Une enquête avait été ouverte après la diffusion d'images montrant 151 jeunes à genoux. Ils avaient été interpellés en marge d'une mobilisation lycéenne à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines.
L'image des jeunes à genoux avait indigné: le parquet de Nanterre a classé sans suite une enquête confiée à l'IGPN sur l'interpellation fin 2018 de 151 jeunes en marge d'une mobilisation lycéenne à Mantes-la-Jolie (Yvelines), mais le dossier doit bientôt être confié à un juge.
Le 6 décembre 2018, après plusieurs jours de manifestations ayant dégénéré en échauffourées dans le quartier sensible du Val Fourré, la police avait interpellé 151 jeunes âgés de 12 à 21 ans, qui participaient à une manifestation dans le cadre de la mobilisation nationale des lycéens.
Tournée par un policier, une vidéo de ces jeunes à genoux dans le jardin d'un pavillon, mains sur la tête, pour certains menottés dans le dos et tenus en respect par les policiers, avec le commentaire "voilà une classe qui se tient sage", avait fait le tour des réseaux sociaux et suscité un tollé.
À l'issue de leur garde à vue, la plupart des 151 jeunes avaient reçu de simples rappels à la loi.
"Contexte exceptionnel de violences urbaines"
Le syndicat lycéen UNL puis plusieurs familles des interpellés avaient porté plainte, notamment pour "atteinte arbitraire à la liberté individuelle", "violences volontaires par dépositaire de l'autorité publique" ou "actes de torture".Plus de sept mois plus tard, une enquête préliminaire concernant 12 plaintes, ouverte le 12 février et confiée à la "police des polices", a été classée sans suite le 24 juillet, a indiqué vendredi la procureure de la République dans un communiqué à l'AFP.
"Le fait de retenir les personnes interpellées en position à genoux ou assise, entravées pour certaines d'entre elles, apparaît justifié par le contexte exceptionnel de violences urbaines graves et le nombre de personnes devant être conduites dans les locaux de police, nécessitant une organisation matérielle incompressible", a estimé le parquet de Nanterre, où le dossier a été dépaysé à la demande des plaignants.
Les "violences aggravées" dénoncées par quatre mineurs "ne sont corroborées, ni par leurs déclarations ou les observations de leurs conseils, ni par les examens médicaux des médecins légistes, ni lors de leur présentation à un magistrat dans le cadre de la prolongation de leur garde à vue", selon le communiqué.
Seules "4 victimes" entendues
Cette décision "n'a pas de sens, ni factuel, ni juridique, et elle est sans conséquence sur l'enquête qui se mène", a réagi Me Arié Alimi, avocat des familles et de l'UNL. Il a souligné qu'une vingtaine de nouvelles plaintes avaient été déposées et qu'un juge d'instruction allait être saisi du dossier.L'avocat a en effet déposé, dès le 6 mai, une plainte avec constitution de partie civile, qui doit aboutir prochainement à l'ouverture d'une information judiciaire.
Au milieu de l'été, "cela ressemble plus à des effets d'annonce qu'à des annonces", a-t-il estimé. Seules "4 victimes" ont été entendues, a affirmé l'avocat, qui parle d'une "non-enquête".
"Là encore, il n'y a pas de surprise", a déclaré Yessa Belkhodja, porte-parole du Collectif de défense des jeunes du Mantois, qui évoque elle aussi la saisine prochaine d'un juge. "Concernant les enquêtes préliminaires, la police qui enquête sur la police, on y croit pas vraiment".
La vidéo des arrestations avait provoqué une onde de choc en décembre. À gauche, les politiques avaient notamment dénoncé une "humiliation" et le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer lui-même avait reconnu avoir été "choqué" en découvrant les images.
Dans des cortèges lycéens et du mouvement des gilets jaunes à travers le pays, des manifestants s'étaient ensuite agenouillés, les mains derrière la nuque, en référence à cet événement.
Deux autres enquêtes ouvertes
L'auteur de la vidéo, un "fonctionnaire de police, fait l'objet d'une procédure de sanction administrative et une action disciplinaire est sollicitée auprès du procureur général de Versailles", a précisé vendredi la procureure de Nanterre.En revanche, la personne ayant diffusé la vidéo n'a pas été identifiée, "le site hébergeur refusant de répondre à la réquisition judiciaire, au nom de la protection des 'droits et libertés des utilisateurs'".
Dans cette affaire, deux autres enquêtes ont été ouvertes. Une enquête administrative a conclu à l'absence de "comportements déviants de la part des policiers", a annoncé mi-mai la patronne de l'IGPN. L'enquête du Défenseur des droits, qui s'est lui-même saisi du dossier, est quant à elle toujours en cours.