Sur les différentes aires d'accueil du département, comme partout, la peur d'attraper le Covid-19 est grande. Les familles se confinent mais s'inquiètent surtout de ne plus pouvoir travailler.
"On n'est pas fait pour vivre dans des boites de conserves" soupire ce matin-là une maman auprès de Christophe Sauvé, le secrétaire général de l'Association Départementale des Gens du Voyage Citoyens.
La peur d'attraper le coronavirus et de le propager est devenue plus forte que le besoin de se déplacer. Et malgré la difficulté à vivre le confinement dans le périmètre exigu de leur caravane, les voyageurs ne s'autorisent pas à sortir de leurs terrains. Sauf pour aller faire les courses pour les anciens.
Aucun cas de Covid-19, aucun malade n'a été signalé depuis le début de la crise sur les 44 aires d'accueil que compte le département de Loire-Atlantique.
« Cela étant, rappelle Julien Sellenet de l'association Le Relais, les sanitaires ne sont pas étudiés pour ce cas de figure et si les toilettes sont individuels, les blocs sont parfois communs... il leur faut redoubler de vigilance pour observer les gestes barrières"
"Ce n'est pas le confinement qui inquiète sur les aires d'accueil, c'est plutôt la peur de n'avoir aucun revenus pendant plusieurs semaines..."ajoute Christophe Sauvé.
Empêchés de travailler, peur de tomber dans la précarité
La majorité des personnes qui travaillent sont commerçants-forains, élagueurs, récupérateurs. "Le voyage a une fonction économique et sociale. Et cette activité-là est complètement stoppée" précise Julien Sellenet ."Avec les fermetures des marchés aux vendeurs de produits non -essentiels, et celle des chantiers de BTP, ils se retrouvent aujourd’hui non pas au chômage partiel mais au chômage forcé, sans aucune perspective de ressources. Les gens vivent souvent au jour le jour, ils n'ont pas beaucoup de trésorerie. ils sont micro-entrepreneurs, à leur compte" explique Christophe Sauvé.
Si la préfecture assure que ces auto-entrepreneurs bénéficieront comme les sédentaires " des aides apportées, notamment, via le Fond de Solidarité mis en place par l'État et la Région". Encore faut-il faire vite pour constituer des dossiers. Pas simple, pour des populations qui n'ont pas forcément accès à un ordinateur…et encore moins au wifi.
Les associations d'accompagnement ou de médiation sociale comme le Relais ou les Forges s'emploient à informer et accompagner les voyageurs dans leurs démarches administratives mais le temps de procéder à la constitution des dossiers, les factures courent. Celles des accès aux fluides (eau, électricité) et les redevances liées aux droits de place. (NDLR: s'ils payent l'équivalent de "loyers", les voyageurs ne sont pas pour autant éligibles aux aides aux logements APL).
"On a déjà été sollicité par quinze familles en grande précarité, indique Julien, auxquelles on a livré des colis alimentaires de première nécessité, des colis préparés par une autre association Cuisine et Caetera. On fera les comptes à la fin du confinement mais il est presque évident que certains ménages seront en grande difficulté à l'issue de cette période"
"Pour le moment, je constate une grande solidarité entre les familles mais les voyageurs ne pourront pas continuer à s'épauler si le confinement dure plusieurs semaines" déplore lui aussi Christophe Sauvé.
Le militant associatif entend pourtant rester positif , certain que les pouvoirs publics ne laisseront pas tomber cette population. D'ailleurs le ministère des solidarités et de l'action sociale a incité les maires via les CCAS à soutenir ces populations pour leur permettre d'accéder à l'aide sociale comme tout autre citoyen.
Sortir de l’invisibilité habituelle
Les associations craignent cependant que les voyageurs, dont les aires d'accueil, sont souvent installées près des déchèteries, des cimetières, des aéroports, ne pâtissent encore plus que les autres de cette période. La plupart n'ont pas les moyens d'imprimer les autorisations de sortie...au confinement s'ajoute donc l'isolement.Une situation fragile qui concerne plus de 2000 personnes en Loire-Atlantique. Un département où la prise en compte des besoins reste cependant une priorité et ce n'est pas le cas partout loin s'en faut.
"Quand je vois ce qui se passe ailleurs en France, on peut constater que, dans le département, l'accueil est structuré, il y a des échanges permanents entre la préfecture et les associations, poursuit Christophe Sauvé, d'ailleurs on n'a jamais fait autant de visio-réunions pour informer les voyageurs et relayer leurs préoccupations".
"Maintenant, ce serait bien que leurs droits soient élargis aux droits communs pour ce qui est de la prise en compte des problèmes économiques spécifiques et des aides alimentaires...et que surtout, les dispositifs perdurent après la crise. Il ne faut pas que ces populations invisibles le redeviennent une fois le confinement terminé" conclut Christophe Sauvé.
► Pour aider les voyageurs, les associations ont mis en place des permanences téléphoniques et des pages sur les réseaux sociaux