Emmanuel Macron aux Assises de la Mer à Nantes, les marins-pêcheurs n'en attendent rien

À la veille de la venue du président de la République aux Assises de la Mer à Nantes, quelles sont les attentes des marins-pêcheurs ligériens, sachant qu'Emmanuel Macron a prévu de parler souveraineté alimentaire ainsi qu' éolien en mer ? Espoir, confiance ou résignation ?

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Mardi 28 novembre 2023, Emmanuel Macron se déplace en Loire-Atlantique, il se rend à la Cité des Congrès de Nantes pour participer aux Assises de l'Economie de la mer.

Contacté par téléphone, le président du Comité Régional des Pêches des Pays de la Loire déclare n'avoir aucune attente puisqu'il n'est pas invité. Seuls le comité national des pêches et le comité national de la conchyliculture ont reçu leur invitation de la part des organisateurs.

La profession de marin-pêcheur est soumise à de fortes contraintes administratives et normatives ce qui nuit à son attractivité, d'un autre côté, c'est une profession dont l'authenticité et le cadre environnemental pourraient attirer les jeunes. L'avenir de la pêche en France est donc plus que jamais politique.

Des Assises de la Mer, à Nantes, sans représentants de la pêche de la région

Le président de la République évoquera plusieurs sujets à la mi-journée. Il abordera notamment la souveraineté alimentaire de la France et les aides à la décarbonation, sans oublier l'éolien en mer. Un domaine qu'il connaît puisqu'en septembre 2022, le chef de l'État avait inauguré le parc éolien de Saint-Nazaire, le premier champ éolien en mer français.

Pour cette 18e édition, les organisateurs de ces assises, Ouest-France et Le Marin, réunissent, mardi 28 et mercredi 29 novembre, représentants nationaux des pêcheurs, (Comité National des Pêches et Comité National de la Conchyliculture), constructeurs navals, armateurs, élus locaux et associations. Cette année, la thématique principale est la souveraineté française.

Un thème cher aux marins-pêcheurs des Pays de la Loire et d'ailleurs. Mais les représentants régionaux n'ont pas été invités.

La pêche en Pays de la Loire pas au mieux de sa forme

Nous avons joint ce 27 novembre par téléphone José Jouneau, le président du comité régional des pêches et des élevages marins (COREPEM) des Pays de la Loire.

On pourrait résumer les choses en disant que l'état du malade ne s'améliore pas, voire qu'il empire. Et ce pour plusieurs raisons, déclinées en quelques chiffres.

La pêche ligérienne, c'est tout d'abord une constellation de petites entreprises, familiales ou coopératives. 170 au total. Autant de familles qui partagent le sort du patron, de son bateau, de son équipage.

Le marin-pêcheur emmène également dans son sillage plusieurs professions à terre : mareyeurs, poissonniers, chantiers navals, criées, électriciens, électroniciens, chaudronniers, réparation navale, sans parler des métiers habituels permettant de se nourrir, se soigner, éduquer les enfants, etc.

La deuxième flotte de France

325 bateaux, petits et grands (7 m à 22 m environ), forment la flotte de la région. Une flotte régionale classée deuxième de France au niveau de la valeur de poisson débarquée, pour un prélèvement de 6 % de la richesse halieutique. De tels chiffres permettent de parler d'une pêche de qualité, plus que de quantité.

Particularité en Pays de la Loire : la civelle compte pour 27 % dans la dépendance économique de ces petites entreprises. Pour certains, on approche des 100 %, mais répartis sur l'ensemble de la flotte régionale, les revenus occasionnés par cet alevin de l'anguille pèsent l'équivalent d'un quart du chiffre d'affaires annuel. 

Les Pays de la Loire, c'est 22 points de débarquement de la pêche, de la Turballe aux Sables d'Olonne, mais aussi dans les petits ports du Bec, des Brochets, de l'Aiguillon sur Mer. Un vrai maillage territorial à l'année.

Plus de dépenses, moins de revenus, la santé devient fragile

Mais en 2023, les chiffres pleurent plus qu'ils ne rient : 2 000 tonnes en moins de poisson débarqué, soit 10 millions d'euros de chiffre d'affaires perdus. Rien que le port de La Turballe a vu 6 bateaux quitter sa flotte de pêche. Avec un PAI, certes. (Plan d'Aide Individuelle), mais les marins n'ont jamais demandé l'aumône. Au contraire, ils ne demandent qu'à vivre de leur travail.

Face à ces recettes en baisse, des prix de l'énergie qui flambent. Pour filtrer l'eau, garantir la chaîne du froid, et donc la qualité du poisson, on est passé de 400 000 à 2 millions d'euros : soit 5 fois la facture habituelle !

Ajoutez à cela le prix du carburant, revu à la hausse depuis le début du conflit en Ukraine, certes défiscalisé pour la pêche, mais pour combien de temps encore ? Le budget carburant est toujours déterminant pour la santé des entreprises de pêche.

Citons aussi les conséquences du Brexit, à l'origine de la disparition de nombreux bateaux désormais  interdits de pêche dans les eaux anglo-saxonnes. Certains n'ont pas survécu, d'autres se sont rabattus sur des zones autorisées, mais déjà exploitées par des navires français.

La pêche, c'est politique

Le président du comité régional des pêches a pu discuter avec le président de la République à deux reprises. Une fois, à l'occasion de l'accident du canot de sauvetage de la SNSM des Sables d'Olonne, survenu le 7 juin 2019.

