Une industrie controversée d'exploitation minière des fonds marins verra peut-être le jour après les discussions débutées jeudi 16 mars à l'Autorité internationale des fonds marins. À Nantes, le groupe local de Greenpeace veut informer sur les dangers environnementaux de cette pratique, déconseillée par les scientifiques.
Lieux mystérieux, les fonds marins regorgent de ressources minières rares. Cette richesse suscite la convoitise de nombreux industriels, d'autant plus que l'exploitation des fonds marins bénéficie d'un vide juridique.
L'extraction de ces ressources n'est toutefois pas sans conséquence sur l'écosystème marin.
Pour sensibiliser et informer sur ce qui se trouve dans les abysses, Greenpeace se mobilise samedi 18 mars à Nantes. "Le but est d'en parler, de faire connaître ce sujet", explique Thomas Couïc, militant et bénévole à Greenpeace.
Le groupe local de Nantes déploiera une "installation visuelle" qui se déplacera au cours de la journée, accompagnée d'une bannière "Abysses : massacre imminent".
Rendez-vous est donné :
- au pied de la Grue Titan grise à 11h
- au pied de la Grue Titan jaune à 11h45
- au Miroir d'eau à 14h15 (l'horaire peut être modifié en cas de perturbations liées à la manifestation contre la réforme des retraites)
L'ONG invite aussi à signer une pétition contre l'exploitation minière des fonds marins.
Vous avez dit nodule polymétallique ?
Thomas Couïc affirme que les eaux profondes - entre 200 mètres et 6000 mètres sous la surface - sont peu connues.
"On y trouve des nodules polymétalliques qui contiennent du cuivre, du cobalt, du manganèse, ou du nickel. Ces métaux et minerais servent à faire des téléphones portables ou des voitures électriques", détaille-t-il.
Extraire des nodules des fonds marins n'est pas justifié, à l'heure où on encourage le recyclage.
Thomas CouïcMilitant bénévole à Greenpeace Nantes
Les nodules polymétalliques ressemblent à des amas de lave froide, des patates noires et cabossées. Pour les collecter, il faudrait envoyer des "machines de 130 à 200 tonnes" ratisser le plancher océanique.
Inconcevable pour l'ONG, qui estime que racler les fonds marins "détruirait la faune et diminuerait la capacité des abysses à capturer du carbone dans l'atmosphère", selon Thomas Couïc.
Un moratoire pour suspendre toute action d'exploitation pendant 10 ans
"C'est un environnement fragile, poursuit-il, et l'extraction de nodule est une solution de facilité à l'heure où on encourage le recyclage."
À l'instar d'autres activistes, Greenpeace milite pour le vote d'un moratoire qui suspendrait l'exploitation des fonds marins pendant une période de dix ans.
"Une interdiction définitive ne nous paraissait pas possible, ce n'est pas réaliste même si c'est l'objectif à terme, précise Thomas Couïc, Dix ans, ça permet de pouvoir faire des études supplémentaires".
Méconnaissance scientifique des fonds marins
La mobilisation de Greenpeace intervient en parallèle des négociations ouvertes jeudi 16 mars à l'Autorité internationale des fonds marins pour autoriser ou non l'exploitation minière des fonds marins.
Malgré l'interdiction française de cette pratique industrielle, "on ne maîtrise pas ce qui peut se passer dans d'autres zones économiques exclusives", commente Pierre-Marie Sarradin, responsable de l'unité de recherche Étude des écosystèmes profonds à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer).
Le scientifique avance que les connaissances des écosystèmes en eaux profondes ne sont pas suffisamment poussées pour permettre leur exploitation.
"Nous travaillons sur les impacts potentiels, mais nous ne sommes pas encore en capacité de les quantifier ou de déterminer des seuils d'alerte", déclare-t-il.
Les nodules polymétalliques, mais aussi les sulfures hydrothermaux et les encroûtements cobaltifères offrent des zones dures, "comme des roches", pour accueillir des écosystèmes encore méconnus.
Nous travaillons sur les impacts potentiels, mais nous ne sommes pas encore en capacité de les quantifier ou de déterminer des seuils d'alerte.
Pierre-Marie SarradinBiologiste marin
Selon Pierre-Marie Sarradin, "enlever les nodules pourrait conduire à une disparition d'un habitat d'organismes des fonds marins, et peut-être à leur disparition, alors qu'on ne connaît pas le rôle qu'ils peuvent jouer dans le fonctionnement global de l'océan".
Les impacts de l'exploitation minière des fonds marins peuvent être nombreux : introduction de lumière dans un environnement naturellement sombre, perturbation sonore, nuages de particules provoqués par l'extraction…
Prudence est donc mère de sûreté pour les scientifiques, car le doute plane sur "la possibilité de perturber un équilibre qu'on a du mal à appréhender".