Nantes : la manifestation interdite par la préfecture a été émaillée d'incidents

Environ 1.300 personnes, selon la Police, ont participé jeudi à la manifestation interdite par le préfet. Le défilé a débuté dans le calme, jusque, semble-t-il, au premier jet de pierre contre les forces de l'ordre. Les vitres de deux agences bancaires ont été détruites.

La manifestation interdite à Nantes par la préfecture de Loire-Atlantique avait plutôt bien commencé, jeudi après-midi. Dans le calme. Le cortège prenait soin d'éviter les premiers barrages policiers. Au plus fort du défilé, environ 1.300 personnes, selon une estimation des forces de l'ordre, manifestaient dans le centre-ville. 

Donné sur les réseaux sociaux, l'appel au rassemblement place du Bouffay s'est finalement tenu le long des rails de la ligne de tramway, l'accès à la place étant bloqué par des cars de CRS. 

Cheveux poivre et sel, Patricia s'interroge : "On a du mal à comprendre l'appel des syndicats à manifester à l'extérieur du centre-ville. Les syndicats ne nous aident pas quand ils appellent à manifester dans une zone déserte. Les jeunes sont en première ligne depuis le début et ce sont eux qui se font tabasser en premier." Mobilisée contre la loi Travail "et le monde qui va avec", précise-t-elle, Patricia ajoute : "J'ai des cheveux blancs, c'est pour ça que je viens." Par solidarité, donc.
Dans la foule qui continue de se rassembler en début d'après-midi, un groupe de jeunes gens expliquent qu'ils ne vont "pas aller manifester là où le préfet veut qu'on aille manifester." Eux aussi s'interrogent : "Les syndicats manifestent à Haluchère, ils veulent inciter les gens qui travaillent à se mobiliser, mais c'est ce matin qu'il fallait le faire! Pour que les gens se rassemblent. C'est important d'être unis."

Mais les manifestations à Nantes ne sont jamais déclarées !
Emile, syndicat Solidaires


Un peu plus loin, Emile, membre du syndicat Solidaires, explique qu'il "ne faut pas céder aux injonctions préfectorales". "Ce n'est pas possible d'interdire une manifestation! Il faut faire respecter le droit de manifester." Que la préfecture ait en partie interdit le défilé car il "n’a pas fait l’objet de la déclaration préalable obligatoire à la préfecture qui n’a pas non plus été destinataire du parcours prévisionnel" fait sourire le jeune homme. "Mais les manifestations à Nantes ne sont jamais déclarées !"

Ne pas déclarer une manifestation, une tradition nantaise qui remonte aux conflits sociaux du milieu des années 50 et que le préfet de région, Henri-Michel Comet, déplore dans les colonnes du Nouvel Observateur. "C'est illégal et ça gène considérablement le travail des forces de l'ordre," a-t-il confié à nos confrères.

Tous contre la loi Travail

Pour plusieurs des manifestants rencontrés en début de défilé, il n'est pas question "de faire scission" (avec le défilé syndical) en marchant dans le centre-ville. "On est tous contre la loi Travail, précise Emile, à Haluchère, comme au centre-ville. On est tous dans le même combat. Par solidarité avec les travailleurs."

Gislaine, la cinquantaine, est commerciale. Elle explique ne pas se sentir proche des syndicats. Pour elle, sa présence à la manifestation du centre-ville constitue "un acte citoyen". Qu'elle ait été interdite par la préfecture la laisse perplexe. "Non, je ne comprends pas cette démarche. On nous impose une loi Travail de manière autoritaire avec le 49.3, alors non, vraiment, je ne comprends pas."

Alors que le cortège s'ébranle, des militants du Groupe marxiste internationaliste distribuent des tracts dans lesquels ils demandent aux leaders syndicaux nationaux d'appeler à la "grève générale jusqu'au retrait" (de la loi El Khomry). Un peu plus loin en début de défilé, flottent des drapeaux de la CNT. Un jeune homme, le visage caché, brandit un drapeau de la CGT. Un autre un peu plus loin, visage découvert, également.

Les premiers slogans fusent au mégaphone : "Pour le droit de manifester !" ou encore "C'est pas au patronat de faire sa loi. Ici, comme ailleurs, le pouvoir aux travailleurs."

Certains sont venus avec des pancartes. Sami, aviculteur, brandit la sienne : "Ras le bol de la dictature financière", peut-on lire.
L'économie de sa profession l'inquiète particulièrement. Il explique : "Chez nous, les petits (exploitants) coulent et sont rachetés par les gros." Il défile, car au-delà de la loi Travail, c'est un "ras-le-bol général" qui domine. "On a le sentiment que l'abolition des privilèges à la Révolution, c'est bien loin. J'ai envie de laisser autre chose à mes enfants! (...) On a l'impression que tout est un sketch, de ne plus avoir de droits." 


Jets de pierres et gaz lacrymogène

Au cours du défilé, le cortège croise plusieurs barrages de compagnies de CRS et les évite dans le calme. Boulevard des 50 otages, notamment. Puis à l'angle du CHU. Dans la foule, on aperçoit au moins deux personnes qui se faufilent. Elles ont chacune une pierre à la main. Quelques instants plus tard, la gendarmerie lance les premiers gaz lacrymogène sur les manifestants qui continuent de défiler dans le calme. Alors que la foule commence à crier à la "provocation policière", une jeune consoeur assure que les forces de l'ordre n'ont fait que répliquer à un jet de pierre dont elle a été témoin. Une version que contredisent plusieurs manifestants.

Dans le cortège, on sent le ton monter. Certains disent avoir vu le laser vert des armes des forces de l'ordre viser la tête de plusieurs manifestants. Pourtant, le gros du défilé continue d'avancer calmement. Les manifestants contournent chacun des barrages policiers. Certains tentent pourtant d'aller à l'affrontement. A l'angle du quai François Mitterrand et de la rue Louis Blanc, des personnes cagoulées s'en prennent à l'entrée de la rédaction de Ouest-France. Plusieurs vitres sont violemment caillassées. Un peu plus loin, une agence de la Société générale est prise pour cible. L'entrée et les vitres seront presque entièrement brisées à coups de projectiles. Celles de la Caisse d'Epargne un peu plus loin, également.

Direction l'île Beaulieu

Le défilé tente alors de se reformer, en direction de l'île Beaulieu. La foule entre dans une cité de l'île et semble se disperser. Plus loin, à l'angle du conservatoire de musique, un jeune homme vient d'être maîtrisé par les forces de l'ordre qui l'entourent et le maintiennent à terre. Plusieurs jets de gaz lacrymogène ont eu lieu et aveuglent une grande partie du cortège qui se disperse progressivement. La manifestation se délite quasi intégralement au bout du pont Senghor. Les forces de l'ordre entourent les derniers manifestants, principalement des jeunes gens calmes. Des contrôles d'identité ont lieu, qui mettent un terme à la manifestation.

Dans ce défilé, les forces de l'ordre indiquent avoir procédé à huit interpellations, dont six gardes à vue.
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