Grève dans l'Éducation nationale. "Nous ne trierons pas nos élèves ! ", martèlent les enseignants

Une nouvelle journée de grève dans l'éducation nationale, ce mardi 6 février, contre les groupes de niveau en mathématiques et en français. La mesure cristallise la colère du monde enseignant. Ils se sont rassemblés devant l'inspection académique de Nantes avant de manifester

Ils sont de nouveau dans la rue. Après une première journée de grève le jeudi 1ᵉʳ février, les enseignants remettent ça ce mardi 6 février. La colère ne retombe pas. Au centre des revendications, le "choc des savoirs", et la mise en place de groupe niveau en mathématiques et en français. La mesure ne passe pas.

Le 1ᵉʳ février, les personnels ont largement dénoncé "le mépris de la ministre pour l’École
publique, mais aussi les politiques qui organisent une forme de séparatisme scolaire et social". Ce jour-là, réunis en assemblée générale, 200 personnes ont décidé depuis

Parmi eux, Clément Brochard, instituteur en classe de CM1 et cosecrétaire de Sud-Éducation 44.

Nous avons besoin d'inscrire un rapport de force dans la durée. C'est le seul langage que comprend ce gouvernement. Si on n'arrête pas de travailler, ils ne nous écouteront pas

Clément BRochard

Enseignant en CM1, cosecrétaire Sud-Éducation 44

La politique menée par Amélie Oudéa-Castéra et Gabriel Attal suscite une grande incompréhension chez les personnels, notamment sur la question des salaires.  "Les mesures prises ne permettent même pas un rattrapage des pertes de ces dernières années. Le pacte n’est pas de la revalorisation, mais une charge de travail supplémentaire et une attaque contre notre statut", affirme l'intersyndicale.

"Un projet qui s'attaque aux classes populaires et défavorisées"


Le choc des savoirs est au cœur de la contestation.

Il dessine les contours d’une école passéiste et conservatrice. A travers les groupes de niveaux, c’est l’École du tri social qui se met en place.

Intersyndidale, CGT, SUD, SNES-FSU éducation

"Nous n’avons pas choisi ce métier pour trier les élèves, mettre à l’écart les élèves les plus en difficultés, voire les élèves en situation de handicap ou allophones !", s'indigne l'intersyndicale.

"Toutes les études montrent que répartir les élèves par niveaux, est une mesure inefficace pour les faire progresser et c'est aussi très stigmatisant, donc c'est rejeté en masse par la profession", explique Clément Brochard.

Pour l'enseignant, cette notion de tri est inaudible. "C'est catastrophique, on ne l'appliquera jamais, cela va à l'encontre même de notre métier et des valeurs portées par l'école publique".

"On est sur un système qui s'attaque aux classes populaires et défavorisées et ça on le refuse", déplore pour sa part Bernard Valin, cosecrétaire du FSU et enseignant Segpa en collège.

Ça rompt le principe même d'égalité de l'école. Le gouvernement fait le choix. Les enfants des élites et des classes bourgeoises iront au bac + 3 et les autres au bac - 3, on en fera de la chair à patrons !

Bernard Valin

Enseignant en collège classe Segpa, cosecrétaire FSU 44

"Une école à l'anglo-saxonne"

"On est vraiment sur un projet d'école à l'anglo-saxonne. Ça remonte loin, à loi Fillon de 2005. Ce n'est pas quelque chose qui sort comme ça du chapeau. Il y a une accélération très très forte", précise le syndicaliste.

"On est sur un projet qui dégrade fortement l'école. Et pendant que l'on parle de ça, on ne parle pas du reste, de la baisse des effectifs, de l'arrêt de la formation des personnels. Nous n'avons plus de formation, à aucun moment, on se met autour d'une table avec d'autres collègues pour échanger sur nos pratiques, se projeter sur des choses. Tout ça s'est fini !", se désole Bernard Valin.

On avait la liberté pédagogique. Là, on a un gouvernement qui nous empêche. Il fait de nous des tâcherons. Nous ne transmettrons plus des savoirs, mais des compétences

Bernard Valin

Cosecrétaire FSU 44, enseignant spécialisé Segpa en collège

"Le démantèlement du service public de l'Éducation"

"Ce projet, c'est celui de la fin du démantèlement du service public de l'éducation. Et à aucun moment le financement du privé n'est évoqué, on ne parle de la fin de la mixité sociale et de la démocratisation scolaire, ça, c'est le poids du privé, c'est l'école privée pour ce qui se profile, c'est, c'est l'école privée pour les riches et l'école publique pour les pauvres, ", souligne Bernard Valin.

Le déficit de recrutement va être aggravé, plus personne ne voudra passer le concours

Bernard Valin

Cosecrétaire du FSU 44, enseignant spécialisé Segpa en collège

"Nous ce que l'on demande, ce sont des postes", ajoute Clément Brochard

La problématique principale, c'est celle-là. On a des classes parmi les plus chargées en Europe. Et des enseignants parmi les moins bien rémunérés

Clément Brochard

Enseignant en CM1, co-secrétaire Sud-Éducation

"Ça devient très difficile de se projeter, on a trop d'élèves dans nos classes, on n'est pas remplacés quand on est malade, on n'est pas remplacé parce qu'il n'y a pas assez d'enseignants", ajoute l'enseignant.

Le modèle imposé est celui de la régression sociale avec un relent d'autoritarisme

Clément Brochard

Enseignant en CM1, co-secrétaire départemental, Sud-Éducation

"On ne veut pas d'uniformes, on veut des postes ! "

Le service national universel et le port de l'uniforme sont aussi rejetés en masse. "Nous, on ne veut pas d'uniformes, on veut des postes !" , ajoute le syndicaliste.

Notre seule arme, c'est d'être massivement en grève, de fermer les écoles. C'est regrettable d'en arriver là, mais si on ne bloque pas, on ne sera pas entendu

Clément Brochard

Enseignant en CM1, co-secrétaire Sud-Éducation 44

"On sait que c'est un combat qui se construit sur le temps long, mais on est sur une dynamique de lutte, conclut", Clément Brochard.

Les moyens d'action, les enseignants en ont. "Boycotter les conseils de classes par exemple, ça peut gripper la machine", assure Bernard Valin. "On peut aussi voter contre le projet de dotations horaires et en proposer un autre, il y a des moyens de lutte en interne. On peut aussi bloquer notre outil de travail. Si on ferme pendant quinze jours, les parents vont trouver le temps long quand ils ne pourront pas aller bosser. Il faut qu'ils se mobilisent et nous soutiennent."

Les instances syndicales se retrouveront dans les jours à venir pour décider de la reconduction du mouvement après le 19 mars.

En attendant, un nouvel appel à la grève est lancé le 15 février prochain, jour de l'annonce de la nouvelle carte scolaire. Et Bernard Valin prévient, "les profs, s'ils sont désabusés, ne sont pas résignés."

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