L'incendie, causé par un feu de barbecue voisin, avait emporté plusieurs hectares de vigne à Montrelais, près d'Ancenis (Loire-Atlantique). Malgré les constations des experts et l'estimation des dégâts, les viticulteurs n'ont pas encore été indemnisés. Leur production est à l'arrêt, faute de pouvoir arracher les pieds pour en replanter.
Silence radio. Depuis des mois, Jacques et Agnès Carroget, Mathieu Lothelier, tous trois viticulteurs à Montrelais (Loire-Atlantique), attendent l'argent que doit leur verser l'assureur de la personne qui a accidentellement mis le feu à une partie de leurs vignes le 17 juillet 2022. Parti d'un feu de barbecue mal éteint, l'incendie, nourri par un fort vent d'est, avait ravagé 90 hectares de végétation.
L'assureur en question, Suravenir Assurances, ne répond pas aux sollicitations des agriculteurs, qui veulent connaître l'état de leur dossier. Le procès-verbal de constatation des dégâts a pourtant été signé par les experts des deux parties le 20 octobre dernier. Il ne reste donc à l'entreprise qu'à envoyer les 92 000 euros dus aux viticulteurs en compensation de leur perte de production. Mais le virement n'est pas encore arrivé sur leurs comptes bancaires.
Crédit Mutuel Arkéa, dont Suravenir Assurances est une filiale, s'étonne de ces informations et déclare que le dossier est en cours d'instruction et que les assureurs communiquent entre eux, ce qui explique pourquoi les agriculteurs n'ont pas encore de retour. Le groupe affirme que les montants dus aux agriculteurs dépendront des dommages constatés sur chaque parcelle.
Manifestation devant le siège de Suravenir Assurances à Saint-Herblain
Lassés d'attendre, ils ont participé à une manifestation initiée par la Confédération Paysanne de Loire-Atlantique devant le siège social de Suravenir Assurances, à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), ce vendredi 21 juillet. "À peine sommes-nous arrivés qu'ils ont tout barricadé. C’est assez symptomatique de leur manière de gérer un problème", raconte Mathieu Lothelier, qui a perdu une parcelle d'1,6 hectare et 2 000 pieds dans l'incendie l'été dernier.
À force de discussions avec un responsable des renseignements territoriaux présent sur place, tous cinq d'entre eux ont pu brièvement rencontrer la directrice générale de Suravenir Assurances, Claire Léauté, et Frédéric Bichon, directeur du service client. "Ils ne connaissaient même pas notre dossier", s'étonne Mathieu Lothelier, qui confie se sentir "très seul et dépossédé du dossier".
Crédit Mutuel Arkéa rétorque que "le dossier est connu, il est en cours d'instruction. Il n'y a pas de volonté de ne pas indemniser les sinistrés".
CARTE. Montrelais est situé à l'est d'Ancenis-Saint-Géréon, tout près du Maine-et-Loire
Impossible d'arracher les pieds de vigne brûlés
Jacques Carroget, qui a perdu près de 3 000 pieds de vigne vieux de trente ans dans l'incendie, attend désespérément un signe de l'assureur. "Ça me laisse pantois", avoue le viticulteur, installé en agriculture biologique sur la commune d'Annetz, tout près de Montrelais. "Quelqu'un qui a commis un dommage doit le réparer", martèle Jacques Carroget, qui s'apprêtait à transmettre l'exploitation à sa fille Marie, elle aussi viticultrice installée dans la vallée de la Loire.
En attendant, le temps est comme figé dans les vignes brûlées : avant le versement des indemnités, les viticulteurs ont fait le choix de ne pas arracher les pieds morts. "Le problème, c'est que peut demander une autre expertise, donc c’est délicat, sans avoir reçu leur accord, de lancer les travaux, sinon on détruit les preuves", explique-t-il.
"Pour nous, c'est un outil de travail, pas un jeu"
Jacques CarrogetViticulteur
Les pertes financières pour la famille Carroget et Mathieu Lothelier, elles, continuent d'augmenter. L'incendie avait déjà détruit une partie des récoltes et donc de la production annuelle en 2022. Mais il faudra attendre quatre à cinq ans pour que les vignes détruites produisent à nouveau du vin. Faute d'argent, saisonnalité oblige, les parcelles qui auraient dû être replantées en juin 2023 ne le seront pas avant juin 2024. Mais une vigne a besoin de trois à cinq ans pour produire du vin.
"Petit miracle", une partie des cèpes brûlés de Mathieu Lothelier a survécu à l'incendie. Un symbole de résilience, pour le viticulteur qui espère pouvoir les remettre en production dans deux ans. "Peut-être qu’économiquement ça aurait été plus intéressant de tout arracher, mais ça fait partie de l’histoire de la parcelle maintenant, donc c’est intéressant de voir comment ça va évoluer", conclut Mathieu Lothelier.
Changement climatique et multiplication des risques d'incendie
Le service juridique de la Confédération Paysanne de Loire-Atlantique suit le dossier de près. Pour le co-président du syndicat, "il est urgent de faire quelque chose". D'autant plus que face au dérèglement climatique et au risque de multiplication des feux de végétation, Jean-Christophe Richard veut croire que ce dossier restera un cas isolé. "J'espère que les assurances seront plus réactives à l'avenir", ajoute celui qui craint un allongement généralisé des délais de prise en charge des dossiers des agriculteurs sinistrés par les assureurs.
Sans réponse de la part de l'assureur avant la fin de la semaine prochaine, Mathieu Lothelier a promis de déposer plainte, même s'il espère encore pouvoir éviter ce recours.