Les filaments de moules sont une matière organique aux qualités insoupçonnées. La société nantaise Bysco a mis au point un procédé pour le transformer en textile technique. Ses performances intéressent les secteurs de la mobilité et du bâtiment.
Quiconque consomme des moules apporte un soin particulier au retrait du byssus, cette fibre souvent bien résistante que le mollusque sécrète pour s'accrocher à un rocher à l'état sauvage, à un pieu de culture ou encore à une corde.
Une fois retiré, le byssus est logiquement jeté à la poubelle comme un vulgaire déchet. Cette fibre biosourcée recèle pourtant des qualités insoupçonnées que la société Bysco a révélé.
"On cherchait une fibre qui soit éventuellement capable de remplacer la fibre de verre dans la fabrication des bateaux de course en composite, explique Florence Baron. Les tests réalisés montrent que cette fibre est trop souple pour faire des coques de bateaux. Par contre, au fur et à mesure de nos recherches, on lui a trouvé d'autres propriétés : à l'état naturel, c'est une matière qui ne prend pas feu, elle est résistante et très légère avec une densité très faible".
On peut en faire des isolants thermiques et des absorbants acoustiques. On n'empêche pas le bruit de passer d'une pièce à une autre, par contre on atténue le bruit à l'intérieur d'une pièce.
Florence BaronDirectrice générale associée - Bysco
Fort des premiers prototypes industriels réalisés par Robin Maquet, ingénieur et président de Bysco, la start-up est créée en 2021. Une structure de collecte et de nettoyage des byssus est désormais opérationnelle à Cancale, en Bretagne, au plus près des conchyliculteurs. La matière y est nettoyée et séchée avant d'être transformée dans les Hauts-de-France.
Et la matière première ne manque pas : selon une étude de FranceAgriMer, 4 500 tonnes de byssus sont disponibles, en moyenne, en France chaque année. Entre 25 et 30000 tonnes seraient disponibles en Europe.
Des clients industriels dans l'automobile et le bâtiment
Biosourcés et recyclables, les textiles techniques non-tissés conçus par la jeune entreprise intéressent les industriels, notamment dans le secteur du transport et du bâtiment. De nombreux tests sont en cours pour l'isolation des camping-cars, des rames de trains ou encore des bateaux. "On a également des essais pour isoler des équipements de chauffage, de climatisation, de ventilation et les coffres de volets roulants", ajoute Florence Baron. Des applications dans les secteurs de l'habillement technique et la bagagerie sont aussi dans les projets.
Comme toute start-up en début de vie, Bysco est soutenue par des appels à projets et des plans d'industrialisation. Pour atteindre une viabilité économique, elle poursuit ses investissements en recherche et développement.
Le nettoyage des fibres du byssus est l'un des enjeux prioritaires. Après être passé du stade artisanal à un process pré-industriel, l'entreprise doit désormais industrialiser cette étape, en automatisant les machines de lavage "pour traiter des volumes importants, être au bon prix sur le marché et donc faire des économies d'échelle", précise Florence Baron.
Un second volet de recherche est orienté vers la transformation de la fibre en textile. "Pour fabriquer des textiles non tissés, nous utilisons une technique brevetée. Nous allons tester d'autres procédés pour valider lequel est le plus pertinent pour nos produits". Un autre programme de R&D concerne la transformation de la fibre en fil. Les recherches sur le matériau sont menées au laboratoire à Nantes tandis que celles sur le processus de lavage sont faites à Cancale.
Et le marché est porteur : "le lin, le chanvre et certaines matières minérales considérées comme biosourcées n'arrivent pas à satisfaire la demande. Le marché se développe plus vite que la ressource", assure la dirigeante de Bysco. "Ce qui nous guide, ce qui est au cœur de nos stratégies, c'est la transition environnementale des matériaux. On considère que c'est fondamental et que ça devrait être systémique.