Des réfugiés ukrainiens obligés de tout quitter en moins de 24 heures dans les Yvelines

A Magny-les-Hameaux, dans les Yvelines, un couple de réfugiés ukrainiens et leurs trois enfants ont été sommés de partir de leur logement social du jour au lendemain. L'association qui gère les demandes affirme essayer de faire "au mieux".

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La guerre, l'exil, et maintenant, le transit. Dariya* a 40 ans, elle a fui Kiev début mars alors que les bombes russes détruisaient sa ville. Accompagnée de ses trois enfants, aujourd'hui âgés de neuf ans, quatre ans et dix-huit mois, elle arrive dans un centre d'hébergement à Paris. Son mari est là lui aussi, car avec trois enfants, la loi martiale ne s'applique pas en Ukraine. Ses parents, des septuagénaires, ont également pris la décision de partir.

C'est là que l'association Aurore, qui lutte contre l'exclusion, propose à la famille de Dariya de venir s'installer à Magny-les-Hameaux (Yvelines), une commune en proche vallée de Chevreuse. En tout, ils seront 120 Ukrainiens à s'établir dans les appart-hôtels de la résidence Zénitude, grâce à l'association Aurore.

Arrivés en catastrophe d'Ukraine

C'est dans cette commune, à proximité de Versailles, qu'ils apprennent à se reconstruire, petit à petit. Associations et citoyens magnycois, qui ont eu vent de l'arrivée de ces familles qui bénéficient d'une protection temporaire d'un an, décident alors de se mobiliser pour faciliter leur insertion. "Ils venaient nous voir en nous demandant si nous avions besoin de quelque chose pour nous aider à nous sentir bien", raconte la mère de famille.  

Mais pour le couple, l'urgence est l'école. "Dès notre arrivée, nous avons sollicité l'association pour que nos enfants soient scolarisés au plus vite. Ils n'arrêtaient pas de dire 'Reposez-vous, prenez votre temps, on va y aller étape par étape.' Au bout d'un moment, on en a eu marre d'entendre cette phrase. Alors un jour, on est allé voir nos nouveaux amis français, et on leur a demandé de nous accompagner à la mairie. Une semaine après, mes enfants étaient à l'école." Selon Dariya, si ses enfants ont pu aller dans les différents établissements de la ville au mois de mai, les délais ont été plus longs pour les autres familles ukrainiennes.

Les réfugiés ne peuvent refuser qu'un hébergement 

Mais Dariya le sait, ce n'est qu'un hébergement d'urgence et cette situation ne pourra durer éternellement. Sur la question, la consigne d'Aurore est claire. "Ils peuvent refuser la première proposition de logement qui leur est faite, mais s'ils n'acceptent pas la seconde, alors ils ne seront plus pris en charge", indique une coordinatrice de l'association.

A la fin du mois d'août, Aurore nous a tous réunis pour nous dire que nous resterions définitivement dans l'hébergement Zénitude jusqu'en décembre.

Pourtant, Dariya et sa famille décident de refuser les deux logements qui leur sont proposés. Elle l'explique pour plusieurs raisons : "On nous a proposé une place dans un ancien centre de réhabilitation mais personne n'avait d'information sur cet endroit. Après avoir fait nos propres recherches, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de cuisine dans le logement et qu'il n'y avait pas d'école dans la ville pour les enfants, où de bus pour se déplacer". Ils n'acceptent pas la deuxième proposition de logement dans le Nord de la France non plus, là encore, c'est l'absence de transports et de commodités qui motivent leur refus.

Après cet épisode, Dariya et sa famille se rassurent. "A la fin du mois d'août, Aurore nous a tous réunis pour nous dire que nous resterions définitivement dans l'hébergement Zénitude jusqu'en décembre", indique-t-elle par message.

Pour la coordinatrice d’Aurore, il s’agit d’un malentendu : "Nous ne leur avons pas dit qu’ils resteraient à Magny-les-Hameaux, mais que les hébergements d’Aurore au sein de la résidence Zénitude étaient garantis jusqu’en décembre ".

