“Je n’ai pas vu de médecin depuis un an”, les habitants de ce quartier toujours sans généralistes

Un an s’est écoulé, et toujours pas de médecin dans le quartier du Clos-Toreau, situé au sud de Nantes. Face à ce désert médical, les habitants se sont mobilisés. Après de nombreuses discussions avec les élus, la CPAM et l’ARS, la construction d’une maison médicale dans le quartier redonne de l’espoir.

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Un an que Nadia n’a pas vu de médecin. Habitante du Clos-Toreau depuis 2017, elle, tout comme les 1 500 autres habitants de ce quartier du sud de Nantes, s'est retrouvée sans médecin.

Le 16 décembre 2023, après 34 ans à soigner les habitants du quartier, la docteure Schreiber a décidé de s’en aller, non pas en raison d’une prétendue “insécurité”, comme certains ont pu le penser, mais pour prendre sa retraite. Refusant la “fatalité d’un désert médical”, les habitants se sont mobilisés.

"Pour mes enfants, c'est le docteur Audo à Vertou, moi, depuis que le médecin a quitté, je ne suis jamais allé”, nous explique-t-elle, son fils dans les bras.

Le docteur Audo exerçait auparavant au Clos-Toreau, dans le même cabinet que la docteure Schreiber. En janvier 2023, il saisit l’opportunité de pratiquer la médecine près de son domicile à Vertou. La praticienne se retrouve seule face à une charge de travail ingérable qui la pousse à partir.

Pour consulter à Vertou depuis Clos-Toreau, il faut compter 20 à 30 min de bus et 300 mètres à pied le long de la nationale, épuisant quand on est avec une poussette et des enfants en bas âge, impensable quand on est une personne à mobilité réduite. 

Elle perd ses droits à la prise en charge par la Sécu

Jean-Luc Landas

Militant de la Ligue des droits de l’homme

Pas de temps pour Nadia de consulter un médecin, elle doit faire autrement : “Si j’ai mal à la tête, au ventre, quand j’ai la grippe… je prends des médicaments à la pharmacie”.

Résultat : tout est à sa charge, comme le souligne Jean-Luc Landas, militant de la Ligue des droits de l’homme et membre du collectif nantais pour le droit à la santé et la protection sociale pour toutes et tous : “Elle perd ses droits à la prise en charge par la Sécu”.

Des habitants mobilisés 

Le cas de Nadia est “révélateur “ de la situation de tout un quartier. Face à cette urgence, plusieurs actions ont été menées par les habitants depuis un an.

Dans un premier temps, l’enjeu était de répondre à “l’urgence à court terme”. Des permanences ont donc été mises en place, encadrées par le collectif nantais pour l’accès à la santé et la protection sociale pour toutes et tous, afin d’aider les habitants à retrouver un médecin traitant. Organisées initialement quatre fois par semaine, elles se tiennent désormais tous les lundis, de 14 h à 15 h.

Ça a permis à pas mal de gens de retrouver un médecin. Avant ça, les gens faisaient des démarches chacun de leur côté et au bout de trois appels téléphoniques, ils se décourageaient. Il y avait des personnes qui n’étaient pas en capacité de faire ces démarches par téléphone parce qu’elles ne parlaient pas bien français. C’était très compliqué”, souligne Anne Gruand, responsable du CVLC et habitante du quartier.

Dans un second temps, après des réunions entre habitants, il a fallu “mobiliser les élus et le monde médical”. Le 23 janvier 2024, le quartier publie une vidéo sur YouTube intitulée “On a besoin de médecins au Clos Toreau (Nantes sud)”.

Le but de cette vidéo explique Emeline Diarra du CVLC et habitante du quartier, “était de montrer que notre quartier était sympa et que ça valait le coup de venir s’y installer”.

“On est carrément discriminés !”

Diffusée en bande-annonce au cinéma Bonne Garde et au cinéma Vaillant, la vidéo a également permis de “lutter contre les stéréotypes et d’enrayer les rumeurs”, constate Anne Gruand.

"Au Bonne Garde, quelqu’un m’a dit : “Moi, je pensais qu’elle était partie parce qu’elle avait trop de violence.” Et en fait, la petite vidéo de deux minutes explique bien : “On a un petit problème : on n’a plus de médecin, elle est partie à la retraite”.

Ces stéréotypes viennent alimenter la difficulté, déjà existante, de trouver un médecin. Madame Nauleau habite le quartier depuis des années. Quand il a fallu trouver un praticien, elle a été confrontée, comme beaucoup d’autres, à des discriminations, dès lors où elle mentionnait d’où elle venait.

"Pour retrouver un médecin, je suis allée dans un cabinet. J’étais avec une dame qui était voilée. Quand on a dit qu’on habitait le Clos Toreau, la secrétaire a tout de suite dit “NON”. Puis, elle s’est reprise et nous a dit : “Ah non, on n’a plus de place”. Mais quand j’ai dit Clos Toreau, ça l’a douchée tout de suite, comme si j’avais le choléra". 

Ainsi, madame Nauleau a dû trouver des tactiques : “Quand on me demande d’où je viens, j’ai appris à dire “44 200” ou que “ce n’est pas très loin de l’hôpital Saint-Jacques”. Mais je ne dis pas le quartier”. À ses côtés, Marie-Christine Ramjanally, également habitante du quartier, atteste : “On est carrément discriminés !”

Un futur pôle de santé qui redonne de l’espoir

Aujourd’hui, au Clos Toreau, 113 personnes n’ont toujours pas trouvé de médecin traitant, dont 14 en affection de longue durée, selon la CPAM. Un constat alarmant qui reflète une réalité mise en lumière par Anne Gruand.

“Dans les quartiers prioritaires de la ville de Nantes, il y avait quasiment deux fois moins de médecins que dans les autres quartiers de Nantes. C’est-à-dire que dans les quartiers populaires, c’est vachement plus grave”.

La mobilisation des habitants, du CVLC, et du collectif nantais pour le droit à la santé et la protection sociale pour toutes et tous a permis de médiatiser cette urgence. Ainsi, la construction d’un futur pôle de santé au Clos Toreau est prévue pour 2026.

Ce pôle devrait être implanté dans un ancien foyer du quartier, rue d’Ascain, et accueillir trois médecins, une infirmière et une psychologue. De quoi rétablir, pour de bon, le droit et la facilité d’accès aux soins pour tous les habitants du Clos Toreau.

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