Les mois de confinement ont empêché la tenue des messes et de nombreuses fêtes, et donc de voir affluer les dons. Une situation compliquée pour les diocèses franciliens qui gèrent de nombreuses églises construites après 1905 qui sont à leur charge.
L'heure venue de clore les comptes, le bilan est bien difficile pour les églises franciliennes. Certains diocèses, comme celui du Val-de-Marne, ont même dû recourir au fameux prêt garanti par l'État (PGE).
Dans celui des Yvelines, le manque est estimé à 800 000 euros comparé au budget de l'année précédente. "On s'en tire bien, parce que l'on a bénéficié d'une forte mobilisation des pratiquants réguliers qui ont fait des dons complémentaires", explique Mgr Bruno Valentin, évêque auxiliaire de Versailles.
Car en temps normal, une importante partie des dons provient de la quête à l'issue de la messe mais aussi de nombreux évènements comme des kermesses, des marchés de Noël et autres célébrations ponctuelles comme les mariages. Comme elles n'ont pu avoir lieu, les dons qui y sont habituellement recueillis n'ont pu l'être également.
"Garder la cohésion"
Face à ce phénomène, les responsables des églises ont lancé plusieurs initiatives pour solliciter les fidèles comme des caisses solidaires, des bons de pèlerinage à offrir ou des quêtes numériques.
"On a eu une relative surprise de voir que les pratiquants les plus réguliers faisaient le geste de continuer à donner même si on ne se regroupait plus pour soutenir l'Église", poursuit Mgr Bruno Valentin.
L'organisation de messes retransmises sur internet a aussi permis de garder un lien. "Cela a servi indirectement, pour garder la cohésion", indique-t-il.
Maintenir l'emploi
A Paris, "c'est l'année de tous les paradoxes" de l'aveu de Christophe Rousselot, directeur développement ressources financières du diocèse. Alors que les dons aux paroisses (les circonscriptions gérées par les curés) via les quêtes sont en forte baisse : plus de 5 millions d'euros en moins, le nombre de donateurs a augmenté pour le Denier de l'Église. Cette contribution volontaire permet notamment aux diocèses de financer le traitement des prêtres.
"On devrait finir 2020 en augmentation de 3 à 5% pour le Denier de l'Église qui est la ressource principale du diocèse de Paris, indique Christophe Rousselot. D'une part, on a presque 10 000 nouveaux donateurs. Et d'un autre côté, on a une perte de 6 000 donateurs qui sont surtout les plus âgés".
Cette situation incertaine quant aux ressources dont va disposer le diocèse entraîne des conséquences. "Pour le moment, on veille à maintenir l'emploi. Il n'y aura aucun licenciement, mais il n'y aura pas d'augmentation générale liée à l'inflation. Cela est valable pour tous les départements d'Île-de-France", assure M. Rousselot.
Des églises à la charge des paroisses
Au diocèse des Yvelines (entièrement financé par des dons), ces 800 000 euros de perte sont à mettre au regard des 20 millions d'euros de budget. Mais plusieurs projets ont été gelés. "Pour les trois ans à venir, nous avons déjà passé la consigne de geler tout nouveau projet. Celui le plus important, la construction d'une église à Saint-Quentin-en-Yvelines, va voir le jour. Cela représente un budget de 9 millions d'euros. On va le lancer, mais c'était tout juste", explique Mgr Bruno Valentin.
À l'image de cet édifice, de nombreuses églises ont été construites après 1905. "En région parisienne, les villes se sont beaucoup développées ou créées de toute pièces comme Saint-Quentin-en-Yvelines. On a la caractéristique d'avoir beaucoup d'églises à la charge des paroisses", explique l'homme d'église.
Tout comme la forte augmentation du télétravail risque de changer le rapport à l'entreprise, les fidèles vont-ils déserter les lieux de cultes à l'avenir ? "Ce que l'on observe, c'est que les réactions des gens vont dans tous les sens. Certains ont peur, d'autres sont impatients. Certains ont pris de la distance. Des gens que l'on ne connaissait pas viennent et se posent des questions sur le sens de la vie. Ce qui est très étonnant, c'est d'observer une cacophonie spirituelle", analyse-t-il.
A Paris, Christophe Rousselot se pose aussi des questions sur la situation à venir. "J'ai de grosses interrogations sur l'année qui vient. Non pas que les gens auront perdu la foi et ne donneront pas. Mais à un moment donné, il y a toute une grande catégorie de gens qui ne peuvent donner que ce qu'ils sont capables de donner."
Au niveau national, les églises de France ont perdu 90 millions d'euros cette année.