A l'occasion de la Journée mondiale des réfugiés (20 juin), nous avons rencontré Youssef, 28 ans, qui a fui la guerre au Soudan. Titulaire du statut de réfugié, il est logé à Nantes par Jean qui lui a mis à disposition une chambre. L'association "J'accueille" est en recherche de familles disposant de possibilités de logement pour des réfugiés.
Lorsque les deux grandes filles de Jean ont quitté l'appartement, Jean s'est retrouvé avec deux chambres vides... et disponibles.
"J’avais envie de m’investir dans l’accueil de personnes en difficulté, de faire quelque chose de concret, pas du blabla, explique Jean. Quelqu’un qui n’a pas de logement, on prête un logement. Ça aurait pu être un mineur isolé. J’ai rencontré l’association".
Mettre en lien des réfugiés avec des personnes qui ont une chambre de libre
L'association, c'est "J'accueille". Créée en 2015 par l’ONG Singa et devenue autonome depuis 2022, elle est présente dans dix villes en France. Son but est de mettre en relation des personnes ayant un logement disponible, ne serait-ce qu'une chambre, avec des personnes réfugiées.
C'est en cherchant une idée pour se rendre utile, que Jean Audouin, 58 ans, qui habite dans le nord de Nantes, a trouvé les coordonnées de l'association.
"En janvier, raconte Jean, j’ai contacté l’association pour dire que j’étais prêt. Mais l’antenne de Nantes était fermée, c’est l’antenne de Rennes qui m’a contacté. J’étais très ouvert sur la personne, homme, femme, jeune ou pas."
Un accueil de trois à douze mois
L’accueil que met en place l'association se fait sur une période qui va de trois à douze mois, en lien avec un travailleur social pour que le réfugié ait accès à une formation, un emploi et un logement. Beaucoup viennent d'Afghanistan, du Soudan, de Somalie ou du Tibet.
"On forme les personnes qui souhaitent héberger, précise Laurine Le Floch, chargée de développement et de l’animation sur Rennes et Nantes. Il y a un suivi. On les a au minimum une fois par mois au téléphone ou on se rencontre. On leur apporte du soutien sur certaines choses, comme un interprète si besoin. On organise des sorties lorsqu’il y a plusieurs cohabitations dans une même ville, avec des places à des tarifs préférentiels dans des musées, des spectacles, pour faire découvrir la ville. Il n’y a pas de profil type chez les accueillants. Des actifs, des retraités, des hommes, des femmes. Ce qu’ils ont en commun, c’est la solidarité et une chambre disponible. Ce n’est pas un accueil canapé !"
Une convention et une charte sont signées par les parties prenantes. La plupart du temps, les réfugiés sont autonomes financièrement grâce aux minimas sociaux (RSA), ou du fait de leur emploi.
"On ne demande vraiment pas à l’accueillant de prendre en charge le réfugié"
"C’est juste un hébergement, ajoute Laurine. On ne demande vraiment pas à l’accueillant de prendre en charge le réfugié. Ça ne serait pas lui rendre service en lui faisant croire que tout est gratuit."
Plus qu'un logement toutefois, cet accueil permet aussi aux personnes réfugiées d'avoir un vrai contact avec la population locale. Pas une relation administrative comme elle peut en avoir avec l'assistance sociale ou la CAF, mais une vraie relation humaine, désintéressée, pour créer du lien social.
"Il y a la possibilité de rompre la convention à tout moment, précise Laurine, moyennant une ou deux semaines de délai pour trouver une nouvelle solution."
"Il m’a fait découvrir un plat soudanais"
C'est ainsi que Youssef, jeune Soudanais de 28 ans, a emménagé chez Jean en avril dernier. Dans cet appartement donnant sur un petit jardin, Youssef y dispose d'une chambre et d'une totale liberté pour organiser ces journées. De son côté, Jean poursuit sa vie, entre son travail et son engagement dans une compagnie de théâtre amateur. Les deux hommes se croisent plutôt le soir, car ils sont tous les deux des couche-tard.
"Il nous arrive de discuter le soir, raconte Jean. Il m’a fait découvrir un plat soudanais, j’ai mangé avec lui à 1h du matin. Je suis content d’aider, qu’il soit heureux. Ça ne me coûte rien, Youssef participe financièrement."
"On l’a agressé"
Youssef est arrivé il y a deux ans en France. Pour fuir la guerre au Soudan, il est passé par la Libye puis l'Italie.
"Je travaillais dans l’agriculture", raconte-t-il en faisant le geste pour montrer qu’il labourait. Son périple pour arriver en sécurité en France a été semé d'embuches et de violences.
"Quand il me raconte des choses sur sa vie, avoue Jean, par quoi il est passé en Libye, où on l’a agressé, où il a été accueilli avec des Kalachnikovs, je vois son courage. J’ai l’impression que moi, ma vie a été simple. Il a connu une autre réalité !"
Avec un ami, ils ont fait une demande de statut de réfugié à Paris. Puis son ami a été transféré à Nantes et lui a été accueilli dans un CADA (Centre d'accueil pour demandeurs d'asile) à Saintes, en Charente-Maritime.
Youssef a fait là-bas une demande à son assistante sociale pour aller à Nantes et elle l’a mis en relation avec l’association "J’accueille".
Une formation à venir
Depuis son arrivée, Youssef prend tous les jours des cours de français.
"J’ai rendez-vous avec mon assistante sociale pour parler formation, dit-il. Je voudrais passer un CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité)".
Youssef aimerait être cariste.
"Il aime bien tout ce qui est mécanique, constate Jean, c’est lui qui a tondu la pelouse, c’est fait nickel !"
Il est arrivé à Jean d'emmener Youssef à la gare où il avait un train à prendre. Dans son nouveau domicile (temporaire), le jeune Soudanais invite parfois aussi un ami.
"Je pense que ce qu’il apprécie ici, pense Jean, c’est d’avoir sa chambre, sa salle de bain. Il invite des fois des amis. Il peut rentrer à l’heure qu’il veut. On est assez indépendants l’un de l’autre, ça marche bien comme ça."
Une période pour créer du lien social et servir de tremplin
La convention signée avec l'association précise que l'accueil se poursuivra six mois.
"Le but, c’est d’être un tremplin jusqu’à ce qu’ils aient accès au logement social ou privé", explique Laurine Le Floch.
L'association recherche des familles d'accueil. On peut s’inscrire sur le site de Jaccueille.fr ou par l’adresse mail nantes@jaccueille.fr.
J’aime la rencontre aussi et, clairement, avec la montée du racisme, de la xénophobie, j’ai envie de faire quelque chose à mon échelle.
Jean Audouinaccueillant d'un réfugié à Nantes
"Pour un monde qui accueille les personnes réfugiées", c'est le thème de l'édition 2024 de la Journée mondiale des réfugiés ce 20 juin, sous l'égide des Nations Unies.
"Chaque minute, rappelle l'organisation mondiale, vingt personnes doivent tout abandonner pour échapper à la guerre, à la persécution ou à la terreur."
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