Grève contre la réforme des retraites : un 23 mars sous haute tension, blocages et manifestations à Nantes, Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon

Au lendemain de l’intervention d’Emmanuel Macron confirmant sa volonté de mettre en application la loi sur la réforme des retraites, ce jeudi 23 mars est une nouvelle journée de mobilisation pour les opposants.

Dès les premières heures de la matinée, les points de blocage sont redevenus actifs sur l’agglomération de Nantes.

Ainsi, devant l’entrée de l’usine des eaux, boulevard de Seattle, la circulation a été filtrée voire stoppée par un groupe hétéroclite composé notamment de salariés de la Métropole et de jeunes venus prêter main forte.

On signalait aussi le blocage du lycée Clémenceau, un rassemblement en soutien à des postiers grévistes convoqués devant le tribunal… Ailleurs, c’était le blocage du lycée Nature à La Roche sur Yon, des incidents devant le lycée Aristide Briand à Saint-Nazaire, un rond-point bloqué à Sablé-sur-Sarthe et aussi une coupure d'électricité à l'Hôtel de région à Nantes, provoquant la colère de la présidente Christelle Morançais.


A noter qu'à Angers, suite à des incidents lors de précédents rassemblements, le préfet du Maine-et-Loire a interdit toute manifestation devant l'entrée de la Préfecture, Place Michel Debré, de 14h à 0H00 ce jeudi.

A Segré, la route départementale 775 qui mène au Lion d'Angers était bloquée ce jeudi matin par les manifestants.

A Cholet, après les prises de parole, le cortège est parti à 10h de la Place Travot avec notamment, un tracteur pour ouvrir la marche des manifestants.

Un cortège composé des syndicats et de nombreux jeunes, mais aussi de retraités. On donne le chiffre de 4000 manifestants.

"Il a mis de l'huile sur le feu !"

"Métro, boulot, tombeau" pouvait-on lire sur une pancarte, où "Plutôt mourir debout que de vivre à genoux".

Stella, 51 ans, infirmière, espère encore que la loi sera "dégagée" dit-elle. Stella a pu voir une partie de l'interview d'Emmanuel Macron mercredi, avant de reprendre le travail. "Il a mis de l'huile sur le feu !, conclut-elle, il nous a cassés plus qu'autre chose."

"Qui veut partir avec une décote ?"

Yann, 36 ans, aiguilleur à la gare de Cholet, dit avoir participé à toutes les journées de grève depuis le début de ce mouvement. 

"On va aller jusqu'au bout et on va gagner, assène-t-il. Même s'il reconnait que ça a un coût pour lui. Je préfère manger des patates pendant un mois que de perdre deux ans de ma vie. Avec nos horaires particuliers, à 50 ans, on est sur les rotules."

Ce cheminot explique qu'avant la réforme, le taux plein était à 62 ans pour les gens de son statut et elle passe à 64 ans.

"Qui veut partir avec une décote ? interroge-t-il. Il n'y a pas beaucoup de monde !"

A Fontenay-le Comte, en Vendée, la manifestation est partie de la Place de Verdun, dans le centre-ville. On comptait un bon millier de personnes.

Pour Thierry, soignant qui a participé à toutes les actions depuis janvier, ce qui se passe aujourd'hui est dans la suite des contraintes subies lors de la crise du Covid et du confinement.

"On vit comme peut-être ont vécu des rois lors de batailles paysannes" déplore-t-il.

Thierry, qui a 48 ans, estime qu'il faut bloquer le pays pour tenter d'obtenir le retrait de cette réforme. "Il faut vraiment qu'on montre les dents dit-il. Je sais pertinemment que, soit on met le système à terre et j'aurai ma retraite, soit je ne l'aurai pas."

Lacrymogènes à Saint-Nazaire

A Saint-Nazaire, des milliers de manifestants (9 000 selon la préfecture de Loire-Atlantique) ont convergé vers la place de l'Amérique Latine. En tête de cortège, la banderole de l’intersyndicale suivie de trois tracteurs de la Confédération Paysanne. Arrivaient ensuite les différentes formations syndicales, mais aussi beaucoup de citoyens anonymes et non encartés. 

A proximité de la sous-préfecture, le cortège a reçu quelques grenades lacrymogènes qui ont contraint de nombreux manifestants à faire demi-tour et prendre des rues adjacentes pour rejoindre la partie avant du cortège.

Au fil des rues qu'empruntait le cortège on pouvait constater des rideaux de commerces baissés avec des écriteaux signalant une participation au mouvement de protestation.

A Nantes, le rendez-vous était donné, comme à chaque grand rassemblement, devant le miroir d'eau, près du château.

►images du cortège au départ du château de Nantes

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Le cortège des manifestants à Nantes ©France Télévisions Cyril Dudon

Et ce jeudi 23 mars, on constatait à nouveau une marée humaine sur place. 25 000 personnes selon les chiffres de la préfecture.

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Manifestation réforme des retraites Nantes 23 mars 2023 ©France Télévisions Pacôme Le Mat

En fin de manifestation des heurts ont eu lieu à proximité du CHU de Nantes où les forces de l'ordre ont dû se mettre à l'abri à l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital avant l'arrivée de renforts.

On signalait aussi un départ de feu au niveau du tribunal administratif dont l'entrée a été forcée par des manifestants. Le feu alimenté, par des poubelles, a été rapidement éteint par les sapeurs pompiers.

