La maison du Lac-de Grand-lieu et l'association pour la Connaissance et la recherche ornithologigue de Loire-Atlantique accueillaient la rencontre EURING, groupement de baguage européen des oiseaux migrateurs. Cet évènement d'envergure internationale rassemblait cette année 60 scientifiques de 30 nationalités différentes. L'occasion de mettre en commun les connaissances scientifiques recueillies grâce au traçage des espèces.
Passereaux, fauvettes, cigognes, chaque année plusieurs millions d'oiseaux sont suivis de près en Europe et les scientifiques sont inquiets. L'été brûlant qui a frappé la France, l'Espagne et le Portugal a fortement impacté les migrateurs.
L'espèce la plus menacée en Europe aujourd'hui est la phragmite aquatique. Il ne reste que 20 000 couples dans le monde.
Il existe 49 centres de baguages en Europe, 30 se sont retrouvés à la Maison du Lac de Grand Lieu ces derniers jours. Un évènement qui n'avait pas eu lieu en France depuis plus de 20 ans. 60 scientifiques venus de tous les pays qui oeuvrent au quotidien pour la préservation des espèces ont échangé de précieuses données sur l'état de la planète et des espèces.
"Nous venons de sortir un outil unique au monde : l'atlas de la migration des oiseaux Europe-Afrique. Toutes les données collectées depuis un siècle y sont rassemblées. Cela permet de comprendre les flux migratoires. Par où passent les oiseaux ? Ont-ils changé de trajectoire ? Pourquoi meurent-ils ? ", explique Pierre-Yves Henry, directeur du CRBPO.
La première bague posée en France en 1923
"Au 19e siècle, on croyait que les hirondelles, quand elles arrivaient à l'automne au dessus des lacs, plongeaient dans la vase pour y passer l'hiver. C'est comme ça qu'on a inventé le baguage. A l'époque, on mettait un petit numéro sur un anneau métallique et on suivait les oiseaux. C'est ainsi que l'on a découvert qu'ils traversaient l'Espagne, avant de poursuivre leur route vers l'Afrique. Ça, c'était il y a un siècle. La première bague posée en France, c'était en 1923", explique Pierre-Yves Henry.
Les grand migrateurs sur le déclin
Aujourd'hui, c'est un fait, il n'y a plus assez d'insectes. Alors pas le choix, il faut partir, aller voir ailleurs, plus loin, pour se nourrir. Certaines espèces vont en Afrique de l'ouest, d'autres en Afrique australe, tandis que certaines s'arrêtent en zone méditerranée.
"Ce que l'on observe, c'est que celles qui vont en Afrique ont du mal à suivre le mouvement. Elles reviennent aux mêmes dates, sauf que lorsqu'elles arrivent, c'est déjà le printemps, elles se reproduisent tout de suite sans avoir le temps de reconstruire des réserves et de se préparer à la reproduction. Celles qui vont moins loin parviennent à s'adapter au réchauffement climatique. Donc les grands migrateurs sont fortement menacés, les espèces sont en déclin", constate le scientifique.
Ce que l'on a perdu, on ne le retrouvera jamais. On sait que le réchauffement climatique est une menace. On sait que protéger des espèces ça a changé les choses. On ne pourra pas dire on ne savait pas.
Pierre-Yves HenryDirecteur du CRBPO Paris
"Après les lois de protection de la nature de 1975 certaines espèces se sont repeuplées. C'est une question de volonté politique".
"La priorité aujourd'hui c'est de conserver une bonne qualité des sites de reproduction. Avoir des habitats fonctionnels et diversifiées pour que plusieurs espèces se les approprient", souligne le chercheur.
Le changement le plus dramatique ça a été dans les milieux agricoles. On a tellement intensifié que l'on a perdu 80% des effectifs de perdrix.
Pierre-Yves HenryDirecteur du CRBPO Paris
"En terme de démographie, c'est ce qui se passe ici, pendant la reproduction qui fait que les espèces vont décliner ou arriver à se maintenir", conclut le chercheur.
Le baguage, Hubert Dugué, responsable des programmes scientifiques de l'ACROLA, le pratique depuis toujours. Il permet une connaissance plus fine d'un certains nombre d'espèces. "On va étudier leur biologie, la reproduction. On entre dans une démarche plus scientifique."
L'opération, qui chez nous se passe sur la plateforme dédiée de Donges en Loire-Atlantique, permet d'individualiser l'oiseau.
"Baguer un spécimen, c'est avoir la possibilité de le suivre, sur plusieurs mois voire plusieurs années. Vous allez avoir des indications sur sa durée de vie, ses habitudes, savoir par exemple s'il est fidèle à un lieu précis. Sur les migrateurs cela permet d'évaluer le nombre de kilomètres parcourus depuis la naissance de l'oiseau, de savoir d'où il part, où il s'arrête, quel est son point de chute."
De précieuses indications de vol mais aussi un diagnostic de l'animal : "avant d'être tracé l'oiseau est mesuré, pesé. On va regarder s'il a du carburant de vol, de la graisse accumulée".
Cette année la sécheresse a fait qu'il y a très peu de ressources alimentaires. Les oiseaux sont très maigres. Donc les conditions de vol pour partir en migration vont être très délicates
Hubert DuguéResponsables des programme scientifiques au sein de l'ACROLA
"Cette année certains grands oiseaux, bagués au mois de juin, ont été récupérés et transportés à l'école vétérinaire de Nantes. Les soignants n'ont rien pu faire vu leur état de faiblesse. Ils sont morts d'épuisement", poursuit Hubert Dugué.
"70% des zones humides européennes ont disparu"
En France le baguage est régi par le Centre de Recherche pour le baguage des populations d'oiseaux (CRBPO), département du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Il fait référence et en Europe chaque pays possède le même institut.
"Aujourd'hui nous sommes réunis pour faire le point des connaissances, des projets que l'on a en cours et qu'il nous faudra continuer dans les années à venir."
Nous accumulons des informations pour savoir comment gérer au mieux les espaces et les milieux. Entre autres sur les zones humides. 70% des zones humides européennes ont disparu
Hubert DuguéResponsables des programmes scientifiques au sein de l'ACROLA
"Si l'été caniculaire se répète ça va devenir très inquiétant"
"En France des efforts ont été faits mais dans d'autres pays on continue à altérer les milieux, on continue à urbaniser, à faire de l'agriculture intensive. Rappelons nous simplement que sur ces 20 dernières années, nous avons perdu entre 20 et 50% des oiseaux. Si l'été caniculaire que l'on vient de vivre se répète ça va devenir très inquiétant", ajoute Hubert Dugué.
300 à 400 000 oiseaux sont bagués chaque année en France. Mais leur zone de reproduction et de nidification sont cesse menacées. Sur le seul estuaire de la Loire. 70% des zones humides ont disparu en 50 ans. A l'échelle européenne, l'avenir n'augure rien de bon.
"Nous continuons d'être très inquiets. Il y a une tendance au déclin des populations en Europe en raison des pratiques agricoles dévastatrices, du réchauffement climatique qui s'amplifie. Et nous constatons de nouveaux développements, comme la propagation alarmante de la grippe aviaire auprès de nombreuses espèces d'oiseaux ces dernières années. Cela laisse apparaître un niveau de menace élevé que l'on n'avait pas complétement vu venir", conclut, pessimiste, Stephen Baillie, président de Euring, groupe européen du baguage d'Oiseaux.