"Cette histoire m'a peut-être fait un cadeau", Lucie a été amputée des pieds et des mains après un palud grave

En mars 2023, après un voyage au Gabon, Lucie est victime d'un palud très grave et est amputée de ses deux pieds puis de ses deux mains. Mais pas de son sourire ni de son envie de vivre. Elle nous a confié son histoire. Une étonnante leçon de combativité.

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Ce lundi matin, Lucie arrive au centre de réadaptation fonctionnelle La Tourmaline à Saint-Herblain, près de Nantes. Elle vient y suivre une énième séance destinée à l'aider à vivre avec le handicap qui est le sien depuis mars dernier. 

Victime du palud après un voyage au Gabon, Lucie a été amputée des pieds puis des mains. Elle qui a été danseuse et pianiste. Entre larmes et éclats de rire, Lucie nous a confié son histoire.

Danseuse et pianiste

Lucie qui a aujourd'hui 42 ans, était responsable du secteur export dans une entreprise de produits cosmétiques bio. Elle voyageait beaucoup en Asie et en Afrique. Puis vient une période de doute. Elle sent que ce métier perd de son sens. Elle donne sa démission et se consacre à sa passion, la danse qu'elle pratique dans une troupe amateure de bon niveau et le piano qui lui permet d'accompagner Yannick, son compagnon chorégraphe, dans ses créations musicales.

En février 2023, le couple part pour le Gabon, pour y rencontrer la famille de Yannick, dans la région de Libreville. Après un mois passé dans ce pays de l'Afrique centrale, retour en France.

Elle croit avoir le covid

Rapidement, Lucie ressent des symptômes grippaux, qu'elle va soigner avec du paracétamol. Elle pense avoir contracté le covid et s'endort en espérant que le médicament et un peu de repos suffiront à la rétablir. Ce que lui conseille d'ailleurs un médecin du centre 15. Mais elle n'a pas pensé à signaler qu'elle revenait du Gabon. 

Mais Lucy fait deux malaises vagaux. 

Des cas importés très rares

Lors de son rendez-vous chez son médecin généraliste, le praticien prend sa tension : 6 ! C'est la première fois qu'on évoque la possibilité du paludisme, une maladie infectieuse transmise par le moustique anophèle.

Les cas sont très rares en Pays de la Loire, nous a-t-on expliqué à l'Agence Régionale de Santé. Environ un par an. Les laboratoires sont cependant chaque année alertés sur cette possibilité, car le paludisme est une maladie à déclaration obligatoire.

Lucie est transportée aux urgences du centre hospitalier de Saint-Nazaire.

Des analyses seront faites qui confirmeront le palud.

"Un interne m'a dit que j'avais un palud sévère."

Lucie Retail

Lucie ne s'inquiète pas pour autant. "J'étais dans le déni" dit-elle. Pourtant, le taux d'infection est élevé et elle est prise en charge par le service de réanimation. Voulant avoir plus de détails, la patiente demande à voir un interne. Elle se souvient de la réponse, tout aussi claire que l'était la question :

"Les reins sont touchés, le foie est touché, les prochains, ce sont les poumons et ça peut aller jusqu'au cerveau et c'est la mort" lui explique l'interne de service.

Le sang commençait alors à se retirer des extrémités pour sauver les organes vitaux. Lucie constate que ses pieds se refroidissent. Elle ne les sent plus. Même chose pour les mains.

"J'ai eu de la chance"

"Il y a très peu de cas comme celui-là. Je n'ai pas eu de chance, dit Lucie. Mais j'ai eu de la chance".

Cette contradiction est l'ADN de cette femme étonnante, capable de voir du positif dans le cauchemar qui la submerge. La suite le montrera.

Plongée à deux reprises dans un coma artificiel pour éviter la douleur des membres qui, peu à peu, se nécrosent, et pour supporter la charge de médicaments qui vont lui sauver la vie, elle a le souvenir de la voix de son compagnon Yannick, lui parlant de son quotidien, lui demandant de revenir.

"La douleur quand le sang se retire des membres est innommable !"

Lucie Retail

Lucie se réveillera pour prendre une décision. L'amputation ou le risque de septicémie et la mort. Est-ce un choix ?

Lucie choisit de vivre pour ses trois enfants âgés de 5, 13 et 16 ans. La danseuse va d'abord être amputée de ses deux pieds couverts de plaies, puis la pianiste de ses deux mains devenue noires, "comme celles d'une momie" rit-elle.

