Elles fleurissent aux fenêtres, aux balcons, ou s'accrochent en ville. Des banderoles exprimant une colère sociale, dont les contours dépassent la seule question de la crise sanitaire. Lundi soir, certains ont suivi l'appel à manifester plutôt que le discours du président de la République.
"Cela fait des années qu'il ne nous écoute pas, alors je ne vois pas pourquoi on l'écouterait." Au téléphone, Medmed, @mhdbyns sur les réseaux sociaux, explique pourquoi il manifestera, mégaphone à la main, pendant l'allocution télévisée d'Emmanuel Macron.
Il se souvient des derniers mois, des manifestations d'urgentistes ou de pompiers réprimées dans la rue. Des lits fermés dans beaucoup d'hôpitaux. Des défilés de gilets jaunes, auxquels il a participé à Nantes, ou des manifs contre la réforme des retraites, mouvement qui s'est conclu par un passage en force à l'Assemblée avec l'aide de l'article 49.3.
Concert de casseroles à 20h
Alors, à 20h, pendant que le président délivre son message aux français, depuis un des immeubles du quartier Pirmil à Nantes, Medmed ambiance les tours aux alentours : "Ce soir, y’a le petit Manu qui vient pour faire un discours mais moi, j’ai pas envie de l’entendre ! Et vous?
-Non ! répond une voix de femme à une fenêtre en face.
-Alors on va faire du bruit, pour les soignants, pour le services publics et pour les travailleurs en général !"En bas, sur le parking, une femme, deux petits chiens en laisse, alpague le manifestant : "Merci ! Je fais partie des personnels soignants, merci de nous applaudir tous les soirs !"
Du balcon de Medmed, une enceinte diffuse maintenant de la musique : "On lâche rien", dit la chanson. Medmed et sa copine dansent en tapant sur des casseroles.
En face, on entend du djembe, des sifflets, quelques "Macron, démission !" qui fusent ici et là.
Sur le parking, un homme promène deux poêles à frire qu'il frappe l'une contre l'autre comme des percussions, puis il s'éloigne, le poing levé.
Des pétards claquent dans le quartier, comme un feu d'artifice.
Impuissant mais déterminé
Pas vraiment militant, pas encarté dans un parti, l'instigateur de ce charivari se décrit comme un simple citoyen qui assume son devoir de mobilisation lorsque c'est nécessaire. Anticapitaliste, écologiste, il ne veut pas rester passif devant le changement climatique, et les mesures qu'il ne voit pas venir."Ce qui me choque, c'est que depuis plusieurs années, il y a eu des alertes, sur les épidémies comme sur le reste. Des épidémiologistes ont alerté sur le risque d'épidémies. En réponse, on a assisté à une casse du service public" explique Medmed, qui a aujourd'hui le sentiment d'assister, impuissant, à une tragédie.
Impuissant, mais déterminé : "J'ai vu un slogan, sur une banderole à Paris, qui résume bien mon sentiment, ça disait : vous ne confinerez pas notre colère."
"On essaie d'être créatifs"
Au début du confinement, il a commencé, comme tout le monde, à applaudir les soignants, puis il a commencé à crier des slogans. Il a sorti le mégaphone, et même projeté des messages en lettres lumineuses sur les façades des immeubles d'en face. "Mais avec le changement d'heure, la nuit tombe trop tard. On essaie d'être créatifs, d'apporter un petit moment chaleureux dans le quartier."
https://www.facebook.com/Nantes.Revoltee/videos/2919185681484359
Sur la sortie du confinement, Medmed n'est pas très optimiste : "J'ai vu comment s'est achevée la crise de 2008. Ce sont les citoyens qui ont payé pour les banques. Je pense que les élites protègeront une fois encore les intérêts des multinationales plutôt que les individus." Alors, à la sortie, même s'il pense que les rassemblements ne seront pas autorisés, il répondra présent aux différents appels, et quittera sa fenêtre pour aller dans la rue.