Procès Xynthia : qu'avons nous appris en 5 semaines ?

À quoi auront servi ces 5 semaines du "procès Xynthia" ? Au delà des réquisitions, sévères, du procureur de la République des Sables-d'Olonne, quelles leçons tireront autorités, élus et techniciens en charge des dossiers d'aménagement du territoire et d'urbanisme, ou simples citoyens ?

Xynthia, tout le monde le sait désormais, c'est une conjonction des forces de la nature comme on en voit peu à cet endroit. En moyenne une fois tous les trente ans. L'historien Thierry Sauzeau, chercheur à l’université de Poitiers est venu à la barre du tribunal expliquer comment les hommes se sont installés dans cette baie de l’Aiguillon au cour des siècles.
Pour le pastoralisme d’abord, pour l’agriculture ensuite. Et dans une période très récente, pour ce qu’il appelle : "le désir de rivage". il explique aussi comment au cour des siècles passés le phénomène a déjà été enregistré dans les chroniques. "Les anciens savaient la vulnérabilité du littoral de la Baie de l’Aiguillon, en 1711, 1788, 1890 ou 1895 les chroniques de l'époque racontent des phénomènes de surcote de la pleine mer durant quelques heures. Conjugaison d’une très forte marée avec une tempête de sud-ouest".  Le même phénomène se reproduit en 1940,1941, puis en 1957…

1957 - 2010 Le phénomène de forte marée conjugué à une tempête de sud-ouest ne se reproduit pas. Et dans ce laps de temps tout change. La commune de La Faute-sur-Mer est créée en 1953, et dans les années 70 mène une politique de lotissement de son territoire. Idéalement situé au bord de la mer et des dunes avec leurs bois de pins... En oubliant que par le passé, ces espaces agricoles étaient régulièrement envahis par les flots, engloutissant récoltes et bétail. La commune fait désormais pousser là des pavillons, fruits du labeur de ceux qui, souvent viennent ici pour vivre une retraite paisible.



Des alertes diverses, mais sans résultat

Le 27 février 2010, le vent pousse la mer dans l'estuaire du Lay. Désormais par ce procès fleuve nous savons que des alertes ont été lancées. Mais qu'elles sont restées sans effet. Le Maire de la commune de la Faute-sur-Mer de 1989 à 2014, René Marratier, n'y a pas donné suite ce jour là. Pas plus qu'il n'a donné suite aux demandes réitérées des services de l'État de voir comment ont été pris en compte les risques d'inondation sur sa commune... Car ailleurs des catastrophes surviennent de loin en loin et l'État, protecteur des citoyens, a mis en œuvre des lois et des règlements pour éviter que l'on construise dans les zones de danger... Ou pour le moins que les bâtisseurs soient avertis de ces dangers. Pour qu'on en tienne compte ! Sauf que, à la Faute-sur-Mer les élus ont fait de la résistance... 
Et la tempête Xynthia 29 morts. Piégés dans leurs maisons. Comme le bétail dans son enclos les siècles passés.

Le procès aura eu le mérite pour les victimes survivantes de savoir comment, pourquoi et par qui, ils ont construit leur habitation en dépit du danger. Après tout, il y avait cette digue censée les protéger. Mais qui leur avait dit qu'elle était trop basse ? Que la commune tardait, pour ne pas dire freinait, la mise en Place du Plan de Prévention des Risques Inondation ? Qu'on leur avait vendu un terrain acheté à vil prix par le fait même qu'il était agricole par le passé. Et inondable !


Un État protecteur mais impuissant au respect de la Loi

De ce procès les victimes ont appris comment les élus portés aux conseil municipal n'ont pas fait leur travail d'élus. Ils ont beau dire ces élus "nous sommes des petits élus d'une petite commune" l'argument ne prend pas quand Corine Lepage leur demande pourquoi la commune située juste de l'autre côté du Lay, le fleuve côtier qui les sépare, L'Aiguillon-sur-Mer, on a pris les bonnes décisions et depuis longtemps ? Comment cette autre "petite commune" est en conformité avec les lois et les règlements ?

De ce procès nous aurons appris qu'en dépit de sa toute puissance, l'État ne dispose pas des moyens pour contraindre raisonnablement ces élus des "petites communes", par opposition aux "grandes agglomérations qui disposent de services vigilants et compétents dès lors qu'ils ne suivent pas les dossiers qui tiennent à la sécurité des populations.




Comment lancer l'alerte ?

On n'a pas découvert toutes ces données relatives au risque de submersion à La Faute-sur-Mer le 27 février 2010. Faute de pouvoir obtenir de la mairie des réponses adéquates sur son PPRI, des fonctionnaires des services de l'État avaient su communiquer leur inquiétude aux médias. Notre consœur Josée Saint-Paul avait réalisé un magazine pour notre antenne sur ce sujet. Mr Marratier y balayait d'un : "il suffira de trois parpaings supplémentaires" pour retenir les flots, à la question posée sur son action en matière de protection des risques de submersion. On connaît la suite, 29 morts quelques mois plus tard !

Cinq semaines, c'est très long, et en même en temps très court, pour que chacun puisse dire, victime ou accusé sa vision ou sa réalité des choses. De cette vie passée à La Faute-sur-Mer, à l'abri de la dune et de ses jolis bois de pins. Que la mer et la tempête ont contourné comme pour les enfermer dans ce piège. Cette cuvette d'où l'eau n'est pas repartie aussi vite qu'elle était arrivée.


Le détricotage à venir de la Loi Littoral

Dans la région plus personne ne regarde le déferlement des éléments naturels ici ou ailleurs de la même façon. Mais pour autant, quel que soit le prix payé par les responsables de la mort des 29 personnes, la question restera de savoir comment collectivement, ne plus fermer les yeux sur des dossiers sensibles à la traîne. Dans les communes, les départements, dans les services de l'État.

Et surtout au Parlement, où nos députés réfléchissent en ce moment à la question de savoir comment la Loi Littorale de protection des rivages maritimes ou lacustres pourrait être modifiée pour permettre... plus d'urbanisation ! Pour continuer de satisfaire "ce désir de rivage" ? En oubliant déjà Xynthia ?



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