Dix-sept minutes de dialogue, un soir, vers 22 h dans des circonstances très particulières.

Quand tu reçois un appel du président de la République un soir vers 22h, depuis son 06, ça fait tout drôle. Mais je dirais que j'ai parlé avec un gars normal.

José Jouneau

Président du Comité Régional des Pêches des Pays de la Loire

La seconde fois, c'était à l'occasion de l'inauguration du parc éolien de Saint-Nazaire. À la veille des Assises de la Pêche de La Rochelle.. ''On était en petit comité sur un bateau. Je devais faire une présentation. J'ai demandé si je pouvais m'exprimer sans filtre devant le président. Son entourage m'a répondu que oui, qu'il préférait, même. J'ai parlé vingt minutes, lui ai souhaité ''bienvenue chez nous'' (les marins-pêcheurs). J'ai dit ce que j'avais à dire, et le lendemain on apprenait qu'on pourrait percevoir une partie de la taxe éolienne.'' 

Dans un pays qui consomme 80 % de poisson importé (du saumon notamment) et qui exporte 70 % de son poisson vers des pays comme l'Italie ou l'Espagne, une telle taxe ne se refuse pas. Mais les marins-pêcheurs préféreront toujours une politique volontariste aux aides d'état.

"Nous avons le 2ème littoral au monde (la métropole + le littoral outre-mer) et des milliers de gens qui savent vivre avec la mer", poursuit José Jouneau. La pêche est un secteur historique. Alors, veut-on le conserver ? Veut-on conserver et faire vivre cette culture maritime ? Veut-on la vie dans les ports ou pas ? Si la pêche n'est plus là, quel avenir pour les ports, les structures portuaires, le tourisme, l'activité à l'année sur le littoral ?

Pour José Jouneau et les marins-pêcheurs des Pays de la Loire qu'il représente, une seule réponse politique suffirait : la souveraineté de la pêche française. Face à une vision de la Commission Européenne, face à une vision scientifique, face à une vision écologiste, il faut aussi une vision politique qui tranche, ''soit on veut que la pêche vive, et pas avec des deniers publics, soit on est prêts à sacrifier la pêche en France, mais dans ces cas-là, qu'on nous le dise ! ''

Le métier sauvé par la taxe éolienne ?

Dans un communiqué du 22 novembre 2023, le Comité Régional des Pêches des Pays de la Loire (COREPEM) nous informait du versement de cette taxe à son endroit.

''Les marins-pêcheurs des Pays de la Loire récoltent aujourd’hui le fruit de cette implication, puisqu’ils ont touché la part de la taxe éolienne en mer perçue par l’Etat pour l’exploitation de ce parc, d’un montant de 1,8 million d’euros (20 % de la taxe éolienne). Ce versement était prévu par la loi en compensation des effets indirects et induits par un projet d’une telle envergure sur la communauté de pêcheurs".

1,8 million d'euros, l'enveloppe paraît importante, elle fera du bien à la profession composée de dizaines de petites entreprises à l'avenir incertain. 

Le comité régional des pêches déplore des ''quotas instables, des accès à l'espace qui se réduisent, une réglementation toujours plus contraignante.

Une tendance qui se confirme d'année en année et qui, au fil du temps, infuse et pénètre dans les esprits, des familles, des jeunes. Même chez les marins-pêcheurs eux-mêmes.

Si ce versement représente un réel moyen d'action et de soutien à la pérennité des activités en mer, les marins-pêcheurs ont bien conscience qu'entre les quotas qui se décident chaque année à Bruxelles (en décembre) et les parcs éoliens en mer appelés à se multiplier (Emmanuel Macron en souhaite 50 en 2050), il va falloir batailler ferme pour continuer d'exister dignement.

Mais le comité régional des pêches dit apercevoir une petite lueur d'espoir à l'aube de l'éolien en mer français.

On entrevoit aussi un autre modèle de réglementation, plus horizontal, dans lequel nous pêcheurs pouvons exister

José Jouneau

Président du Comité Régional des Pêches des Pays de la Loire

"Aujourd’hui, même si l’on sait que nos professions sont menacées, on entrevoit aussi un autre modèle de réglementation, plus horizontal, dit José Jouneau, dans lequel nous pêcheurs pouvons exister, nous exprimer, être intégrés dans la prise de décision, et donc nous projeter".

L'avenir de la pêche passe également par les jeunes, inévitablement. Comment donner envie ? Comment motiver ?

Du lycée Jacques Cassard à Nantes au lycée Olivier Guichard à Guérande en passant par l'école des Pêches des Sables d'Olonne ou de l'île d'Yeu, les établissements sont prêts à former, à transmettre ce savoir-faire des métiers de la mer et de la pêche.

Mais rien ne se fait juste avec des annonces, il faut une volonté politique forte, locale, régionale, nationale. Les Assises de la Mer 2023 permettront-elles, par la venue du président de la République, de dévoiler cette volonté politique vis-à-vis de la Mer ?

Les marins-pêcheurs des Pays de la Loire ont appris à ne pas rêver, et à ne croire qu'aux promesses écrites. S'ils n'ont pas été invités à participer aux assises de Nantes, ils restent vigilants au sujet de tout ce qui touche à leur profession afin de pouvoir continuer à l'exercer dignement et transmettre l'envie aux jeunes générations.

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