Moins de 24 heures pour tout quitter

Mais tout bascule pour cette famille le lundi 24 octobre dernier. Ce jour-là, ils reçoivent une lettre de l'association indiquant que Dariya, son mari et leurs trois enfants doivent quitter, dès le lendemain matin 9 heures 30, leur logement à Magny-les-Hameaux, direction Saint-Dié-des-Vosges.

Les parents de Dariya ont quant à eux jusqu'à la mi-novembre pour rejoindre le reste de la famille, le grand-père étant actuellement hospitalisé en région parisienne après avoir été opéré au cœur.

Une orientation d'une grande injustice pour certains Magnycois, proches des réfugiés ukrainiens. Car la famille de Dariya n'est pas la seule à devoir partir précipitamment, d’autres ayant été redirigés vers la Normandie et la région nantaise dans les mêmes délais. "Aurore c'est l'horreur ! Ils ont accueilli des gens en grande souffrance, ce n'est pas pour leur en causer davantage", explique une habitante qui souhaite rester anonyme.

"Le problème, c'est le manque d'information et de communication de la part de l'association, poursuite-elle, d'autant qu'ils ont eu moins de deux heures pour accepter ou refuser la proposition, sans aucune information sur Saint-Dié, qui se situe à plus de 400 km de Magny-les-Hameaux."

Dariya quant à elle, se dit encore sous le choc. "Lundi, l'association est venue nous voir sur les coups de 15 heures pour 'partager une bonne nouvelle', ils avaient un logement T5 pour nous. Comme nous ne pouvions plus refuser cette offre, nous avons dû rassembler toutes les affaires que nous avions depuis huit mois que nous étions là. Et nous sommes partis à 6h30 le lendemain matin pour aller prendre un bus depuis porte de la Villette jusque dans les Vosges".

L'association et la ville impuissantes

Contactée, l'association Aurore qui est en relation avec le département des Yvelines, explique n’avoir aucun pouvoir de décision sur les départs et les arrivées de réfugiés. "Nous avons également appris leur transfert la veille de leur départ. C'est assez brusque, c'est certain, mais on essaie de faire de notre mieux", explique la coordinatrice du centre d'hébergement de Magny-les-Hameaux.

Selon elle, un turn-over aurait actuellement lieu dans la résidence Zénitude, sans pouvoir apporter plus de précisions sur les raisons de ces délocalisations, décidées par la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Hébergement et du Logement (Drihl). Contactée, la préfecture des Yvelines n'a à ce jour, pas répondu à nos sollicitations.

Pour le maire de Magny-les-Hameaux, Bertrand Houillon, les explications sont aussi à chercher du côté de l'Etat. "Ce n'est ni l'association ni la commune qui décident. C'est l'Etat qui fait le choix de sortir des gens du logement d'urgence et qui choisit de déplacer les réfugiés vers les régions", explique-t-il.

Les enfants avaient fait leur rentrée et nous les avions même inscrits à des activités périscolaires, ce qui pour nous, représente beaucoup d'argent.

Et de poursuivre : "Lorsque nous avons accueilli ces familles sur la commune, personne n'aurait pu prédire que la guerre se poursuivrait dans le temps. Aujourd'hui, nous sommes tous en train d'apprendre à gérer l'accueil des réfugiés sur la durée, et je suis optimiste. Mais il est vrai qu'il est humainement difficile d'entendre que des personnes se retrouvent du jour au lendemain sommées de partir". 

Des explications insuffisantes pour la mère de trois enfants, qui avait déjà anticipé les prochains mois. "Cet été nous avons fait des démarches auprès de Pôle emploi, nous nous sommes inscrits à des cours pour apprendre le français. Les enfants avaient fait leur rentrée et nous les avions même inscrits à des activités périscolaires, ce qui pour nous, représentent beaucoup d'argent", s'émeut Dariya.

Depuis leur arrivée à Saint-Dié-des-Vosges mardi 25 octobre dernier, la famille a été de nouveau relogée à Vittel dans le T5 qui leur avait été promis. Si l'émotion causée par le choc est un peu retombée, les inquiétudes, elles sont toujours présentes. "Maintenant, il faut que je voie si il y a encore des places disponibles dans les écoles pour mes enfants", explique Dariya, à quelques jours seulement de la rentrée scolaire.

*Le prénom a été modifié 

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