Vers 15h, il y avait toujours des heurts vers la place du commerce, pas mal de dégradations par des jets d'objets et des personnes touchées aux jambes par des tirs de LBD.

Un syndicaliste croisé sur la manifestation se dit inquiet sur la suite des événements. Il craint que face au refus d'Emmanuel Macron de retirer sa réforme, les manifestations risquent d'être de plus en plus violentes.

"On sent bien que c'est un va-t-en-guerre, dit-il, il y a aussi des risques de ce côté-là."

"Ça a été un sketch son discours !"

Ce que confirme Christophe Jouanneau, secrétaire général de la CGT mines énergie 44 :

"On voit très bien que l'appareil répressif est en route, estime-t-il. L'ensemble des organisations syndicales a prévenu Macron depuis le début du mouvement que, à un moment, ça allait partir en live ! Hier après-midi, ça a été un sketch son discours. Il a encore mis de l'huile sur le feu. On regrette d'en arriver là, mais c'est vraiment de leur faute."

Nadine, une manifestante, constate les affrontements et dit, elle aussi, regretter cette violence.

"Je ne suis pas pour les casseurs, tient-elle à préciser, mais là, je comprends cette violence. Et vu ce qu'a dit le président hier, il y a de la provocation." 

Pour elle, la violence est dans les deux camps et seul un retrait de la réforme pourra y mettre fin.

"Je ne pense pas que ça se calmera, craint-elle, sauf si Monsieur Macron décide de dire : peut-être qu'on a fait une erreur. Mais je ne l'imagine pas dire une chose pareille."


Une autre manifestante estime pour sa part que le Président Macron et son gouvernement "mènent une politique pour les riches. Il ne savent même pas ce que c'est de vivre avec rien. Ils se rendent pas compte qu'on produit tout avec notre travail et ces richesses-là, on n'en profite pas".

Même point de vue chez cette autre femme : "C'est une réforme qui va détruire la vie des gens, déclare-t-elle. Il faut que le mouvement évolue vers plus de grèves, plus de blocages pour leur faire comprendre que ce pays tourne grâce aux travailleurs et aux travailleuses. C'est eux qui produisent la richesse, qui font fonctionner le pays. On ne bossera pas jusqu'à la mort !"

"Ils ont tout fait pour provoquer cette colère qui ne cesse de grandir"

Christophe Jouanneau

Secrétaire général de la CGT mines énergie 44

1 600 personnes ont manifesté à Châteaubriant et 3 700 à Ancenis (chiffres de la préfecture de Loire-Atlantique)

Au Mans, le départ de la manifestation était en début d'après-midi place des Jacobins, pour un défilé en direction de la gare et retour.

A La Roche-sur-Yon, une estimation syndicale parle de 18 000 manifestants partis du boulevard Antoine Tortat.

"On continue sur des niveaux de mobilisation très importants, constate déclare Antoine Lelarge, le secrétaire général de la CFDT du Maine-et-Loire, présent dans le cortège à Angers. C'est important de maintenir la pression face à un exécutif qui dit qu'il est déterminé. Mais nous aussi, on l'est depuis le début. Dans les semaines à venir, il faut s'attendre à ce qu'il y ait toujours des mobilisations fortes."

Antoine Lelarge estime que le Conseil Constitutionnel aurait matière à retoquer la loi.

André, 51 ans, travaille dans l'usinage, dans une petite entreprise. C'est la première mobilisation pour lui. Il est venu avec plusieurs de ses collègues pour participer à la manifestation de ce jeudi à Angers.

"On en a marre de se faire avoir, déclare André, et puis travailler jusqu'à 64 ans, ça ne me plait pas trop. J'aimerais bien finir plus tôt. J'aime bien ce que je fais mais j'ai envie de vivre aussi après le boulot. En profiter."

"Moi, je me suis battu pour les retraites !"

Dans le cortège angevin également, Guy, qui va avoir 90 ans en juin prochain. Ce militant de la CGT depuis 70 ans, dit-il, est venu pour soutenir ses camarades.

"Je suis contre la politique menée par ce gouvernement concernant les retraites, affirme Guy. Moi, je me suis battu pour les retraites. 1945, je connais ! A chaque fois qu'elles ont été remises en cause, je me suis battu. L'intervention du président ? Il se fout de notre gueule ! Macron c'est le président des riches."

9 000 personnes ont défilé à Angers, selon la police, 16 000 les syndicats. Dans une ambiance calme majoritairement puis des incidents ont éclaté en fin d'après-midi.

"C'est du jamais vu sur Angers, témoigne un Angevin d'une soixantaine d'années. J'ai fait les Gilets Jaunes, ça avait été chaud quand les Nantais étaient descendus, avec les travaux du tram tout avait été viré. Là, sur Angers ce soir, voir ça, c'est du jamais vu, Angers c'est réputé les manifs, pour être calme. Si ça chauffe comme ça ici, ça veut dire que dans le reste de la France, je n'ose même pas imaginer ce qui se passe"

► fin de manifestation agitée à Angers

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Manifestation Angers réforme des retraites 23 mars 2023 ©France Télévisions Jérémy Armand

On signale notamment quelques feux de poubelles et de la casse de mobilier urbain. Les forces de l'ordre ont employé également des gaz lacrymogènes en fin de manifestation sur le boulevard Foch.

Olivier Quentin avec Damien Raveleau, Lucie Marcon, Maxime Jaglin, Fabienne Béranger, Cyril Dudon et Christophe François.

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