Le 4 mai, jour de ses 42 ans, elle passe à nouveau dans le bloc opératoire. Après les hôpitaux de Saint-Nazaire et de Nantes, ce sera à la clinique Jules Verne, opérée par le Dr Edward de Keating Hart, spécialiste en chirurgie orthopédique.

"Je dansais trois à quatre heures par semaine, plus le fitness. Ça m'a beaucoup aidé.

Lucie Retail

Lucie a peur. Comment va-t-elle réagir en se réveillant ? Mais, à nouveau, sa combativité prend le dessus. 

"Je démarrais ma 43e année avec un corps clean !" déclare-t-elle en souriant.

Depuis ce jour, la vie de Lucie Retail est faite de séances de rééducation, de travail de remusculation. Son mental, mais aussi son corps tonique de danseuse, lui ont permis de supporter la situation.

"On apprend à compenser avec les cuisses, les fessiers, les abdos, les dorsaux."

Lucie Retail

Lucie est ensuite équipée de prothèses aux jambes (qui sont amputées en dessous du genou) pour pouvoir se déplacer.

"Je me sentais à genou sur des échasses, s'amuse-t-elle. Je me suis dit que jamais je n'allais y arriver. Mais les progrès ont été fulgurants. J'étais fatiguée par les exercices, mais je sentais à nouveau mon corps. C'était ça mon premier souffle de vie."

Lorsqu'elle raconte ce chemin de douleur, il n'y a aucune colère dans la voix de Lucie. Parfois des larmes montent dans ses yeux clairs, mais le sourire revient vite et éclaire son visage.

"Avant, reconnait Lucie, j'avais un objectif de chiffre d'affaires. Maintenant, j'ai envie de me donner du temps. Je suis obligée de donner du sens à ce que je fais. J'ai compris dans tout mon être qu'on ne maîtrise pas sa vie. On veut la maîtriser parce qu'on a peur. Mais cette chose créatrice qu'on a en nous, nous envoie des messages pour qu'on grandisse en sagesse."

Une force supérieure

Et c'est là que s'exprime encore l'étonnante combativité de Lucie. Victime quelques années auparavant d'une tumeur au pancréas puis d'un accouchement très prématuré de sa fille, née à six mois de grossesse, Lucie qui vit là une nouvelle épreuve, n'abandonne pas.

Lucie dit ne pas être chrétienne, mais est convaincue d'une "force" qui nous est supérieure, et qui est en chacun de nous.

"Il y a des événements qui nous sont envoyés par bienveillance pour qu'on développe nos capacités de cœur, est-elle convaincue. On n'est pas ici pour profiter d'une vie matérielle. C'est peut-être le cadeau que m'a fait cette histoire."

Tout de même. Il arrive à Lucie de se mettre en colère. Elle se l'autorise. Comme ce jour, chez elle, où l'une de ses prothèses s'est détachée alors que son mari venait de quitter le domicile pour plusieurs heures. Comment allait-elle faire pour remettre cette prothèse de jambe sans ses mains ? La colère l'a submergée.

Et puis elle a décidé de tenter de remettre cette sacrée prothèse. Vingt minutes de travail acharné avec ses bras amputés, raccourcis, sans possibilité de faire dans le détail... et elle y est arrivée. Ce n'était pas parfait, mais elle pourrait se déplacer, ne pas rester dans ce lit, en position couchée toute la journée. Cela lui rappelait trop de mauvais souvenirs.

Passer par la colère pour rebondir

"La colère ? Ça me permet de passer plus rapidement à la combativité, déclare Lucie en riant. Je me déleste de ce qui m'alourdit".  

L'un des buts qu'elle s'est donnée, pour le moment, est de trouver l'argent pour acheter un véhicule adapté et financer toutes les autres dépenses liées à son handicap. Notamment deux prothèses de main polydigitales, plus évoluées que celles proposées par la Sécurité Sociale et des chevilles "offrant plus d'amorti et plus de rotation pour la danse". Passion à laquelle, elle n'a pas renoncé. Lucie a ouvert une cagnotte en ligne qui semble bien fonctionner déjà. 

Quant à sa vie avec sa famille, Lucie reconnait que cette épreuve a resserré les liens. 

"Mes proches sont parfois trop protecteurs, s'amuse-t-elle. Ils ont du mal à me voir galérer ou en échec. Mais l'échec fait partie de mon quotidien."

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