme c’est le cas notamment en région parisienne. Mais elle souligne que les violences "touchent tous les milieux".

On ne saura que quand les portes s’ouvriront

Martine Brousse estime que le secrétaire d'Etat chargé de la Protection de l'enfance Adrien Taquet "suit avec attention la situation et essaie de la prendre dans sa globalité", en étant "omniprésent auprès du 119 et des associations pour recueillir les préoccupations". Mais la présidente de La Voix de l’Enfant s’inquiète aussi de l’après-confinement, et de la découverte de violences intrafamiliales parfois invisibles. "Les violences sexuelles sont plus silencieuses, et on ne saura que quand les portes s’ouvriront, alerte-t-elle. Pour les enfants en bas âge, c’est aussi compliqué, on découvrira des situations très dures lors du déconfinement."

"Il va falloir s’organiser avant, annonce Martine Brousse. Les Unités d’Accueil Médico-Judiciaires Pédiatriques (NdlR. UAMJP), en milieu hospitalier, ne tournent quasiment plus. Il ne faut pas qu’on attende le déconfinement pour rouvrir les salles d’audition et recueillir dès demain la parole des jeunes dans de bonnes conditions."




 
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